samedi 27 décembre 2014

Dear White People

Directeur : Justin Simien
Réalisé en 2014. Avec : Tessa Thompson (Sam White), Kyle Gallner (Kurt Fletcher), Dennis Haysbert (Dean Fairbanks) et Brandon P Bell (Troy Fairbanks)
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=BERGcYybigE

Dear White People pastiche les relations interraciales sur un campus universitaire juste assez pour que l’exagération rende compte des archétypes et définisse assez clairement les relations pour forcer la réflexion sur le sujet de façon provocatrice. Justin Simien articule ses propos via un dialogue entre jeunes gens éduqués et intelligents, ce qui rend plus accessible son sujet. Par contre, le réalisateur garde son coup de grâce pour le générique final : les événements du climax du film n’ont rien de pastiches, ils sont arrivés…à répétition dans les dernières années, justifiant entièrement tout le dialogue que le film tente d’avoir et de provoquer, urgeant une réaction quelconque de son audience.

L’ouverture nous présente rapidement les personnages principaux et l’ultime manifestation de la tension (une émeute de noirs s’en prend à une fraternité) sans rien montrer, nous incitant à imaginer le pire. Le film rembobine ensuite cinq semaines afin de mettre en contexte les événements qui vont mener à la colère et la violence qui nous fut promise lors du prologue (séquence très Wes Anderson-esque si je peux me permettre la plus évidente remarque que n’importe quel cinéphile amateur peut sortir). Ainsi, une introduction médiatisée de la violence et tension raciale est entièrement contextualisée tout au long du film. On nous offre 1h45 de développement de personnages, de péripéties et de relations qui démontrent en fait la complexité de nouvelles que nous pensons pouvoir cerner après quelques minutes d’images et un résumé d’un journaliste qui est envoyé sur les lieux après avoir reçu des rapports de seconde main du déroulement menant à la « catastrophe ».


Les principaux impliqués sur le campus regroupent une militante, hôte de l’émission de radio qui donne au film son titre, le prometteur étudiant en sciences-politiques, chef de comités et premier de classe, une bloggeuse amateur avec de grandes aspirations, l’archétype du mec privilégié et ignorant à la tête d’une fraternité et un jeune journaliste en quête d’une identité. Un seul de ces personnages est blanc, je donne quelque secondes à votre esprit de déduction…Un film plus simpliste aurait accroché le gros de la tension sur la dynamique entre les blancs et les noirs, mais DWP explore plus profondément les dynamiques culturelles en opposant plusieurs approches, allant du militantisme à l’inaction totale en passant par les plus permissifs qui cherchent à obtenir quelque chose. Ce sont ceux qui ont le plus de motifs évidents qui semblent les plus égocentriques (soit des visionnements sur son blog ou une personnalité politique), mais ils sont tous sur le même pied d’égalité dans leur quête identitaire, certains ont simplement une perception personnelle qui passe par des représentations plus tangible, rendant « l’étiquetage » plus facile.

C’est le tissu de relations s’entremêlant qui forme le cœur du film et donne un aspect personnel auquel n’importe quelle audience peut s’associer qui permet de réellement rendre accessible ce problème. Le portrait d’ensemble implique évidemment la large question de l’identité culturelle, des tensions raciales et du racisme institutionnalisé, mais est parsemé de petits moments personnels qui sont universels. Le film représente la façon dont cette lutte identitaire vient affecter chacun des aspects de la vie, que ce soit dans les relations amoureuses*, père/fils ou dans un simple objectif de pertinence dans ce monde. L’université est un moment de grandes découvertes et d’apprentissages, mais qui élargissent nos horizons et amènent généralement un plus grand nombre de questions, sur le monde et surtout sur notre propre personnalité. C’est un lieu de défis personnels et de quête pour sa place dans un monde d’une énorme complexité qui change sans s’arrêter pour qui que ce soit. Avec son scénario qui saute constamment d’une lutte personnelle à une autre, il capture à tous les niveaux ce sentiment de perte et souvent d’impuissance face à un système qui semble déjà être entièrement mis en place par les gens qui ont précédés.


En conclusion, Dear White People, dans la lignée des films de Spike Lee** (un point de référence évident pour Simien cité plusieurs fois dans le film), tente, dans son fond, d’explorer la complexité d’une situation sans offrir de réponse ou de solution claire ou satisfaisante, nous remettant en main le flambeau, puisqu’il n’y a des limites à ce qu’un film peut faire en terme de changements sociaux. Il force à la réflexion et remet en question ce que l’on pense croire ou comprendre de l’actualité, dénonçant sans équivoque l’idée que le racisme est « guérit » dans le monde.

MUK

*De plus, un film de plus qui inclut une relation dont l’homosexualité n’est pas du tout un point d’attention dont les personnages ne sont pas définis par leur orientation fait toujours plaisir à voir.

**Dans l’esprit d’ouverture complète : je n’ai vu que Do The Right Thing, Inside Man et plusieurs extraits de l’incroyable Bamboozled.

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