Directeur : Bertrand Bonello
Réalisé en 2014. Avec : Gaspard Ulliel (YSL), Jérémie Rennier (Pierre Bergé), Louis Garrel (Jacques), Léa Seydoux (Loulou), Amira Casar (Anne-Marie) et Aymeline Valade (Betty)
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=BFXckxA1RtU
Le long-métrage
biographique vient avec son lot très particulier de décisions narratives ardues.
Couvrir une vie du début à la fin empêche d’aller en profondeur et une période
trop courte peut manquer de contexte. La personnalité historique peut être vue
comme un icône intouchable ou un individu aux multiples problèmes.
Saint
Laurent s’engage dans plusieurs objectifs, presque tous accomplit.
Il offre un portrait complexe de l’homme ainsi que de l’époque qui l’entoure
tout en argumentant le mérite artistique de son travail. Même s’il semble
parfois déambuler à travers ses décors plutôt que raconter une histoire,
Bertrand Bonello réussit son pari ambitieux.
La performance de Gaspard
Ulliel est l’essentiel du film, puisqu’il supporte une grande partie du film
sur ses élégantes épaules. Il apporte une grâce et une vulnérabilité qui
accomplissent beaucoup quant à la profondeur du designer de mode. Puisque la
production s’est donnée comme mission de promouvoir l’art présent dans la mode
en allant chercher l’homme derrière ses œuvres, il était capital de faire
ressortir l’humanité poétique derrière de telles créations. Dans une
performance très personnelle, discrète et terre-à-terre, Ulliel incarne ce qui
faisait de Saint Laurent un icône digne d’avoir son histoire racontée.
Certains films
biographiques vont tenter d’en couvrir trop long, ce qui impose une grande
hâte. En se concentrant surtout sur une période de sa vie (1967-76), Bonello capture
l’essence du personnage tout en se donnant de l’espace pour laisser respirer de
longues scènes plus contemplatives. Les mandataires inclusions de courts
moments dans sa jeunesse prédestinée et dans son vieil âge sont aussi au
rendez-vous, mais servent des fonctions très spécifiques et sont intégrées de
façon suffisamment organiques pour ne pas trop distraire.
Dans cette époque si
particulière, le protagoniste est permis d’y habiter dans toute sa luxure sans
trop de contraintes. Cela offre une vision ample du contexte historique et de
l’environnement social, créant un univers riche, mais pouvant manquer de ligne
directrice. Vers le milieu du récit, il semble laisser l’homme à lui-même pour
de longues passes, sans direction, sans scénario et sans point d’ancrage pour
le public autre que l’acteur, ce qui crée des temps morts sans buts apparents. Ces
longueurs risquent d’en laisser certains indifférents, même si elles ont une
pertinence thématique dans l’histoire d’un individu sous supervision constante
puisque incapable d’autonomie.
Une séquence finale qui consolide
avec force le tout permet toutefois d’oublier les quelques longueurs traversées
pour arriver à ce point. Dans un mélange visuel très clair entre le design de
Saint-Laurent et le néoplasticisme des toiles de Mondrian, le défilé qui clos
ce chapitre de sa vie encapsule parfaitement le film d’un homme troublé, anxieux
mais brillant qui, comme son art, est en quête identitaire continue.
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