jeudi 9 juillet 2015

Ego Trip

Directeur : Benoit Pelletier
Réalisé en 2015. Avec : Patrick Huard (Marc Morin), Antoine Bertrand (Paul Plante), Guy Jodoin (Richard), Marie-Ève Milot (Nataly) et Gardy Fury (Sammy)
Synopsis : Un animateur télé avec une carrière en déclin voyage en Haïti pour être porte-parole d'un organisme humanitaire afin de redorer son image publique.

Parfois le sous-entendu d’une œuvre est discrète et la comparaison entre l’art et la vrai vie est jouée d’une telle façon qu’une discussion approfondie permet de faire ressortir l’intention de l’auteur au grand jour. Ce n’est pas le cas ici, puisque la transparence du film cache à peine le véritable objectif de cette entreprise. Ego Trip est exactement comme l’ « ego trip » de son protagoniste : une manœuvre calculée, froide et cynique de redorer l’image populaire de sa vedette qui cherche désespérément à reconnecter avec un public québécois. Il emprunte ici la formule la plus populaire et moins subtile possible, résultant en une comédie sans une once d’honnêteté.

Patrick Huard joue un sévère personnage qui, suite à un problème d’image publique, se retrouve dans des circonstances qui forcent l’humilité et font ressortir son « bon côté », ce qui charme la dame de son cœur et transforme du tout au tout un personnage qui n’est plus du tout le même à la fin de ses périples. Si le résumé d’Ego Trip sonne une cloche, c’est que c’est en fait celui de Nez Rouge, un film qui date de plus de 10 ans au même méta-objectif de réhabiliter l’image public de son acteur vedette. 

La revigoration de la popularité d’un artiste n’est pas une mauvaise chose en soi, mais lorsqu’elle est exécutée pauvrement comme c’est le cas ici, il est beaucoup plus facile de percevoir la formule calculée derrière l’œuvre et le cynisme de la production reprend le dessus. Les évolutions de scénarios calculées sont parfois si douloureusement évidentes qu’il devient possible de voir les numéros derrière chaque section de peintures qui forment le coloriage final.

Toutes les cases peuvent être cochées pour la parfaite histoire de rédemption : une relation malsaine avec le père irréparable, une famille aux limites de la cassure suite à l’investissement professionnel, une carrière en déclin, une image publique désastreuse. Ainsi, Marc Morin (Patrick Huard) peut changer de l’homme qui ne démontre aucun signe de bonté à un individu compatissant, gentil et chaleureux en l’espace d’une seule semaine en tant que porte-parole d’une mission en Haïti.

Ego Trip oublie l’élément clé d’un scénario de rédemption : un personnage appréciable quelque part afin de nous faire espérer un meilleur côté. Comme il est présenté ici, rien ne nous encourage à espérer une réconciliation ou une réhabilitation de carrière, puisque rien chez Marc Morin n’est bon ou même décent.

Ce changement est si peu sentie et méritée qu’il ne découle pas naturellement des actions du film, mais apparait tout d’un coup au mi-chemin du long-métrage. Le revirement à 180 degrés du protagoniste se matérialise si brutalement qu’il est aussi naturel qu’un 3e œil dans le front. La finale, qui suit sans déroger la formule, capitalise à 100% sur cette transformation. Emprunter cette voie est aujourd’hui comparable au « Swamp Castle » de Monty Python and the Holy Grail, une structure construite entièrement sur un marécage qui ne fait que s’effondrer sans arrêt. La répétition n’aide en rien. Dans Holy Grail, on rit de la stupidité du noble souverain qui s’entête dans une aussi absurde ambition.

Tout ce qui est personnage secondaire est terriblement maltraité par un scénario qui ne leurs offre pas grand-chose. Ils peuvent être des faire-valoir pour le protagoniste, telle la directrice des communications (Marie-Ève Milot) et le musicien (Gardy Fury) sans évolution et des traits de personnalité changeants selon les besoin du scénario. Sa femme (Sandrine Bisson) et sa fille (Ludivine Reding) ne sont là que pour lui pardonner, sans démontrer une quelconque raison de l’aimer ou même de l’apprécier. Pour compléter le tout, il y a ceux dont on se moque, son fils (Étienne Poliquin) et le photographe (Guy Jodin). Il y a aussi Antoine Bertrand.

Le film devient toujours plus intéressant lorsqu’il prend quelques détours pour raconter des histoires qui ne sont pas la sienne. Ainsi, une rencontre avec une sage haïtienne posée et chaleureuse offre le seul moment de drame honnête dans le film, indiquant un film beaucoup plus intéressant ayant comme sujet un point de vue haïtien sur l’aide humanitaire (que le film semble critiquer, sans faire suite) et les traumatismes de désastres naturels.

Une autre parenthèse dans les bureaux du gouvernement canadiens nous confirme que François Avard est bien derrière ce scénario, faisant ressortir son habituelle méchanceté qui est beaucoup plus amusante que tout le reste de ce film qui adhère on ne peut plus à « La formule du parfait film populaire ». Ce moment semble littéralement être transposé d’un autre film et indiquait une voie finale qui aurait pu racheter tout le film, mais rien n’en fut fait et nous sommes revenus à La Formule pour une finale acharnée avec son bonheur.

Les bandes annonces qui vendent Ego Trip donnent exactement l’idée de ce que sera le film : une série de blagues méchantes et haineuses, qui sont justifiées puisque dites par un personnage méchant et haineux, mais qui, au contact de difficultés humaines (qui ne sont pas les siennes), deviendra littéralement un nouveau personnage, gentil et chaleureux. En fait, les bandes annonces sont légèrement meilleures puisqu’elles laissent à l’imagination la possibilité d’envisager un meilleur film.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire