Director : Terry Gilliam
Réalisé en 2013. Avec : Christoph Waltz (Qohen Leth), Mélanie Thierry (Bainsley), David Thewlis (un ami surexcité), Lucas Hedges (Bob) et un grand nombre de caméos!
Vu dans le cadre de Fantasia 2014.
Dans son message d’introduction au film (exclusif à cette
projection), Terry Gilliam médite sur l’opinion qu’aurait Descartes de notre
monde contemporain et dirait probablement quelque chose comme « Je tweete
donc je suis ». Cette citation qui fait bien rire la salle introduisait en
fait parfaitement les thèmes du film, une autre dystopie cauchemardesque où
notre relation avec la machine est en train de tranquillement nous consumer de
notre plein gré.
Qohen Leth est un fonctionnaire et une sorte d’informaticien.
Ce n’est pas son titre officiel, mais il travaille avec des chiffres et
consolide des données. Il est agoraphobe (entre autre) et redoute chaque jour
le moment où il doit sortir de chez lui pour aller travailler et est forcé d’interagir
avec le monde extérieur. Ainsi, il fait la demande de pouvoir travailler à la
maison (une chapelle prise d’assaut par le matériel informatique, subtile
Terry!) et non seulement on lui accorde, mais il est mis en charge du théorème
Zero. Il doit prouver que 100% = 0, que tout est futile et ne mène à rien, que
au final tout retournera au néant et peu importe ce que l’on fait, c’est notre
sort inévitable (classique!)
L’apparence, les décors et les costumes sont toujours une
force des films de Gilliam et ce Zero
ne fait pas faux bond, avec un univers où les sens sont constamment pris d’assaut,
nous sommes inconfortables et le repos n’est jamais permis. Les lumières, les sons,
les couleurs, les objets hétéroclites, la technologie, les publicités qui
pourchassent les gens sur le trottoir et les pancartes de l’église de Batman de
Redeemer ne laissent pas une minute de répit aux personnages et à l’audience.
Même lorsque Qohen rentre chez lui, l’environnement sombre de la chapelle reste
tout de même oppressant dans le chaos et la saleté d’un milieu de travail digne
des quartiers maires de Project Mayhem, il n’y a aucun confort possible.
Les comparaisons avec Brazil
sont faciles et évidentes et il est vrai que comme compagnons d’écoutes, les
deux films fonctionnent bien ensemble. Il est terrifiant de constater que l’aspect
dystopique de Brazil est aujourd’hui
une réalité et n’est plus vraiment une préoccupation dans Zero, comme si le réalisateur s’était quelque peu résigné et le
fatalisme de la chose est l’aspect le plus sombre du film. C’est comme si après
avoir remis en question le système tordu qui l’oppressait toute sa vie, Gilliam
se demande maintenant « et puis après? » et laisse aller une partie
de sa colère envers le système (tout en le pastichant avec merveille; les gens
qui dansent avec tous leur tablette électronique en main m’a particulièrement
plu). De plus, le film contient une lueur d’espoir (contrairement à Brazil, qui était écrasant du début à la
fin). Les nouvelles façons de connecter avec d’autres individus via la
technologie n’est pas entièrement une mauvaise chose, et la représentation de
Bob est généralement un personnage qui donne un certain espoir pour la
jeunesse. Les scènes entre Bob et Qohen étaient particulièrement intéressantes
puisqu’elles recelaient d’une certaine aura de questionnement autant du
personnage que du réalisateur, est-ce que je suis de cette façon tout
simplement parce que je suis vieux et déconnecté de l’actualité?
Christoph Waltz offre une performance comme nous n’en avons
jamais vu de sa part. Il est vulnérable, faible, confus, froussard, il est toujours
en retard sur les autres et est plus souvent utilisé qu’autre chose (l’opposé
de son personnage de Tarantino). Il prend beaucoup de décisions courageuses
dans ce film qui portent fruit, qui vont de se raser les sourcils à nous
montrer ses fesses plusieurs fois! Il porte le film sur ses épaules maigres et
rabougris et réussit ce défi de taille.
En conclusion, j’ai apprécié ce film et j'ai définitivement envie de réécouter ce
film (comme la majorité des films de Gilliam) pour pleinement m’imbiber de cet
univers tordu, pour pouvoir observer, apprécier et analyser les moindre détails
qui parsemés dans tous les racoins de ce monde futuriste qui ne l’est pas tant
que ça (« We started to make a film in the near future, but then the
future became the past while we were making it » nous explique Gilliam
dans son mot d’introduction, après avoir justifié son absence dû à un accident
de Superglu lors d’une sieste sur son canapé).
MUK
Aucun commentaire:
Publier un commentaire