Après être tombée dans le
panneau des manigances d’un culte post-apocalyptique, Kimmy Schmidt, ainsi que
3 autres femmes, se retrouve enfermée dans un bunker souterrain pendant 15 ans.
Elles sont finalement libérées en 2015 et la titulaire protagoniste doit
apprendre à se réajuster à la vie dans la grande ville, avec la perspective
unique d’avoir passé plus de la moitié de sa vie sous terre. Cette nouvelle comédie
produite par Netflix est une des séries les plus délicieuses et enthousiastes
qu’il m’ait été donné de voir dans les dernières années. Oh? Une série à propos
d’une survivante de traumatisme à long terme ne semble pas propice à de la
comédie? Eh bien détrompez-vous! Ces phrases d’info-pubs sont là pour vous
convaincre du contraire! Et pour quelques paiements mensuels par mois d’un
certain montant à payer une modique somme à chaque page du calendrier, vous
aussi pouvez-vous procurer cette émission révolutionnaire! (Je me suis
officiellement perdu dans mon personnage.)
L’univers de Kimmy est
rempli de personnages périphériques marquants qui enrichissent le monde à leur
façon, mais Ellie Kemper en est l’immanquable noyau, qui mène l’assaut avec son
charme ravageur et son enthousiasme indomptable. Avec l’idée d’explorer la réadaptation
suite au traumatisme, il faut une figure centrale aussi forte, nous assurant qu’elle
est capable et digne de surmonter les épreuves, toutes aussi déprimantes et
décourageantes qu’elles puissent être (puisque que peut-il lui arriver de pire?).
De plus, l’univers qu’elle habite semble si particulier et distrayant, qu’on
veut, comme elle, l’explorer sans arrêt et continuer de lui donner de chances,
puisqu’il regorge de personnages colorés, de situations cocasses et d’adolescentes
aux noms à coucher dehors (Xanthippe Lannister Voorhees!)
L’aspect féministe est
aussi très présent et assumé de façon rafraichissante (c’est dans le générique
d’ouverture!) En forgeant cette protagoniste qui a vécu l’enfer et pourtant
garde l’optimisme et la naïveté d’une personne la moitié de son âge (« I
wish I was your yellow hat! »), la série offre une perspective si
particulière qui inspire énormément à continuer à se battre malgré toutes les
malchances que le chaos de la vie va nous infliger. Le sexisme n’est jamais, en
soi, mis de l’avant, mais une figure du passé qui prend avantage de jeunes
filles/femmes innocentes pour son propre égo évoque inévitablement une figure patriarcale
qui abuse de son privilège et des autres à la fois avec très peu d’opposition
(les derniers épisodes centrés sur son procès soulignent particulièrement cet
aspect). L’arche de sa patronne va aussi dans ce sens, débutant comme la plus
superficielle des femmes-trophées pour progressivement obtenir une indépendance
qui lui permettra de se découvrir réellement lorsque soutirée de sa situation
de soumission financière et émotive. L’échappatoire à la patriarchie est donc omniprésente.
De plus, nous avons
affaire à une série dépourvue d’hommes blancs parmi les personnages principaux,
offrant une diversité qui offre un point de vue qui se démarque et apporte à la
conversation sur de nombreux sujets. Elle fut pourtant accusée de racisme. Ces
plaintes sont quelque peu exagérées, considérant que malgré les stéréotypes,
tous sont des personnages complets. La question ethnique est adressée plusieurs
fois (« I got treated better as a werewolf than I ever did as a black man! »), démontrant une conscience de la problématique et l’adressant de front. Le personnage de Dong est introduit dans un épisode hommage à John Hugues, avec des références directes (« The ending of Breakfast Club! ») et l’asiatique au nom d’organe génital souligne encore plus la problématique du personnage des années 80, Long Duk Dong dans Sixteen Candles, et s’approprie ensuite l’archétype raciste pour en défaire toute notion de déshumanisation qui vient généralement avec les blagues racistes et personnages stéréotypés. Oui, Dong est un vietnamien avec un anglais imparfait qui est livreur à vélo et bon en mathématique, mais chacun de ces points est soulevé et gérer avec intelligence. Lancer des accusations racistes, c’est oublier qu’il y a une comparaison avec le nom de Kimmy qui signifie « pénis » en vietnamien (« He made fun of my name »), oublier la phrase « Dong is a very common vietnamese name, so no more jokes » après avoir exploité le répertoire d’incompréhensions découlant du double-sens et oublier toutes les caractéristiques et développements en dehors des quelques blagues de départ. Une de mes blagues favorites de toute la série joue avec cette notion de stéréotypes insensibles pour la détruire complètement, confirmant la brillante écriture humoristique qui supporte cette série. Lorsqu’un personnage amérindien parle des possibilités d’épanouissement de sa fille, il lui déclare : « That's why we came all this way in the Great Iron Eagle. I'm kidding. I know what planes are; I was in the Airforce. »
En conclusion, The Unbreakable Kimmy Schmidt une télésérie légère, mais qui n’a pas peur de jouer en territoire de questions plus complexes et pourtant pertinentes. Toucher à des thèmes si contemporains avec de l’humour brillant est une excellente approche, puisqu’elle permet d’attirer la meilleure attention possible (en rire!), tout en permettant de garder une certaine distance pour voir les choses en perspectives (« It’s so funny what people who haven’t been kidnapped think is scary. » s’exclame-t-elle, morte de rire dans un établissement de souper-spectacle à thème de monstres) C’est une série avec un épisode pilote parfait qui établit en moins de 30 minutes tout ce qu’il faut savoir pour les prochaines 12 épisodes, démontrant une maîtrise et une concision qui sera présente du début à la fin.
MUK
Aucun commentaire:
Publier un commentaire