lundi 26 octobre 2015

Bridge of Spies

Directeur : Steven Spielberg
Réalisé en 2015. Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=mBBuzHrZBro
Synopsis : un avocat spécialisé en assurances (Tom Hanks) doit défendre un espion soviet durant la Guerre Froide et négocier un échange de prisonniers!



Parfois, un humble prêtre catholique d’une petite ville rappelle que malgré toutes les atrocités commises au nom de la religion, les valeurs en son noyau sont d’amour, de compréhension et de rapprochement humain. Steven Spielberg est l’équivalent de ce prêtre pour les valeurs traditionnelles américaines. Les États-Unis d’Amérique ne sont pas le pays avec la meilleure réputation : fortement militaire, un culte des armes à feu qui coute la vie à des milliers de ses propres habitants à chaque année et un grande partie de cette population qui se félicite d’être des péquenauds xénophobes. Par contre, lorsqu’approchées de la bonne façon, il y a un fond moral très fort derrière tout cela, qui n’a rien à voir avec ces éléments. Il est facile d’oublier que l’idéal américain en est un de justice et d’égalité pour tous.

Bridge of Spies explore ces idéaux en plaçant un icone de droiture (Tom Hanks, dans le rôle de James Donovan) au centre d’une des périodes historiques la plus teintée de zones grises. Contrastant avec la clarté morale de la Deuxième Guerre mondiale, où les bons et les méchants étaient très clairement définis, la Guerre Froide en était une d’espionnage, d’information, de conflit d’idéologies qui tenait l’ensemble de la planète dans un climat de tension perpétuel.

Lorsqu’un espion du camp adverse est capturé, l’avocat d’assurance Donovan se retrouve avec le mandat de défendre l’homme afin de prouver au public que le système américain est valide même lorsqu’on parle d’ennemi. Lorsqu’il décide de prendre ce cas, il réalise bien rapidement que personne ne veut réellement qu’il défende cet homme, du moins pas au mieux de ses capacités. Il devient rapidement l’un des hommes les plus détestés de la nation et l’étiquette mal-informé de traître communiste vient inévitablement se coller à lui.

En situant ce phare de moralité au cœur de ce conflit, Spielberg (et ses scénaristes les frères Coen et Matt Charman) peut faire ressortir l’hypocrisie du peuple américain, qui déteste les communiste, sur une question purement idéologique, mais qui font d’un paria l’homme qui maintient l’idéologie propre à leur côté du conflit. Dans leur soif de vengeance et de rétribution, le public devient impatient et oublie l’objectif même de cet exercice. De plus, la confiance en un système devrait être suffisante, s’il était si impeccable, pour ne pas devenir colérique ou anxieux lorsqu’il est utilisé  pour un homme que l’on est si rapide à condamné nous-même.

Nous n’en sommes qu’à la première moitié du film, puisque vers la fin du procès, un pilote en mission d’espionnage se fait descendre en ciel soviet pour être capturé et un étudiant américain se fait arrêter sans trop de raison dans Berlin-Est. Le vaillant avocat est donc envoyé en mission de négociation en Allemagne, voyage coïncidant avec l’érection du Mur. Après avoir affronté le peuple, il doit maintenant gérer les agences gouvernementales (officielles et non) qui ont des intentions bien personnelles, tandis qu’il essaie simplement de sauver trois personnes. Il est aussi crucial de savoir que Donovan s’est lié d’amitié avec l’espion qu’il devait défendre (un très sobre et appréciable Mark Rylance), se préoccupant ainsi du sort ultime de tout parti impliqué.

Ainsi, en défendant les valeurs américaines, il en fait ressortir le côté universel, argumentant souvent le point qu’Abel, l’espion soviet, est un héros au même titre que leurs propres espions. La seconde partie du film, en Allemagne, est plus percutante visuellement, avec un environnement instable et inquiétant qui souligne la lutte des vrais victimes de cette guerre, par opposition aux américains qui, pendant ce temps, cultivent un climat de paranoïa à des milliers de kilomètres des conflits. Par contre, c’est au niveau du scénario qu’elle s’essouffle un peu, se répétant quelque peu et n’ayant pas la concision thématique de la première moitié. De plus, la perte de Rylance pour pratiquement toute la seconde moitié est décevante puisqu’il est une des discrètes forces de ce long-métrage.

De son côté, je ne peux me rappeler d’un Tom Hanks qui déçoit, amenant ici son autorité morale à un rôle qui avait absolument besoin d’un caractère irréprochable, pouvant faire office d’une métaphore pour les États-Unis (remarque qui peut être fait à chaque rôle interprété par Hanks-père). Il mélange parfaitement son homme du peuple accessible et chaleureux avec l’éducation et la répartie nécessaire à son jeu d’espions.

Lorsque le film termine, étant basé sur une histoire vrai, les inévitables cartons titres, que je déteste, apparaissent pour nous offrir l’épilogue de chacun des personnages, comme une bonne petite ouverture conclusive apprise sur les bancs de l’école. Par contre, lorsque l’historique de Donovan apparait, qui est ensuite allé négocier la libération de plus d’un millier d’otages suite à la Baie des Cochons, j’ai eu soudainement envie d’un suite à Bridge of Spies sur ces événements. Cette réaction m’a pleinement fait prendre conscience de la réussite du film, un autre Spielberg qui nous rappelle sans-arrêt qu’il ne s’en ira pas de sitôt.

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