lundi 18 mai 2015

Respire

Directrice : Mélanie Laurent
Réalisé en 2014. Avec : Joséphine Japy (Charlie) et Lou de Laâge (Sarah)


Le cinéma français est généralement très humain. Il se concentre sur des situations personnelles, sans artifices, mais peut aussi facilement tomber dans le mélodramatique. En se basant sur un couple de performances qui, avec l’aide d’une ambiance maitrisée, soutiennent l’ensemble du film, la réalisatrice Mélanie Laurent réussit à créer un drame tendu et dérangeant qui transcende les problèmes de son genre.

Telle l’intrigante Emma qui vient débloquer les perspectives du monde de la protagoniste dans La vie d’Adèle, Respire s’intéresse à une dynamique similaire entre deux amies qui semblent se compléter à leurs façons. Le script est conscient que cette observation presque mondaine d’une amitié typique pourrait ennuyer et choisit donc d’adopter une tournure particulière qui fait lentement glisser le tout vers un autre ton.

La rencontre de Charlie (Joséphine Japy) et Sarah (Lou de Laâge) ouvre dans le plus stéréotypé des drames français pour tomber progressivement dans un scénario qui frise l’horreur psychologique. Une est enfant unique vierge qui vit dans l’asphyxiant climat de terreur qu’engendre un mariage constitué exclusivement d’engueulades ; l’autre est une bohème globe-trotter expérimentée sexuellement et rempli d’anecdotes de vie en dehors du la cage banlieusarde. Elles répondent donc aux critères de stéréotypes complémentaires.

Charlie s’attache rapidement à cette nouvelle présence qui semble si transgressive : elle répond aux adultes, dit les choses comme elles sont, sèche les cours et fréquente des gens plus vieux. Elle devient accro à l’intensité que lui procure cette proximité avec Sarah, ce flot infini de sensations. Malheureusement, comme avec n’importe quelle drogue, le crash suit inévitablement. Il prend ici une forme de torture mentale pour lequel très peu seraient préparés et encore moins une adolescente.

Le film ne fait pas nécessairement dans la subtilité symbolique : Charlie souffre d’asthme sous le titre Respire, les enseignements des professeurs sont des fois si grossièrement liés au scénario qu’elles pourraient être adressés directement à la caméra, une étudiante reçoit des constants appels haineux d’inconnus qui sont le résultat d’une campagne de harcèlements pendant qu’elle révise ses notes sur… la Guerre Froide. Cette tartinée épaisse pourrait être distrayante pour certains, mais elle permet au film de jouer large et de frapper plus fort lorsqu’il veut faire ressentir la tension.  

La force du long-métrage dépend grandement des performances du duo de protagonistes, qui se doivent d’être de haut calibre. Heureusement, sous la direction d’une actrice elle-même talentueuse, les deux jeunes adultes développent ensemble une relation passionnelle sous toutes ses variantes, autant de l’attachement que de la colère. Joséphine Japy débute très timidement, mais apprend de son amie et prend peu à peu sa place, démontrant discrètement l’évolution qu’engendre cette amitié. Lou de Laâge de son côté incarne une véritable énigme, puisqu’elle est enfouie – perdue même - sous un nombre incalculable de mécanismes de défense qui la rendent difficile à cerner jusqu’au bout.


Ne cherchant pas à faire dans la résonance thématique, mais plutôt dans l’observation attentive d’une relation spécifique, Respire offre une intimité rarement couplée à une atmosphère de tension exponentielle qui mène à une finale satisfaisante. Avec ce long métrage percutant, Mélanie Laurent se prouve une directrice à la hauteur de son talent d’actrice.

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