mercredi 27 mai 2015

Saint Laurent

Directeur : Bertrand Bonello
Réalisé en 2014. Avec : Gaspard Ulliel (YSL), Jérémie Rennier (Pierre Bergé), Louis Garrel (Jacques), Léa Seydoux (Loulou), Amira Casar (Anne-Marie) et Aymeline Valade (Betty)


Le long-métrage biographique vient avec son lot très particulier de décisions narratives ardues. Couvrir une vie du début à la fin empêche d’aller en profondeur et une période trop courte peut manquer de contexte. La personnalité historique peut être vue comme un icône intouchable ou un individu aux multiples problèmes.

Saint Laurent s’engage dans plusieurs objectifs, presque tous accomplit. Il offre un portrait complexe de l’homme ainsi que de l’époque qui l’entoure tout en argumentant le mérite artistique de son travail. Même s’il semble parfois déambuler à travers ses décors plutôt que raconter une histoire, Bertrand Bonello réussit son pari ambitieux.

La performance de Gaspard Ulliel est l’essentiel du film, puisqu’il supporte une grande partie du film sur ses élégantes épaules. Il apporte une grâce et une vulnérabilité qui accomplissent beaucoup quant à la profondeur du designer de mode. Puisque la production s’est donnée comme mission de promouvoir l’art présent dans la mode en allant chercher l’homme derrière ses œuvres, il était capital de faire ressortir l’humanité poétique derrière de telles créations. Dans une performance très personnelle, discrète et terre-à-terre, Ulliel incarne ce qui faisait de Saint Laurent un icône digne d’avoir son histoire racontée.

Certains films biographiques vont tenter d’en couvrir trop long, ce qui impose une grande hâte. En se concentrant surtout sur une période de sa vie (1967-76), Bonello capture l’essence du personnage tout en se donnant de l’espace pour laisser respirer de longues scènes plus contemplatives. Les mandataires inclusions de courts moments dans sa jeunesse prédestinée et dans son vieil âge sont aussi au rendez-vous, mais servent des fonctions très spécifiques et sont intégrées de façon suffisamment organiques pour ne pas trop distraire.

Dans cette époque si particulière, le protagoniste est permis d’y habiter dans toute sa luxure sans trop de contraintes. Cela offre une vision ample du contexte historique et de l’environnement social, créant un univers riche, mais pouvant manquer de ligne directrice. Vers le milieu du récit, il semble laisser l’homme à lui-même pour de longues passes, sans direction, sans scénario et sans point d’ancrage pour le public autre que l’acteur, ce qui crée des temps morts sans buts apparents. Ces longueurs risquent d’en laisser certains indifférents, même si elles ont une pertinence thématique dans l’histoire d’un individu sous supervision constante puisque incapable d’autonomie.

Une séquence finale qui consolide avec force le tout permet toutefois d’oublier les quelques longueurs traversées pour arriver à ce point. Dans un mélange visuel très clair entre le design de Saint-Laurent et le néoplasticisme des toiles de Mondrian, le défilé qui clos ce chapitre de sa vie encapsule parfaitement le film d’un homme troublé, anxieux mais brillant qui, comme son art, est en quête identitaire continue. 

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