vendredi 11 septembre 2015

Black Mirror - S01E02 : Fifteen Million Merits

Un second épisode de science-fiction beaucoup plus mignon, mais tout aussi cynique et intelligent.



Après une captivante comédie noire comme premier épisode, Black Mirror change de registre en offrant ce qui, de prime abord, se présente comme une mignonne romance dans un univers dystopique - que je ne suis pas prêt à étiqueter de « futuriste ». Plus lent et mélancolique que The National Anthem, Fifteen Million Merit n’est pas pour autant plus clément sur notre monde contemporain et s’intéresse encore une fois à notre relation avec la société à travers les écrans, mais se tourne ici vers la commercialisation des émotions et la transformation de tout ce que fait l’humain en manufacture.

À travers l’existence monotone de Bing (Daniel Kaluuya), nous découvrons un univers de science-fiction où l’humain est réduit à une pièce de plus dans la machine, un individu qui pédale sur des vélos stationnaires de 9 à 5 pour ensuite aller s’enfermer dans une pièce carré tapissée d’écrans interactifs avec un unique lit. La caméra ne quitte jamais les longs corridors et pièces fermés couverts d’écrans noirs qui peuvent faire apparaitre des annonces pour les mêmes six programmes à n’importe quel moment, que ce soit de la pornographie ou de la télé-réalité. Cet univers claustrophobe et oppressant ne s’illumine qu’à l’arrivée d’Abi (Jessica Brown Findlay), une chanteuse amateur qui séduit Bing par sa mélodie interprétée dans les toilettes communes pour que personne ne l’entende uriner.

Tandis que les troubles du premier ministre anglais se démarquaient par une écriture efficace et cinglante, le quotidien dystopique marque ici par sa construction d’univers qui accumule les petits détails subtils qui en disent long. Par exemple, la répartition des « points de mérites » (accumulés selon les performances sur les vélos et qui font office de monnaie dans cet univers) fait en sorte qu’ignorer une bande-annonce pop-up coûte plus cher qu’une pomme et chaque détail de la vie de tous est monétarisé, jusqu’à la quantité de dentifrice. Il est impossible de s’échapper du marketing si nous n’avons pas les moyens et le monde ne vit que d’une diète culturelle qui soit simule (l’extérieur, les jeux vidéo, les interactions humaines) ou se moque des citoyens « moindres » qui, on se doute, ne peuvent pédaler toute la journée et doivent par conséquent ramasser les déchets des cyclistes dans des uniformes d’un jaune criants.

La première moitié avance à son rythme, développant tranquillement la relation entre les deux protagonistes dans un monde où les interactions sont minimes, avant de prendre un virage très brusque à la mi-temps pour révéler le lourd thème de l’épisode. Dans cette critique, il s’attaque à la commercialisation de chaque bribe d’honnêteté et d’humanité de façon explicite et conduit jusqu’à sa conclusion logique cette frustration véritable. Les sombres miroirs sont encore une fois périphériques au véritable problème et ne font qu’en être des instruments pratiques, mais toujours le reflet de l’humain qui les utilisent.

Un épisode plus mignon et triste, mais tout aussi cynique, Fifteen Million Merit plonge plus profondément au cœur de son thème tout en changeant radicalement de registre, montrant la portée de la série, autant en terme de genre que de ton. En gardant cette optique de sombre réflexions, il est difficile de ne pas constater d’un cynisme contagieux que cet épisode est coupable du même mal qu’elle condamne, c’est-à-dire de s’approprier une honnêteté humaine, jouant le jeu pour dénoncer, et en fait quelque chose de fictif pour nous faire sentir mieux.

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