Directeur : Lenny Abrahamson
Réalisé en 2015. Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=E_Ci-pAL4eE
Synopsis : une femme, captive depuis sept ans, doit élever son fils de cinq ans, dans une unique pièce, sans contact aucun avec le monde extérieur.
Vu dans le cadre du Festival du Nouveau Cinéma 2015.
Lorsqu’on s’arrête à la symbolique pure, la caverne de
Platon est un mythe fascinant sur la perception de notre environnement. Toutefois,
la réalité d’un individu tenu en captivité qui développe une conscience du
monde restreinte tombe plus dans le registre de la tragédie. Room est cette tragédie. S’intéressant à
ce fait divers de journal local, le réalisateur Lenny Abrahamson plonge au cœur
d’une telle situation, en en faisant ressortir le bon comme le mauvais avec
autant de puissance.
Joy (Brie Larson) est enfermée dans une unique pièce
depuis sept ans, son fils, Jack (Jacob Tremblay) en a aujourd’hui cinq. La vie
n’est pas facile, mais n’ayant pas succombée au désespoir, elle réussit à créer
un environnement qui n’est pas entièrement malsain pour le jeune garçon. Ils
jouent, font un minimum d’exercice, cuisinent, etc. N’ayant qu’une fenêtre qui donne sur le ciel
et une télévision remplie de « tv-people in the tv-world », il ne
comprend pas le concept d’un extérieur des murs et se fâche lorsqu’on tente de
lui en faire prendre conscience. La seule source de nourriture vient de leur
capteur, qui visite hebdomadairement la pièce (ou simplement « pièce »)
pour y passer une nuit en compagnie de sa victime. Ce sont les soirs où Jack
doit dormir dans la garde-robe.
La structure se divise en deux segments. Afin de bien
comprendre le poids de cette situation, énormément de temps est passé dans
cette pièce que l’on apprend à connaitre, mais qui devient rapidement
étouffante et la situation ne peut plus durer. Lorsque, en seconde moitié, la
famille réussit finalement à s’échapper, tout n’est pas instantanément résolu
et la réhabilitation au monde réel n’est qu’un défi de plus dans leur
traumatisme à long terme. Le monde peut être un endroit aussi hostile qu’invitant,
il faut simplement savoir s’y prendre.
Avec grande intelligence, le scénario observe cette
situation avec justesse, n’ayant pas peur de montrer les difficultés d’une
telle adaptation. Les moments de libérations, de survie et de grandeur comptent
pour dix fois plus lorsque la difficulté de la lutte est vraie et ressentie. Chaque
simple moment est une victoire énorme (monter les marches! voir un vrai chien!
constater l’immensité du ciel!) qui tire les larmes aux yeux par sa magnitude
incroyable.
Ces moments sont grandement aidés par un duo d’acteurs
qui apportent tant à chaque moments. Brie Larson continue d’être l’un des
grands talents de son âge, avec un rôle qui la fera probablement enfin
découvrir par le grand public! Son intelligence émotionnelle, sa force de
caractère et son amour émanant l’élèvent au panthéon des grands rôles de mère
des dernières années, en compagnie d’Anne Dorval (Mommy) et Patricia Arquette (Boyhood).
Il est de notoriété que les bons acteurs enfants sont une denrée limitée dans
le milieu et Jacob Tremblay est une perle rare. Avec un film qui repose autant
sur ce couple de performances, le rapport entre les deux personnages se doit d’être
(et est) instantané et solide comme du roc.
Que ce soit les colères, les émerveillements ou les
temps morts, chaque instant passé en compagnie de ces deux individus
remarquables gagne en ampleur. Lorsque le monde de Jack s’étend à des
proportions infinies, nous apprenons à redécouvrir notre quotidien à travers des
yeux qui permettent de pleinement apprécier notre vie « ordinaire ». Puisque
lorsque l’homme sort de la caverne (celle de Platon), il refuse de voir que les
ombres ne sont que cela, mais une fois cette épreuve complétée, il pourra
apprécier à quel point les humains sont infiniment plus intéressants que leurs
ombres.
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