dimanche 30 novembre 2014

Jodorowsky's Dune

Directeur : Frank Pavich
Réalisé en 2013. Avec : Alejandro Jodorowsky et plein d'autres gens aux opinions et connaissances pertinentes.


Il semble être très peu productif d’écouter un documentaire sur la pré-production d’un film qui n’a jamais eu lieu par un réalisateur que très peu de gens connaissent. Je vais donc vous convaincre de le faire en ouvrant avec les noms de certaines personnes impliquées dans le processus : Moebius, Pink Floyd, H.R. Giger, Dali, Orson Welles, Mick Jagger et Dan O’ Bannon, tous des guerriers spirituels de l’incomparable Alejandro Jodorowsky investi dans le procédé, ultimement en vain, d’apporter dans les salles de cinémas le roman de science-fiction de Frank Herbert.

Même sans avoir vu de films de Jodorowsky ou lu Dune, le documentaire reste une ode au processus créatif, à l’excitation des idées bourgeonnantes, au pouvoir transcendant du cinéma et aux forces artistiques qui s’y investissent corps et âmes. Pour la petite histoire, après avoir fait un sujet en France avec Holy Mountain, Jodorowsky entrepris d’adapter Dune au grand écran (sans avoir lu le livre au départ). Après deux ans et demi de travail, de story-board, de designs, de recrutement et de courtisaneries, les 5$millions demandé à l’époque pour accomplir le travail étaient trop et le film ne vu ultimement jamais le jour (une adaptation par David Lynch fini par être produite, mais n’ayant rien à voir).


La figure au cœur du film qui lui donne toute sa vivacité, son cœur et son esprit se retrouve sous la forme du maître d’œuvre Alejandro Jodorowsky. À 85 ans, il a l’énergie et la vitesse d’esprit d’un jeune adulte, racontant anecdote après anecdote sur ses rencontres avec Pink Floyd, Orson Welles, H.R. Giger, ses jeux avec Dali à travers plusieurs villes et sa dévotion envers la production d’un film qui transcenderait le statut de film. Il injecte aussi une bonne dose d’humour à ce qui est essentiellement une série de tête-parlantes, donnant au film une ambiance de discussion légère entre amis dans un salon. Son objectif était ambitieux : créer un prophète qui changerait les perceptions des jeunes, qui ouvrirait les esprits des gens du monde entier, imitant les effets du LSD sans prendre de LSD. Son excitation en plusieurs langues devient tellement contagieuse qu'il devient facile de se sentir personnellement investi dans l'histoire. Il était prêt à y laisser sa vie (il a presque littéralement offert son fils en sacrifice) pour produire cette œuvre d’art, donnant un point de vue rafraichissant sur une industrie qui offre trop souvent des rappels de son statut d’entreprise. Le point de vue apporté par Jodorowsky souligne le problème essentiel dans l’approche du cinéma; une approche qui n’est pas intéressée par la possibilité de marquer les gens pour des décennies ou créer une œuvre qui permettra aux gens de repenser leurs perspectives, mais plutôt à faire de l’argent.*

L’atmosphère du film passe par le deuil, mais se termine sur une note d’espoir. Malgré la mort du projet, il est impossible de dire que ce fut une perte de temps, considérant l’impact du travail établi sur le paysage moderne de la science-fiction, affirmant à quel point le travail créatif n’est pas toujours à objectif unique. Même s’ils ont travaillés sur ce film, leur entreprise n’a pas été qu’une perte de temps de deux ans, puisqu’un grand nombre des gens impliqués se sont liés d’amitiés, H.R. Giger fut introduit au monde du cinéma, la science-fiction fut approché cinématographiquement comme un médium qui pouvait faire passer de grandes idées et leur pierre dans l’étang à fait des remous derrière les portes d’Hollywood.


L’excitation de la pré-production est conviée avec une telle vigueur que le film donne immédiatement envie d’entamer un projet quelconque. Le sentiment qu’un projet de cinéma sur papier est presque toujours excitant est une idée qui est difficile à convier à qui que ce soit n’ayant jamais touché de près ou de loin au processus de pré-production. Cette idée magique que, pendant une brève période, tout est possible et l’imagination fait feu à plein gaz, développant des idées, des concepts, des univers, des personnages qui sont purement abstraits et, pour une courte durée, sont parfaits. Même les films qui finissent par être exécrables passent par une phase de pure créativité qui capture l’imaginaire de tous, imaginant toutes les possibilités. Jodorowsky’s Dune contient énormément de cette vivacité d’esprit qu’inspire le processus créatif.

Il y a tellement d’efforts qui ont étés accomplis que le documentaire peut nous donner un aperçu de certaines séquences. Un travail assidu a été fait pour animer certains story-boards afin de nous mettre l’eau à la bouche en nous montrant, entre autre, le plan-séquence d’ouverture qui traverse une galaxie au complet, « meilleur que celui d’Orson Welles dans Touch of Evil ». C’est une décision ingénieuse, puisqu’elle ajoute un dynamisme visuel au film, le rendant plus marquant visuellement et apposant la signature du long-métrage à l’origine du documentaire.


En conclusion, Jodorowsky’s Dune fait de l’homme mon réalisateur favori duquel je n’ai vu aucun film (à ce jour). Il rend le processus créatif fascinant et se termine en ode à la transcendance des idées, accomplissant ainsi, d’une certaine façon, ce que le film voulait évoquer il y a presque 40 ans. Je suis d’accord avec Alejandro que la production du film en animation aujourd’hui serait fascinante, ouvrant possiblement les portes au cinéma d’animation de science-fiction destiné aux adultes avec des thèmes sérieux.

MUK


*Le problème ici n’est pas tant avec l’industrie du cinéma en tant que telle qui veut seulement survivre dans un système plus large fondé sur une mentalité qui elle est problématique! Mais c’est une discussion pour une autre fois!

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