samedi 18 avril 2015

While We're Young

Directeur : Noah Baumbach
Réalisé en 2014. Avec : Ben Stiller (Josh), Naomi Watts (Cornelia), Adam Driver (Jamie) et Amanday Seyfriend (Darby)


Dans son plus récent film, Noah Baumbach observe un phénomène des plus banals, sous un angle très spécifique. Personne n’est à l’abri du temps qui passe et tous doivent vivre avec cette réalité à leur façon. Ce long métrage place cette lutte universelle dans un contexte de friction intergénérationnelle qui exacerbe les variantes d’une génération à l’autre (baby-boomers, génération X et Y) et surtout d’un personnage qui se retrouve au centre, perdant progressivement ses points de repères à mesure que le temps le rattrape et qu’il s’apprête à se faire dépasser par la jeunesse qu’il admire d’abord tant. Cette dynamique est mise de l’avant par un contexte de dualité idéologique entre les différentes approches à la production de documentaire (les représentants des 3 générations en sont réalisateurs), donc à leurs relations avec la réalité perçu et dégagée et ce que l’on en retient ultimement.

Bien qu’elle touche à plusieurs groupes d’âges, l’histoire est au final celle de Cornelia et Josh qui doivent apprendre à accepter deux réalités de la vie à la fois. Non seulement font-ils face à leur vieillissement inévitable qui résultent en un cercle d’amis qui deviennent tous parents tandis qu’ils ne peuvent pas avoir d’enfants, mais le monde dans lequel ils vieillissent évolue autour d’eux et malgré eux. Ainsi, pour contrer ce problème ils font d’une pierre deux coups en fréquentant un couple une génération sous eux qui revigorent leur enthousiasme, les remets au goût du jour et sert d’œillères, empêchant de voir les bébés qui leurs rappellent là où ils devraient être rendus dans leur vie. Il est difficile de parler de ce film sans aller dans le territoire des révélations de troisième acte, mais c’est là que mijote la plus grande partie du jus thématique, consolidant tout ce qui fut dit depuis le début. Malgré les apparences d’une comédie légère concernant un couple de « vieux » qui veulent avoir l’air jeunes, ce sont réellement les leçons apprises qui rendent l’expérience plus transcendante et pertinente.

L’aspect comique n’est pourtant pas à négliger, puisque l’équipe d’acteurs principaux rassemble une panoplie de talents. Ben Stiller semble être arrivé au point de sa carrière où il tente de se réinventer, allant vers des rôles qui reflètent les phases de sa vie qu’il traverse. Ses manies et tics sont juste assez présents pour garder l’humour, mais assez subtils pour faire de lui un homme qui est naturellement amusant, tirant autant d’humour du scénario que de sa propre performance et l’humain derrière. Adam Driver continue de charmer de la façon la plus curieuse possible, jouant une version plus accomplie, équilibrée, mais machiavélique de son personnage dans Girls. Il tape directement dans cette image générationnelle de l’excentricité normalisée, qui mélange la forme et le fond pour construire une perception extérieure de quelqu’un qui réfléchit et travaille sa personnalité. Naomi Watts et Amanda Seyfried sont quelque peu mises de côté au profit de leurs conjoints pour une bonne part centrale du film, mais profitent de leurs moments à l’écran pour venir ajouter à cette dynamique, puisqu’elles vivent aussi cette dynamique d’âges divergents. Les différences générationnelles s’étendant aux relations de couples (les jeunes s’insultent en s’amusant « it’s like a playful Fuck you! » et se marient symboliquement dans les bois avec des cérémonies inventées, ce qui change très grandement les dynamiques).


Le grand documentariste Werner Herzog parle d’une vérité divergente de la réalité. « There are deeper strata of truth in cinema, and there is such a thing as poetic, ecstatic truth. It is mysterious and elusive, and can be reached only through fabrication and imagination and stylization. » C’est finalement ce que le film argumente, puisqu’il prend les différences d’approche au monde, que ce soit dans les traditions, les accoutrements, les mariages, les amitiés et toutes autres perceptions extérieures des gens pour remettre en question ce qui est ultimement derrière toutes ces couches. Si quelqu’un se construit une personnalité avec tant de rigueur et d’efforts, cela ne devient-il pas une part de lui? Il y a une génération entière qui a été élevé dans un monde au haut pourcentage virtuel, remettant de plus en plus la question d’identités et de réalités individuelles. Nous pouvons nous asseoir derrière un clavier et prétendre être un nombre infini de différentes personnalités. Pour une personne qui interagit à l’autre bout du fil, sommes-nous moins vrai pour lui? Et une histoire d’amour avec une fausse identité rend elle moins réelle les sentiments qui sont ressortis d’un côté de l’équation? Un documentaire qui joue avec la réalité pour ressortir une vérité émotionnelle ment-il?

En conclusion, lorsque coincé entre les deux forces identitaires qu’est la génération Y et les Boomers, il faut inévitablement atteindre un compromis pour se trouver soi-même dans cette culture. While We’re Young est un film humain et drôle qui révèle que personne n’a vraiment de réponse et que ce n’est pas nécessaire en vieillissant que l’expérience et l’âge vont dévoiler toutes les réponses, surtout dans un monde où la fin de l’enfance est constamment reportée et même cultivée à l’âge adulte.

« -For the first time in my life, I've stopped thinking of myself as a child imitating an adult.
   -You feel that way too? »

MUK

Aucun commentaire:

Publier un commentaire