dimanche 23 novembre 2014

Birdman (or The Unexpected Virtue of Ignorance)

Directeur : Alejandro González Iñárritu
Réalisé en 2014. Avec : Micheal Keaton (Micheal Keaton), Edward Norton (Edward Norton X 10), Emma Stone (la fille de Micheal Keaton), Zach Galifianakis (l'agent de Micheal Keaton), Amy Ryan (l'ex-femme de Micheal Keaton), Naomi Watts et Andrea Riseborough (les co-stars de Micheal Keaton).

À ce point ci il semble ridicule de re-souligner la prémisse de départ de Birdman. Un acteur connu pour son rôle de super-héros dans les années 90 tente de regagner une crédibilité artistique en mettant en scène et jouant dans une pièce de théâtre sur Broadway (l’attrait vient du fait que le rôle interprété par Micheal Keaton). Dès les premières minutes, on comprend que le film à un certain dédain pour tout ce qui est cinéma populaire (et plus spécifiquement les films de super-héros, quoi que Hunger Games et Transformers sont aussi mentionnés spécifiquement) et semble vouloir s’attaquer à la dichotomie entre le « vrai cinéma » et le « cartoon action porn », mais au final est plutôt un portrait de la pureté de jeu de l’acteur et l’importance de cette vérité qui crache au passage sur tout ce qui est une « corruption » de cette vérité.

Pour moi, le film fut 50% une réussite. Par contre, la moitié qui est réussite est si bonne qu’elle me permet d’apprécier l’ensemble du film. Deux points majeurs m’ont agacés : l’attaque sensiblement gratuite des films populaires et l’idée de « l’unique prise » qui au départ est intéressante, mais devient rapidement inutile et même contraignante.


Je n’ai aucun problème avec l’attaque du cinéma plus commercial et populaire en soit, mais le film s’y attaquait avec la subtilité d’un enfant de 12 ans qui se fâche lorsque son ami ne veut pas lui prêter ses jouets « oui, mais toi t’es juste un gros con avec des jouets de petits bébés! » Cette frustration ne semble pas rationnelle et il ne fait qu’attaquer et critiquer sa cible à un niveau superficiel qui ne justifie pas du tout ses actions. Il déteste ce cinéma et le considère comme faux et commercial et insignifiant, mais ne va pas plus loin. Pourquoi est-il si mauvais? Qu’est ce qui lui enlève autant de crédibilité? Pour que la comparaison soit valide, il aurait fallu explorer plus en profondeur cet ennemi qui semble s’être mérité autant de baffes intellectuelles.

J’ai aussi un léger problème personnel avec ce point de vue puisque, en dehors de l’évident fait que j’apprécie une partie de ce cinéma populaire (lorsqu'il est bon, n’ayant rien à voir avec son attrait commercial), je n’apprécie pas du tout l’idée de classer et de qualifier les genres de films. Élever empiriquement des types de films au-dessus d’autres est le genre d’attitude qui créé des limites et des frontières dans le milieu culturel qui n’apportent rien à personne. Seulement se concentrer sur l’idée de la pureté du jeu et l’importance de cette vérité pour créer un film transcendant aurait amené beaucoup plus à la discussion autour du film que de forcer une critique enfantine non-étayée dans les marges du film. Je ne veux pas défendre les méga-blockbuster, ils ont bien assez de leurs milliards de dollars pour le faire, mais simplement souligner qu’un enfant qui traite un adulte de « grosse face de moustache laide » ne fera pas réalisé aux gens autours que cette personne à effectivement une moustache laide et qu’ils devraient arrêter de se tenir avec. L’attaque ne fait que souligner l’immaturité de « l’agresseur » et lui enlever de la crédibilité.


Pour ce qui est de la technique du film, le plan séquence est effectivement impressionnant…jusqu’à un certain point. Il ajoute un niveau d’excitation au début du film qui nous embarque immédiatement dans l’histoire et nous place au front dans les coulisses du théâtre, nous faisant vivre l’anxiété et le stress des problèmes juste avant la première. Par contre, plus le film avant et plus l’unique caméra devient contraignante et ce qui était une nouveauté devient rapidement inutile. J’aurais apprécié que le film ait le courage d’y aller à la District 9 et ouvrir avec du « found-footage » et tout de suite se débarrasser de cette décision stylistique lorsqu'elle ne servait plus rien dans l’histoire. Mais Birdman décide d’aller jusqu'au bout avec son idée, ce qui est respectable en soit, mais par conséquent nous donne énormément de plans d’intérieurs de corridors et limite les mouvements de caméra. De plus, comme le 3D « d’ambiance » qui ne sert qu’à faire payer 3$ de plus, la technique devient pratiquement invisible après 45 minutes. De plus, la triche avec les séquences de vols et les coupes évidentes enlève tout ce qui est impressionnant dans cette approche.

Après m’être attaqué aux deux points qui étaient les points de ventes du film, il reste quand même beaucoup de choses à apprécier. Les performances de tous les acteurs sont dignes de mentions. Micheal Keaton est évidemment bon dans un rôle qui était écrit spécifiquement pour lui et il devient spécialement amusant lorsqu'il se fâche et perd les pédales tout au long du film. Edward Norton est secrètement la véritable vedette du film, jouant la caricature exagérée de l’artiste dans un film qui est, malgré lui, une caricature de films snobs. Il mélange parfaitement ses traits d’homme ordinaire dans Fight Club avec de la colère d’un « vrai » artiste qui ne veut que pouvoir fait son « vrai » art et ne se préoccupe de rien d’autres pour en faire un trou-du-cul hilarant qui évite d’être détestable malgré une tentative de viol devant audience. Le reste des gens qui gravitent autour de l’ego de Micheal Keaton (Emma Stone, Zach Galifianakis, Naomi Watts, Andrea Riseborough et Amy Ryan) réussissent à donner des bonnes impressions dans les quelques scènes qui leurs sont dédiés, conviant chacun une relation spécifique avec l’homme de l’heure.


Malgré tout ce qui entoure le film, le point central à propos de la pureté du jeu d’acteur (qui vient sous forme de leçons colériques données par Edward Norton) reste intéressant et aurait probablement bénéficié de moins d’artifices inutiles. Même si l’unique plan-séquence devenait restrictif, lors des scènes plus intimes, il donnait un sentiment d’immédiateté qui rendait le jeu des acteurs plus vrai et servait ainsi le propos (dans certaines scènes spécifiques, je le répète). De plus, en tant que telle, l’histoire de Riggan Thomson est intéressante et convie le désespoir d’un homme qui tente par-dessus tout de rester pertinent dans un monde qui passe de plus en plus rapidement à la prochaine commodité médiatique. Ses tentatives pour rester à flot dans un monde qui ne cesse de vouloir le noyer sont fascinantes (d’une façon quelque peu morbide) et déchirantes.

En conclusion, l’objectif d’aliéné la majorité de la population en insultant ce qu’ils aiment était peut être voulu, réservant ainsi Birdman aux Vrais qui savent apprécier les Vrais choses. Mais lorsqu’on passe par-dessus l’agressivité gratuite, les plans de corridors et qu’on arrête de chercher/remarquer les coupes, on découvre un film fascinant sur une figure déchue qui se retrouve déchiré entre la pertinence, l’honnêteté intellectuelle, l’intégrité artistique et son propre ego.


MUK

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