lundi 2 mars 2015

Elephant Song

Directeur : Charles Binamé
Réalisé en 2014. Avec : Bruce Greenwood (Dr. Green), Xavier Dolan (Michael) et Catherine Keener (Infirmière Peterson)


Adapté d’une pièce de théâtre, Elephant Song est essentiellement un huis clos. Bien sûr, il y a des coupes occasionnelles à l’extérieur du lieu central, mais elles sont très secondaires par rapport au cœur narratif du film, l’interaction entre Michael et le Dr. Green. Cette tension entre les deux forces, celle du chaos et de l’ordre, que représentent les deux protagonistes conduit l’intrigue, mais cette dernière devient rapidement une excuse pour mettre de l’avant les développements émotionnels et psychologiques des personnages ainsi que leurs psychés se percutant l’une contre l’autre.

Le mystère est simple : le Dr. Lawrence est disparu et Michael est la dernière personne à avoir eu une interaction avec l’homme, il faut donc s’assurer de savoir ce qu’il sait et pour cela, on envoie le directeur de l’hôpital. Par contre, le jeune patient n’a pas une intelligence négligeable et apprécie énormément d’avoir autant d’attention de quelqu’un d’aussi important et ne veux donc pas que le tout soit résolu trop facilement. Il entraine donc son interrogateur dans une série de puzzles de l’esprits plus ou moins complexes qui servent principalement à retirer les couches de défenses que les deux hommes ont emmenés avec eux en entrant dans le bureau, en prévision de cet affrontement.


L’histoire tourne donc entièrement autour de cet affrontement des esprits et chaque développement implique une révélation psychologique. Tout ce arrive ou est dévoilé dans le film est chose du passé et deux personnes qui ne savent rien un de l’autre doivent découvrir ces informations clés. Le cadre narratif est en fait une future enquête policière des faits présentés dans l’intrigue principale, sous-entendant que les choses tournent mal, n’indiquant pas le meilleur destin pour la personne manquante. Ces éléments viennent construire une tension dramatique intéressante entre deux fortes personnalités qui s’entrechoquent.

Par contre, afin d’ajouter un aspect cinématographique, l’adaptation quitte quelque fois l’hôpital pour nous tenir au courant de l’atmosphère familial du docteur, enlevant la tension du lieu unique dans lequel sont les personnages. Cette décision narrative enlève une force au récit qui est pourtant construit entièrement en fonction d’une cumulation des intrigues, cherchant à tirer la tension sans arrêt vers l’avant. Pourtant, le récit n’avait pas besoin de valves de tension, puisque nous quittons occasionnellement le bureau soit pour visiter le reste de l’hôpital, soit via des flash-backs dans l’enfance de Michael qui amènent quelque chose à l’intrigue qui aurait été moins puissants s’ils avaient été dit. La femme et la nièce peignaient une maisonnée désagréable et tendue qui pousse le protagoniste à rester au bureau et percer ce mystère afin de retarder le retour à la maison, espérant que certains problèmes se règlent d’eux-mêmes durant son absence.  Des appels téléphoniques froids, sans voir l’autre bout du combiné, auraient encore plus détaché l’homme et ses proches, sans nous sortir inutilement de notre lieu principal.


Xavier Dolan utilisait son rôle de patient « fou » pour jouer avec les attentes que tous. Il évoquait d’abord l’évident cinglé des asiles psychiatriques, que ce soit Brad Pitt dans 12 Monkeys ou Jack Nicholson dans One Flew Over a Cuckoo’s Nest, s’amusant en allant le plus loin possible avec les manies extrêmes de son personnage, tapant exactement dans les préconceptions du public. Il réussit à contrer ces attentes en offrant au personnage beaucoup plus de profondeur tout au fil du récit. Avec l’aide d’un scénario qui évoque clairement les archétypes du genre, Dolan interagit d’une manière qui, avec subtilité, sous-entend des relations qui vont bien au-delà de ce qui nous est présenté et agrandit l’histoire de ces personnages sans perdre de temps à y dédier des lignes du scénario. Même chose pour Catherine Keener, qui débute avec une étiquette apposée par le patient manipulateur et qui se révèle être plus que l’absolue mégère présentée de prime abord.

Malgré tous ces jeux avec les attentes, le talent des acteurs et un script solide, Elephant Song échoue à faire une véritable marque, puisqu’il tombe quelque peu à plat lorsque tout est terminé. Il offre un portrait psychologique intéressant de personnages complexes et une intrigue qui s’intéresse aux développements de ces personnages et leurs échanges, mais ne construit pas un thriller assez fort pour réellement capter l’audience.

En conclusion, la recommandation pour ce film est présente, même si modérée. Il faut garder en tête le réel intérêt du film (la psychologie de ses personnages avant tout), un point que je trouve fort intéressant. Il offre un jeu intéressant avec les conventions narratrices pour des personnages que l’on voit assez souvent dans ce contexte, profitant du cadre de l’hôpital psychiatrique pour jouer avec le fait que les gens ont une stabilité psychologique précaire. La performance de Dolan à elle seule mérite une mention, insufflant toute une pathologie à un personnage qui aurait pu facilement être un simple fou qui sur-joue chaque sentiment.

MUK

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