Un second épisode de science-fiction beaucoup plus mignon, mais tout aussi cynique et intelligent.
Après une captivante comédie
noire comme premier épisode, Black Mirror
change de registre en offrant ce qui, de prime abord, se présente comme une
mignonne romance dans un univers dystopique - que je ne suis pas prêt à
étiqueter de « futuriste ». Plus lent et mélancolique que The National Anthem, Fifteen Million Merit n’est pas pour
autant plus clément sur notre monde contemporain et s’intéresse encore une fois
à notre relation avec la société à travers les écrans, mais se tourne ici vers
la commercialisation des émotions et la transformation de tout ce que fait
l’humain en manufacture.
À travers l’existence monotone
de Bing (Daniel Kaluuya), nous découvrons un univers de science-fiction où
l’humain est réduit à une pièce de plus dans la machine, un individu qui pédale
sur des vélos stationnaires de 9 à 5 pour ensuite aller s’enfermer dans une
pièce carré tapissée d’écrans interactifs avec un unique lit. La caméra ne
quitte jamais les longs corridors et pièces fermés couverts d’écrans noirs qui
peuvent faire apparaitre des annonces pour les mêmes six programmes à n’importe
quel moment, que ce soit de la pornographie ou de la télé-réalité. Cet univers
claustrophobe et oppressant ne s’illumine qu’à l’arrivée d’Abi (Jessica Brown
Findlay), une chanteuse amateur qui séduit Bing par sa mélodie interprétée dans
les toilettes communes pour que personne ne l’entende uriner.
Tandis que les troubles du
premier ministre anglais se démarquaient par une écriture efficace et
cinglante, le quotidien dystopique marque ici par sa construction d’univers qui
accumule les petits détails subtils qui en disent long. Par exemple, la
répartition des « points de mérites » (accumulés selon les
performances sur les vélos et qui font office de monnaie dans cet univers) fait
en sorte qu’ignorer une bande-annonce pop-up coûte plus cher qu’une pomme et
chaque détail de la vie de tous est monétarisé, jusqu’à la quantité de dentifrice.
Il est impossible de s’échapper du marketing si nous n’avons pas les moyens et
le monde ne vit que d’une diète culturelle qui soit simule (l’extérieur, les
jeux vidéo, les interactions humaines) ou se moque des citoyens
« moindres » qui, on se doute, ne peuvent pédaler toute la journée et
doivent par conséquent ramasser les déchets des cyclistes dans des uniformes d’un
jaune criants.
La première moitié avance à
son rythme, développant tranquillement la relation entre les deux protagonistes
dans un monde où les interactions sont minimes, avant de prendre un virage très
brusque à la mi-temps pour révéler le lourd thème de l’épisode. Dans cette
critique, il s’attaque à la commercialisation de chaque bribe d’honnêteté et
d’humanité de façon explicite et conduit jusqu’à sa conclusion logique cette
frustration véritable. Les sombres miroirs sont encore une fois périphériques
au véritable problème et ne font qu’en être des instruments pratiques, mais
toujours le reflet de l’humain qui les utilisent.
Un épisode plus mignon et triste,
mais tout aussi cynique, Fifteen Million
Merit plonge plus profondément au cœur de son thème tout en changeant
radicalement de registre, montrant la portée de la série, autant en terme de
genre que de ton. En gardant cette optique de sombre réflexions, il est difficile
de ne pas constater d’un cynisme contagieux que cet épisode est coupable du
même mal qu’elle condamne, c’est-à-dire de s’approprier une honnêteté humaine,
jouant le jeu pour dénoncer, et en fait quelque chose de fictif pour nous faire
sentir mieux.
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