jeudi 9 juillet 2015

Self/Less

Directeur : Tarsem Singh
Réalisé en 2015. Avec : Ryan Reynolds (Damian), Ben Kingsley (Damian), Natalie Martinez (Madeline) et Matthew Goode (Albright)
Synopsis : Un homme d'affaire au crépuscule de sa vie se fait offrir une nouvelle jeunesse à un prix qu'il ne découvrira que trop tard.


Lorsque la science-fiction explore des grandes idées, elle peut marquer les esprits. Elle a la possibilité d’adopter un concept fictif pour articuler un propos sur notre situation réelle en tant qu’espèce, des fois sur de larges questions sociales, des fois sur notre individualité distincte. Inception est un récent exemple parfait d’un long-métrage qui injecte à un monde sensiblement pareil au notre une seule technologie (la valise qui permet l’exploration de rêves) et construit tout autour un scénario qui fait autant film d’action que thriller qu’exploration profonde de grandes idées que film spectacle. Self/Less est l’exemple parfait d’un film avec une simple idée très prometteuse qui n’en ressort qu’un médiocre film d’action.

Damian (Ben Kingsley) arrive au bout de son rouleau. Après des années d’entreprises lucratives, il se meurt peu à peu dans son luxueux appartement qui donne sur Central Park. Toutes les richesses du monde ne peuvent vaincre la Grande Faucheuse…ou peuvent-elles? Lorsqu’on lui offre l’opportunité de transférer son esprit dans un jeune corps grâce à une nouvelle technologie, Damian n’hésite pas et devient ainsi Ryan Reynolds.

D’étranges flashs d’une vie inconnu lui apparaissent lors de sa débauche de jeunesse et lorsqu’il investigue ces mystérieux bribes de souvenirs, il tombe sur un détail du processus qu’on préférerait qu’il ignore. Après une trentaine de minutes, la plus grosse révélation du film est dévoilée (révélée aussi dans la campagne publicitaire) et la suite n’en fait rien d’autres qu’une incessante poursuite par des vagues d’hommes de mains qui veulent liquider le protagoniste.

L’aspect le plus frustrant de la non-réussite qu’est Self/Less, c’est qu’il contient tellement d’embryon d’idées totalement gaspillées. Toute une dimension de lutte des classes existe dans ce procédé qui rend les ainés mieux nantis immortels au dépend de la classe moyenne qui, dans certain cas, doit renoncer à tout ce qu’ils ont pour sauver leurs enfants qui meurent bien avant leur temps. La révélation hâtive – et prévisible – rapproche ce procédé de science-fiction du trafic d’organes, une réalité aux nombreuses questions éthiques et de classes qui sont aussi complètement ignorées.

Tarsem Singh (The Cell, Immortals), qui a généralement une touche très visuelle et distincte, s’efface ici presque entièrement. En dehors de quelques images magnifiques et/ou évocatrices (un appartement en or digne d’une royauté des siècles passés, tout un montage de renaissance lors de l’adoption du nouveau corps), rien ne se démarque vraiment. Les scènes d’actions sont compétentes, sans être trop excitantes et la tension de l’intrigue principale n’est au service de rien autre qu’une course-poursuite banale.

Ben Kingsley ouvre le film avec grande force, offrant une image plus chaleureuse et appréciable de l’habituel homme d’affaire tenace et sans-merci auquel le cinéma nous a habitués. Contrairement à tous les autres géants financiers d’autres films qui jouent avec l’immortalité, sa présence le rend suffisamment agréable pour ne pas causer d’inconfort à l’idée d’une éternité de Ben Kingsley.

À la plus grande tristesse de tous, il est remplacé par le beaucoup plus ordinaire Ryan Reynolds, dans lequel on ne retrouve rien du personnage précédent, offrant une toute nouvelle présence à l’écran qui n’est rattachée en rien à celui avec qui nous venons de passer tout le film jusqu’à ce point. Au moment de cette rupture, le personnage devient le plus générique des héros de film d’action. Il est bon, fort, vaillant, convainquant et prend toutes les bonnes décisions, sans aucune véritable nuance.

Self/Less contient 10% d’un excellent film de science-fiction. Une performance de Ben Kingsley en première partie digne de ce nom et une idée fascinante qui touche à une difficile question de classe tombent à plat. La finale offre même un « retournement » avec des antagonistes aux complexes motivations que le film condamne rapidement sans trop adresser toute la profondeur de leur geste. Il semble qu’une production entière se soit contentée d’une idée de départ sans réaliser son plein potentiel. Ainsi, toutes les décisions qui étaient prises tout au long de la production servaient à étouffer le plus possible l’intérêt de ce scénario.


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