Directeur : Philipe de Chauveron
Réalisé en 2014. Avec : Christian Clavier (Claude) et Chantal Lauby (Marie)
Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?
n’est pas raciste. Par contre, cela ne l’empêche pas ultimement d’avoir un
message problématique par rapport au racisme. Il n’est pas raciste puisqu’il
établit très clairement et rapidement son approche égalitaire à la situation,
montrant tout de suite que c’est un problème répandu qui touche toutes les
cultures qui sont empreintes de préjugés ignorants. Il me rappelle quelque peu Avatar avec son message de paix pour
excuser sa complaisance dans de spectaculaires séquences de combats et de
guerre. Lorsque le film joue avec les trois gendres, qui sont arabe, juif et
chinois, il démontre rapidement son point qu’ils viennent de cultures différentes, mais lorsqu’on laisse tomber ses assomptions ridicules, ils sont,
au fond, des Français qui ont grandi dans plusieurs environnements. Le
message final qu’être racisme c’est mal et il faut voir par-dessus nos
différences pour s’apprécier pleinement est tout correct, mais c’est lorsqu’on
en arrive au personnage de Christian Clavier que les choses se corsent. (Je
vais parler presque exclusivement de la résolution finale, donc si vous voulez
évitez de vous faire gâcher la fin, qui est somme toute prévisible pour ce
genre de film bonbon tout public, désolé, mais c’est ici que vous vous
arrêtez.)
Christian
Clavier joue le père de famille conservateur, un bourgeois notaire gaulliste
catholique qui habite sur une énorme propriété et est particulièrement bien
nanti. L’idée est qu’il est raciste, mais aussi raciste que ses gendres entre
eux et il est rapidement associé au père de son nouveau futur-gendre qui vient
de la Côte d’Ivoire, lui aussi raciste envers les blancs. Oui, son racisme
envers les blancs est aussi ignorant et ses commentaires sont gratuits et
infondés, mais cette attitude est ancrée dans quelque chose de concret, une
histoire qui implique des siècles d’esclavages et d’abus colonialistes qui ne
sont plus présents au sens littéral du terme, mais laissent des tâches
indélébiles dans des attitudes encore aujourd’hui (regarder l’actualité et
Ferguson pour un exemple aberrant de la chose).
Mettre
sur un pied d’égalité le racisme de blanc bourgeois bien nantis et celui d’un
homme noir est un problème qui est typique de notre approche privilégiée au
racisme « Nous aussi certaines personnes ont des préjugés envers
nous! », mais le racisme envers les blancs est un faux concepts qui ne
justifie quoi que ce soit, puisque le racisme implique effectivement « une
discrimination basée sur la race », mais on peut difficilement te
discriminer lorsque tu as tous les pouvoirs sur la planète depuis environ 1300
ans. Ainsi, justifier le racisme des blancs par les insultes des diverses
ethnicités qui les entourent est irresponsable, ignorant la réalité socio-économique
et ne sert qu’à rassurer aux gens qu’ils ne sont pas racistes (ou pire, qu’ils
se sentent mieux à propos de leur propre racisme) au lieu d’aller au cœur des
vrais problèmes, un problème de racisme institutionnalisé qui est encore
présent et qui opprime des minorités en occident encore aujourd’hui.* La
résolution est seulement dans l’histoire spécifique et ne règle vraiment rien,
puisqu’il avait déjà appris, lors de la séquence de la Marseillaise, à
apprécier les minorités dans sa famille (qui sont tout de même de beaux, sympathiques et prospères gaillards). Par contre un nouveau conflit (/ethnicité) apparaît et il réapprend la même leçon lors de la finale, mais avec un noir cette fois ci!
Puisque
je suis conscient de mon approche qui semble très négative, je vais parler de
choses positives avant de retomber dans mon problème final. Le film illustre
très bien les nuances de diversité, nous offrant des personnages qui sont loin
d’être stéréotypés. Ils montrent une flexibilité de mœurs, sans n’être que
« des blancs catholiques » joués par des acteurs aux différentes
ethnicités. Ils se distinguent encore plus par leurs personnalités que par
leurs origines. Pascal N'Zonzi est ma partie favorite du film, il est drôle dans
chaque scène, amenant une sérieux et une gravité à son personnage qui se donne
tellement d’importance que son dépaysement et insignifiance lorsqu'il se retrouve dans l’environnement
de la bourgeoisie française rajoute encore plus aux gags. Son regard est
d’une intensité qui nous permet de tout comprendre sur les émotions du
personnage sans qu’il n’ait à ouvrir la bouche. Bon, ça suffit les éloges.
Le
film n’est peut-être pas raciste, mais qu’est-ce qu’il est sexiste. Les
personnages sont techniquement 50% féminins, mais aucun d’eux n’est réellement
un personnage, en dehors de la mère, qui ne sert qu’à réagir à ce que le père
fait. Les 3 filles n’entreprennent aucune action pour influencer le déroulement
de l’histoire et ne font que subir, tandis que leurs maris se lient les uns aux
autres et au père. Une seule à un trait caractéristique et c’est sa sensibilité
qui la fait pleurer constamment (ce qui est, je l’admets, très amusant). La 4e
sœur, Laure, qui est la plus « présente » dans le film, ne fait qu’accepter sa
demande de mariage pour ensuite, systématiquement à chaque scène, hésiter ou
ouvertement regretter cette décision, jusqu’à ce que les figures paternelles
règlent leurs problèmes et elle se sent ainsi permise d'épouser son copain africain. La plus grande action de ce personnage sans volonté propre se résume à annuler le mariage et embarquer dans un train (pourquoi exactement?), se résignant à agir comme son père lui demande, signifiant qu'elle ne pourra être
heureuse que si elle marie un blanc catholique qui a le sceau d'approbation de ses parents. Même la
mère n’a pas sa propre ligne narrative et lorsqu’elle semble être devenue plus autonome, revient sans questions vers son mari lorsqu’il change d’avis sur le
nouveau membre de la famille.
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Image honteusement représentative. |
En
conclusion, je comprends parfaitement l’attrait du film, une zone de sécurité
où il est accepté socialement de rire aux blagues racistes et mettre un petit
baume sur cette partie de nous pour lequel tout le reste de la société nous
fait sentir coupable. Un film « feel-good », même s’il reste
hypocrite, fait du bien de temps en temps et il est simplement important de
comprendre que malgré tout, le racisme est effectivement une attitude nocive
qui est loin d’être réglé dans notre monde.
MUK
*Histoire vraie : je suis rentré chez moi après ce film pour tout de suite écouter Do the Right Thing et le contraste des approches est frappant, si vous chercher un film qui comprend la situation et va au coeur du problème...réalisé il y a 25 ans...
*Histoire vraie : je suis rentré chez moi après ce film pour tout de suite écouter Do the Right Thing et le contraste des approches est frappant, si vous chercher un film qui comprend la situation et va au coeur du problème...réalisé il y a 25 ans...
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