jeudi 2 avril 2015

La passion d'Augustine

Directrice : Léa Pool
Réalisé en 2015. Avec : Céline Bonnier (Augustine), Lysandre Ménard (Alice), Diane Lavallée (Soeur Lise), Valérie Blais (Soeur Claude) et Marie Tifo (La méchante Mère Générale).
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=egvqwdSPATs


Le plus grand accomplissement de La passion d’Augustine est de présenter un groupe de protagonistes dont l’ennemi se résume à la modernité et le progrès, toutes des choses qui, avec le recul historique, sont d’excellentes choses, pour qu’on s’y attache progressivement. Par contre, en dehors de quelques détails intéressants, le reste de l’histoire n’arrive pas à réellement à rassembler ensembles toutes les idées qui veulent être approchées et échoue à construire une dynamique centrale qui devrait faire office de tissu connecteur pour l’ensemble des thèmes abordés.  

Augustine est à la tête d’un couvent/école de musique et l’enseignement de cet art est ce qui domine ses pensées plus que tout (d’où le titre!). Son couvent est considéré comme une aberration dans la communauté ecclésiastique (ce n’est jamais vraiment expliqué pourquoi, en dehors de $$$) et elle doit constamment se battre avec les plus hauts placés pour la survie de son école. Elle se retrouve aussi mentor d’une « jeune avec une attitude » qui se révèle être un prodige du piano, tout comme elle l’était à son âge. Tout l’aspect thématique et le message général d’ensemble du film est pertinent et intéressant, mais ultimement ne prend pas forme dans la narration. La relation entre les personnages manque de vie et n’arrive pas à stimuler l’intérêt suffisamment pour forger une vrai dynamique qui soulèverait encore mieux l’aspect humain du conflit et du drame de l’évolution d’une société et des groupes profondément ancrés dans la tradition.


Toute la question des difficultés de la modernité pour les sœurs fonctionne particulièrement bien. On comprend les raisons qui amèneraient certaines personnes à se tourner vers le confort et la sécurité du voile et par conséquent l’épreuve émotionnelle qu’est l’acceptation du changement. Cette dynamique devrait, plus qu’ailleurs, prendre vie dans la relation entre Augustine la traditionnelle et Alice la moderne. Augustine voit en Alice une jeune version d’elle-même, une façon de réparer certaines erreurs passées et son évolution devra se faire par l’acceptation de ce changement afin de rejoindre à mi-chemin cette jeunesse qui diverge de ce qu’elle connait du monde.

Alice est l’aspect le plus faible du film et pourtant essentielle. Elle est la manifestation de la modernité qui doit être acceptée et même « domptée » par Augustine. En dehors de l’étiquette de « jeune turbulente aux problèmes familiaux vagues », elle n’a pas réellement de personnalité et semble traversée une progression émotionnelle simplement parce que le scénario l’exige. Elle ne fait que réagir et accepte rapidement sa situation pour ensuite se rebeller, pour ensuite l’accepter à nouveau et se rebeller à intervalles sans qu’il semble y avoir de connexion ou d’évolution entre ses moments. Parfois elle est la jeune en colère qui en veut au système (parce que!) et parfois elle est l’étudiante modèle qui pratique son piano et va remporter le championnat!

Son talent musical est introduit lors de la séquence la plus vivante du film. Elle entame une pièce musicale classique pour ensuite improviser avec énergie quelque chose de moderne et d’enthousiaste. Elle prend manifestement plaisir à la chose et, étant quelqu’un de très peu loquace, peut enfin s’exprimer. Malheureusement, ce moment est unique et isolé. Elle tente une seconde fois d’improviser pour se faire dire que c’est inapproprié et « s’accomplit » (on le sait puisque c’est la scène du concours final) avec la chanson classique qu’elle a répétée, sans y ajouter de personnalisation.


Elle débute comme étant la meilleure élève et s’en va jusqu’à la victoire sans que son statut ne soit remis en question. Il semble évident qu’ils se sont tournés vers des acteurs qui étaient des musiciens avant tout, permettant à la jeune protagoniste de mettre de l’avant son talent sans tricheries cinématographiques. Pour ce faire, ils se sont retrouvés avec une actrice inexpérimentée qui avait quelques fois de la difficulté avec ses dialogues. Elle arrivait toutefois à crisper le visage de tristesse, ce qui était très utile à certains moments clés du film, mais ils n’étaient pas assez forts pour racheter une performance d’ensemble qui aurait bénéficié d’un peu plus de pratique. Pour être juste, le personnage en soi n’a pas une grande profondeur, la limitant dans ce qu’elle pouvait jouer. Les actrices chevronnées qui l’entourent rattrapaient la balle, avec des petits moments de leurs quotidiens qui donnaient vie à ce groupe de sœurs.

En conclusion, malgré un thème pertinent à explorer au Québec (notre rapport avec notre culture et nos traditions est une inépuisable source de sujets), l’histoire racontée, le drame mis de l’avant dans La passion d’Augustine n’arrive pas réellement à rassembler toutes les idées mises de l’avant, résultant en un film quelque peu décousu avec de très forts moments musicaux, qui auraient bénéficiés d’un peu plus de diversité. Ultimement, le film réussit à nous parler des bénéfices du progrès, sans remettre en question leur utilité, tout en démontrant une forte empathie pour les gens qui ont eu de la difficulté durant cette période.

MUK


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