samedi 11 avril 2015

Le nez

Directeur : Kim Nguyen
Réalisé en 2014. Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=_o_cxwZq-YI


Le cinéma est un médium audio-visuel et, par conséquent, ne peut physiquement stimuler l’odorat. C’est cette réalité du format qui crée la tension première dans Le nez, le documentaire de Kim Nguyen sur notre relation avec ce sens particulier. Ouvrant avec le conte d’une femme qui a perdu son odorat, il établit très rapidement que ce n’est pas parce qu’on ne peut sentir qu’il est impossible de ressentir. L’expérience sensorielle du nez est connectée si fortement à notre mémoire, à nos souvenirs et nos émotions qu’elle évite complètement le processus d’intellectualisation que l’on traverse généralement avec l’image ou le son. Le nez ne tente pas d’approcher cette relation si particulière par l’intellect, puisqu’il argument l’impertinence de la chose, mais tente plutôt de nous faire comprendre l’importance et la puissance de ce sens si mystérieux.

Évitant entièrement de parler de processus chimiques, d’analyses de réactions de cerveaux ou de mélanges moléculaires, le documentaire choisi d’approcher son sujet au niveau purement humain. Un choix judicieux qui rejoint le public et l’investit avec des choix de spécialistes charismatiques qui permettent de de comprendre pleinement l’importance de leurs propos. Le documentaire accumule des extraits de vies, des anecdotes et des partages de professionnels qui rendent ce documentaire facile à recommander. Il contient beaucoup de petites capsules intéressantes, des moments que l’on aurait tendance à citer à nos amis qui marquent l’esprit. L’ensemble des témoignages peignent un portrait complet du sujet, rendant le propos du film clair par les choix. Les odeurs sont quelque chose d’invisible, d’insaisissable et d’instinctif que le film essaie de capturer afin de nous révéler son importance, presque comme dans une confession intime.


L’odorat ne provoque jamais de réflexions, mais est si directement lié à une panoplie d’autres sens qu’il semble aberrant de ne pas reconnaitre cette importance. Les parfums se connectent directement à notre goût, notre sexualité, notre mémoire, notre affection, nos attirances et dégouts qu’il est presque pris pour acquis, faisant parti des meubles dans un monde où tous nos autres sens sont sur-stimulés. L’odorat, par contre, lui, requiert une intimité. Il est possible de voir ou d’entendre quelque chose à des milles à la ronde, mais il faut avoir le visage dans quelque chose pour pleinement le vivre, s’y connecter et Le nez se glisse dans cette proximité, pas pour tenter de la substituer, mais plutôt pour faire prendre connaissance de sa valeur.

L’expérience olfactive est si personnelle que même deux professionnels du milieu peuvent sentir le même item et en ressortir des diagnostics très différents, sans jamais être dans le tort. Quand François Chartier, auteur du livre à la source de ce film, et une maitresse de cérémonie de thé, la descendante directe du premier disciple de Confucius, commentent simultanément les mêmes échantillons pour en ressortir avec des commentaires sensiblement différents, le documentaire ne tente pas de souligner la divergence de leurs avis comme si un avait tort ou s’ils ne savaient pas de quoi ils parlaient, mais cherche plutôt à faire ressortir que même au plus hauts niveaux d’expertise de l’odorat, l’expérience est ultimement unique.

En conclusion, pour une personne, l’odeur du safran est un symbole de renouveau et d’espoir et pour une autre la crème à raser déclenche un flot de souvenirs émotionnels et Le nez communique avec grande efficacité la pertinence de son sujet sans pour autant servir de manifeste à soi-même. Une série de choix de sujets rend très clair un propos qui se veut évocateur en allant chercher l’expérience humaine en chacun de nous. Oh et gardez l’œil ouvert sur les plages, les défécations de cachalots qui digèrent mal le calmar pourraient rapporter gros.

MUK

Aucun commentaire:

Publier un commentaire