Directeur : Noah Baumbach
Réalisé en 2014. Avec : Ben Stiller (Josh), Naomi Watts (Cornelia), Adam Driver (Jamie) et Amanday Seyfriend (Darby)
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=NRUcm9Qw9io
Dans son plus récent
film, Noah Baumbach observe un phénomène des plus banals, sous un angle très
spécifique. Personne n’est à l’abri du temps qui passe et tous doivent vivre
avec cette réalité à leur façon. Ce long métrage place cette lutte universelle
dans un contexte de friction intergénérationnelle qui exacerbe les variantes
d’une génération à l’autre (baby-boomers, génération X et Y) et surtout d’un
personnage qui se retrouve au centre, perdant progressivement ses points de
repères à mesure que le temps le rattrape et qu’il s’apprête à se faire
dépasser par la jeunesse qu’il admire d’abord tant. Cette dynamique est mise de
l’avant par un contexte de dualité idéologique entre les différentes approches
à la production de documentaire (les représentants des 3 générations en sont
réalisateurs), donc à leurs relations avec la réalité perçu et dégagée et ce
que l’on en retient ultimement.
Bien qu’elle touche à
plusieurs groupes d’âges, l’histoire est au final celle de Cornelia et Josh qui
doivent apprendre à accepter deux réalités de la vie à la fois. Non seulement
font-ils face à leur vieillissement inévitable qui résultent en un cercle
d’amis qui deviennent tous parents tandis qu’ils ne peuvent pas avoir
d’enfants, mais le monde dans lequel ils vieillissent évolue autour d’eux et
malgré eux. Ainsi, pour contrer ce problème ils font d’une pierre deux coups en
fréquentant un couple une génération sous eux qui revigorent leur enthousiasme,
les remets au goût du jour et sert d’œillères, empêchant de voir les bébés qui
leurs rappellent là où ils devraient être rendus dans leur vie. Il est
difficile de parler de ce film sans aller dans le territoire des révélations de
troisième acte, mais c’est là que mijote la plus grande partie du jus
thématique, consolidant tout ce qui fut dit depuis le début. Malgré les
apparences d’une comédie légère concernant un couple de « vieux » qui
veulent avoir l’air jeunes, ce sont réellement les leçons apprises qui rendent
l’expérience plus transcendante et pertinente.
L’aspect comique n’est
pourtant pas à négliger, puisque l’équipe d’acteurs principaux rassemble une
panoplie de talents. Ben Stiller semble être arrivé au point de sa carrière où
il tente de se réinventer, allant vers des rôles qui reflètent les phases de sa
vie qu’il traverse. Ses manies et tics sont juste assez présents pour garder
l’humour, mais assez subtils pour faire de lui un homme qui est naturellement
amusant, tirant autant d’humour du scénario que de sa propre performance et l’humain
derrière. Adam Driver continue de charmer de la façon la plus curieuse
possible, jouant une version plus accomplie, équilibrée, mais machiavélique de
son personnage dans Girls. Il tape
directement dans cette image générationnelle de l’excentricité normalisée, qui
mélange la forme et le fond pour construire une perception extérieure de
quelqu’un qui réfléchit et travaille sa personnalité. Naomi Watts et Amanda
Seyfried sont quelque peu mises de côté au profit de leurs conjoints pour une
bonne part centrale du film, mais profitent de leurs moments à l’écran pour
venir ajouter à cette dynamique, puisqu’elles vivent aussi cette dynamique d’âges
divergents. Les différences générationnelles s’étendant aux relations de
couples (les jeunes s’insultent en s’amusant « it’s like a playful Fuck
you! » et se marient symboliquement dans les bois avec des cérémonies
inventées, ce qui change très grandement les dynamiques).
Le grand documentariste
Werner Herzog parle d’une vérité divergente de la réalité. « There are deeper strata of truth in cinema, and there is such a thing as poetic, ecstatic truth. It is mysterious and elusive, and can be reached only through fabrication and imagination and stylization. » C’est finalement ce que
le film argumente, puisqu’il prend les différences d’approche au monde, que ce
soit dans les traditions, les accoutrements, les mariages, les amitiés et
toutes autres perceptions extérieures des gens pour remettre en question ce qui
est ultimement derrière toutes ces couches. Si quelqu’un se construit une
personnalité avec tant de rigueur et d’efforts, cela ne devient-il pas une part
de lui? Il y a une génération entière qui a été élevé dans un monde au haut
pourcentage virtuel, remettant de plus en plus la question d’identités et de
réalités individuelles. Nous pouvons nous asseoir derrière un clavier et
prétendre être un nombre infini de différentes personnalités. Pour une personne
qui interagit à l’autre bout du fil, sommes-nous moins vrai pour lui? Et une
histoire d’amour avec une fausse identité rend elle moins réelle les sentiments
qui sont ressortis d’un côté de l’équation? Un documentaire qui joue avec la
réalité pour ressortir une vérité émotionnelle ment-il?
En conclusion, lorsque
coincé entre les deux forces identitaires qu’est la génération Y et les
Boomers, il faut inévitablement atteindre un compromis pour se trouver soi-même
dans cette culture. While We’re Young
est un film humain et drôle qui révèle que personne n’a vraiment de réponse et
que ce n’est pas nécessaire en vieillissant que l’expérience et l’âge vont
dévoiler toutes les réponses, surtout dans un monde où la fin de l’enfance est
constamment reportée et même cultivée à l’âge adulte.
« -For the first time in my life, I've stopped thinking of myself as a child imitating an adult.
-You feel that way too? »
MUK
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