samedi 27 décembre 2014

Rick and Morty

Créé par Dan Harmon et Justin Roiland.
Avec : Justin Roiland (Rick), Justin Roiland (Morty), Chris Parnell (Jerry), Sarah Chalke (Beth) et Spencer Grammer (Summer)


Après avoir assisté à la lutte sans fin de Dan Harmon avec les restrictions créatives d’un univers concret, d’un budget établi et la supervision d’une entité corporative lors de son travail sur Community, le voir se lancer à cœur joie, en compagnie de Justin Roiland, dans un univers animé aux restrictions quasi-absentes est une merveille. En compagnie du duo éponyme qui mène la série, un génie scientifique alcoolique et son petit-fils qui a plus de cœur que de neurones, les créateurs nous emportent dans un multivers fol-dingue (?) qui ne ressemble à rien qui existe.


Le pilote est l’épisode le moins fort, mais comme la majorité de ses comparses télévisuels, est coincé avec les tâches de mises en situations qui pardonnent rarement. Les relations sont très clairement établies et l’indispensable fusil-portail est introduit ainsi que l’idée de la facilité avec laquelle l’émission peut passer d’un salon de banlieue à une plaine peuplée de créatures constituées exclusivement de couilles (qui composent la majorité des univers), ce qui est utile plus tard, mais empêche d’explorer une situation précise profondément. Avec ces quelques dynamiques interpersonnelles et un ton établi, le montagne-russe des concepts de science-fiction tous plus tordus les uns que les autres peuvent commencer. Dans la même veine que Community, chaque épisode tourne autour d’une idée centrale autour de laquelle la famille principale orbite (puisque les membres de la famille des protagonistes deviennent rapidement des personnages à part entière) et elle en connexion directe avec les personnalités des personnages et leurs évolutions (ou absence de).


Les détails spécifiques des univers est absolument ridicule. Chaque nouvelle race, planète ou invention est affublé d’un nom et d’une apparence qui sonne comme la première et unique idée à laquelle ils aient pensés qui était suffisamment drôle. La majorité de la saison à une ambiance d’improvisation, avec les noms les plus ridicules qui viennent de nulle part et les designs énormément chaotiques (il est possible de littéralement entendre Dan Harmon rire à ses propres blagues lorsqu’il énonce les bandes annonces aléatoires des dimensions parallèles). Cette caractéristique renforce l’idée que ce n’est pas l’aspect important de la série. Oui, l’univers est coloré et un accomplissement créatif visuellement incroyable et les idées explorées sont fascinantes en soi, mais le véritable cœur de la série se retrouve chez les personnages qui donnent un point d’ancrage au spectateur dans ce monde complètement dingue. Le fait qu’autant de temps d’antenne soit accordé à la relation entre les parents de Morty démontre l’importance des caractérisations dans cet univers qui serait juste un gros bordel de gobligouglorfazorp si les problèmes aussi identifiables que la simple lutte constante pour faire fonctionner leur mariage ou l’insécurité d’être bon à rien face aux accomplissements des autres ne donnaient pas des centres émotifs autour desquelles l’audience puisse graviter.


L’exploration des idées est un autre point remarquable. Lorsqu’un concept qui semble être une blague lancée à l’improviste est introduit, l’histoire pousse constamment le concept jusqu’au point de rupture, fasciné par les feux d’artifices possibles qui résulteraient d’une machine qui permet à un unique chien de devenir assez intelligent pour accomplir des tâches domestiques de base ou de pouvoir observer tous les différents « et si? » dans diverses dimensions où différentes décisions furent prises. Que ce soit d’avoir le courage d’attendre que le concept se dévoile dans son entier (généralement avec des résultats catastrophiques) ou d’observer l’impact souvent désolant qu’il peut avoir sur les nerfs des personnages, rien ne semble venir équiper de freins dans cette création déjantée.

Cette approche est aussi utilisée pour les personnages. Oui, le pilote nous présente une famille aux personnalités humoristiques simplistes, des archétypes de séries-télés auxquels nous sommes habitués: un père de famille perdant avec peu de confiance en soi, une mère au-dessus de ses affaires qui est clairement capable de mieux, une fille ainée qui cherche l’approbation des autres via la popularité scolaire et un fils idiot au grand cœur. Il suffit d’ajouter à cela une grand-père génie scientifique supportés par une équipe créative déterminé pour avoir un parfait cocktail d’explorations fascinantes. L’alcoolisme comique du premier épisode devient un symptôme chronique de l’incroyable fardeau à porter d’être (manifestement) l’individu le plus intelligent de la galaxie, l’apparente incompétence générale du père de famille serait écrasant émotivement pour n’importe quel individu avec une quelconque conscience de soi-même et les résultats de chaque situation sont présentés en allant plus loin qu’un running-gag. Les exemples sont multiples pour chaque personnage.

C’est pour cela qu’il est pertinent de considérer Rick & Morty comme une série à part entière avec une continuité fixe et non une série aléatoire d’épisodes-concepts. Les différents épisodes nous en apprennent beaucoup sur chaque personnage et tous les développements viennent instruire notre perception des individus et leurs décisions lors des épisodes qui suivent. Lorsqu’un épisode se termine avec la destruction de l’univers de base (celui dans lequel nous avons passé toute la série jusqu’à ce point), le duo décide de contourner le problème en changeant d’univers et faisant comme si de rien était. Une autre série aurait abandonné cette conséquence, ne la mentionnant plus jamais, mais ici, cet événement influence les développements qui s’ensuivent chez Morty pour les épisodes restants. Rick est un génie, mais plus les aventures s’accumulent et les situations le forcent à accomplir le nécessaire pour survivre, on comprend progressivement le poids de cette intelligence sur sa psyché et l’épisode final ne pourrait fonctionner sans la saison complète d’incidents qui nous ont appris à connaitre Rick et sa relation particulière avec Morty.

En conclusion, il est facile de voir Rick & Morty comme une simple série farfelue d’aventures avec des extraterrestres dégoutants et beaucoup de gros mots, mais lorsqu’on regarde par-dessus cette surface distincte et amusante, on réalise la véritable profondeur de cette émission animée pour adultes. C’est exactement le genre de série qu’une génération d’enfants pourront écouter tard le soir sans que leurs parents soient au courant et s’exciter devant toutes les blagues de pipi et les rots pour plus tard apprendre à apprécier l’intelligence des rots et blagues d’univers où tout le monde mange de la merde.

MUK

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