Directeur : Stéphane Brizé
Réalisé en 2015. Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=tEa1J_iqnZk
Synopsis : Thierry navigue le marché de l'emploi après avoir récemment perdu son dernier boulot.
Vu dans le cadre du Festival du Nouveau Cinéma 2015.
Vu dans le cadre du Festival du Nouveau Cinéma 2015.
Tel La moitié
gauche du frigo de Falardeau, en suivant les aléas d’un cas spécifique qui
navigue le monde de l’emploi, Brizé peut ainsi faire un constatation globale
sur notre capitaliste occidental et une industrie qui n’offre aucune
individualité dans un système destiné à l’efficacité. Thierry vient de perdre
son emploi et doit rapidement rembarqué sur le cheval professionnel puisqu’il
est loin de rouler dans l’or et les dépenses ne font que continuer à s’accumuler.
À travers des petits moments anodins (entrevues, rencontres avec un conseiller
en finances, cours pour passer des entrevues), il devient rapidement clair que
la majorité de sa vie n’est destinée qu’à gérer sa situation économique.
Chaque scène est empreinte d’un malaise qui vient
perpétuellement miner l’estime de soi du protagoniste qui est, somme toute, une
personne exemplaire. Sans être trop chaleureux ou aimable, il n’en est pas
moins fier et juste et le jeu de Lindon le rend incroyablement naturel et
identifiable. Cet homme a un vécu remarquable et cette recherche qui le ramène
à la case départ est une atteinte à sa dignité qu’il ne laisse jamais paraitre
explicitement.
Sans être lourd ou mélodramatique, le malaise latent de
chaque moment est d’une puissance incroyable, nous positionnant sans relâche
dans chacune des luttes quotidiennes de cet homme. Même les quelques moments de
légèreté (un cours de danse, un repas en famille) sont empreints d’une
mélancolie et d’une tristesse qui souligne que c’est ce à quoi se résument
leurs vies : compromis financiers et entrevues humiliantes se succèdent
pour subvenir à leurs besoins vitaux et à l’éducation spécialisée de leur fils,
avec quelques rares instances de simples bonheurs loin d’être trop excitants.
Le jeu des acteurs (ou plutôt de non-acteurs) est d’un
naturalisme saisissant. Les bégaiements, hésitations et répétitions ne sont
jamais trop poussées pour attirer l’attention et créent vraiment le sentiment
que nous avons affaire à des personnes de chairs et de sangs qui n’arrêtent pas
d’exister lorsque la caméra elle arrête de tourner. Le réalisateur utilise une
caméra épaule qu’il place toujours très près de ses acteurs, avec un cadre
mouvant qui nous positionne inconfortablement dans la pièce en leur compagnie, rajoutant
au côté documentaire.
Cette lutte perpétuelle vient réellement frapper et,
sans manipulations (en dehors d’un moment qui sert de catalyseur à la finale), crée
une expérience qui marque. L’intimité que se permet la direction rend l’expérience
proche du voyeurisme, mais cela entraine un inévitable malaise qui renforce le
propos du film d’une façon élégante et efficace. La loi du marché est d’une actualité gênante, plongeant au cœur d’une
réalité contemporaine dont on ne parle pas assez.
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