Directeur : Neill Blomkamp
Réalisé en 2015. Avec : Sharlto Copley (Chappie), Dev Patel (jeune scientifique idéaliste), Die Antwood (Die Antwood) et Hugh Jackman (méchant méchant)
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=lyy7y0QOK-0
Lors des premières 20
minutes de Chappie, j’étais prêt à
renoncer à Neill Blomkamp. District 9 était
une incroyable surprise, un nouveau réalisateur totalement inconnu qui semblait
comprendre l’importance de l’intelligence et de l’aspect humain dans le
fonctionnement des meilleurs films de science-fiction. Un mélange d’humanité,
de combats de mechas, d’humour, d’action, de viscères et de sentiments (il a
réussi à nous faire développer un attachement pour une crevette de l’espace
monoparentale) a créé un bijou avec une esthétique distincte (avec très peu de
budget qui plus est) qui permet encore, 6 ans plus tard, de vendre un film. Après
l’excitation de départ vint le dur retour à la réalité avec Elysium, une histoire si simpliste et
remplie d’archétypes qu’elle faisait du film une ridicule comédie involontaire.
Mais c’était possible que Blomkamp se soit fait attraper par la machine
Hollywoodienne et que son travail ait été détruit par les notes du studio pour
en faire la version la plus fade et accessible possible. J’étais encore prêt à
donner une chance au réalisateur, avec l’espoir qu’une des rares voix originales
pouvait vivre dans les studios d’Hollywood et continuer à travailler sur des
grandes idées selon ses propres termes. Est-ce que Chappie me redonne de l’excitation pour ses prochaines productions?
Oui et non.
Le film ouvre sur un
élément qui semble être rendu de l’auto-pastiche à ce point : des
entrevues talking-heads traités style documentaire de spécialistes qui
commentent sur les événements à venir. Roulement d’yeux # 1.
Nous avons ensuite droit
à des séquences de nouvelles qui contextualisent l’univers : des
robots-policiers dans Johannesburg qui prennent en charge le crime. Quelques
plans archi-présentateur plus tard et nous abandonnons complètement le style
d’ouverture pour ne jamais y revenir. Roulement d’yeux #3.
Un montage si effréné et
inconsistant que j’avais de la difficulté à me préoccuper d’un quelconque plan
à l’écran. Lorsque Dev Patel enregistre des vidéos-logs, afin d’expliquer au
public ce qu’il s’apprête à pianoter sur son clavier, elles sont montées de
façon absolument superflues pour qu’il n’y ait que des phrases clés et aucune
pause. Roulement d’yeux #8.
Dev Patel qui s’assied
devant son ordinateur en déclarant : « je suis proche du
développement de l’intelligence artificielle », qui pianote pour voir un
code d’erreur apparaitre. Un montage nous montre de nouveaux efforts (lui qui
crispe son poing assis devant son bureau), d’autres pianotages nerveux,
d’autres messages d’erreurs. Un troisième essaie et soudainement un 100%
apparait à l’écran. Dev Patel est content! Il enregistre un vidéo-log qui saute
pour aucune raison déclarant qu’il vient d’inventer l’intelligence
artificielle. Roulement d’yeux # 17.
Il va voir Sigourney
Weaver (!), chef d’entreprise, avec ce nouveau développement pour se faire dire
« nous construisons des robots-armes, pas des robots-artistes! ».
Roulement d’yeux #29.
Frustré de s’être fait
dire de ne pas pousser plus loin ses expérimentations, Dev Patel se prend la
tête entre les mains, ne sachant pas quelle sera la prochaine étape. Assis,
perplexe, à son bureau il, écoutez bien cela, croise du regard une affiche de
chat dans son cubicule qui déclare « Craft reality…dont let reality craft
you. » Il décide donc de prendre les choses en main et va, malgré les
interdictions, construire son robot intelligent! C’est une vraie chose qui
arrive pour de vrai dans un vrai film et c’est 100% sérieux. Je n’ai pas
l’habitude d’utiliser des images d’autres films pour communiquer mes arguments,
mais dans ce cas-ci, c’est incroyablement approprié :
Assez de roulements d’yeux,
j’étais prêt à abandonner. Comment-est ce qu’un film qui prétend traiter de
sujet sérieux et comprend la notion de ton et d’intentions peut présenter
absolument sérieusement une décision majeure de personnage qui dépend d’un
slogan de meme internet présenté comme tel? J’étais bouche-bée devant une telle
décision. Ensuite, Chappie est arrivé.
Chappie,
comme son éponyme protagoniste, semble souffrir d’un problème d’identité. Il
veut être à la fois Robocop et Iron Giant et tente de trouver un juste
milieu entre le plaisir innocent de l’un et la violence exagérée de l’autre.
Imaginez que la transformation finale de Iron
Giant (ou Baymax pour une référence plus contemporaine) soit traitée comme
quelque chose de glorieux, un moment de plein potentiel finalement accompli et
c’est principalement le ton de Chappie.
Ce n’est pas une mauvaise chose puisque une grande part de l’humour et de
l’intérêt du film vient de cette tension entre l’innocence de l’apprentissage
et la culture dans laquelle est élevé l’individu. Chappie est un étonnant moyen
de comprendre et développer une certaine empathie pour la jeunesse de gangs de
rue, puisqu’il approche cette mentalité souvent peu représentée d’une jeunesse
qui est élevé et/ou manipulée dans un environnement qui déroge des normes
culturelles.
Chappie en soit est une
réussite. Un personnage attachant entièrement animé qui a juste assez
d’expressions faciales et de jeu dans sa voix pour développer une réelle
personnalité, nous permettant un attachement à cet énorme tas de métal. Nous
comprenons l’état d’esprit qui le motive à faire plaisir à ses
« parents » et tout ce qui le pousse vers ce qu’il devient
ultimement. Par contre, le film semble considérer cette
« corruption » comme une bonne chose et tout cela est bien beau
lorsque Chappie ne fait que faire semblant ou des délits mineurs, jamais sans
réellement blesser qui que ce soit, mais lorsqu’il en vient au point meurtrir
gravement des individus, il devrait y avoir une différenciation qui n’est tout
simplement pas faite ou conclut. La question est soulevée, mais jamais résolue
et tout le mal que Chappie accomplit au long de cette histoire semble être mis
de côté pour conclure sur la fin heureuse qui apparait sans prévenir.
Les personnages humains étaient
un tantinet mieux que les stéréotypes d’Elysium,
mais c’est un éloge qui vaut ce qu’elle vaut. Aucun personnage n’a réellement
de moment « humain » qui permet de le définir en dehors de sa
fonction dans l’histoire. La majorité des dialogues sont si serrés qu’ils ne
sont que purement fonctionnels. Le projet de Hugh Jackman ne peut décoller puisque
les financements vont tous au projet d’intelligence artificielle, alors il
devient un maniaque parce qu’il…est méchant (il est si méchant que son unique
plan consiste en l’activation d’un ED-209 pour qu’il puisse découper des
pauvres). La « mère » de Chappie passe son temps à être assis dans la
maison à attendre que les autres personnages reviennent de leurs aventures et
semble souffrir de schizophrénie puisqu’elle n’a que deux fonctions (qui
changent drastiquement selon les scènes) : matriarche protectrice et
compréhensive ou gangsters violente et ces deux aspects de personnalités ne
sont réconciliés ou nuancés d’aucune façon. Elle est présentée comme étant une
mercenaire conventionnelle, pour ensuite devenir instantanément mère de l’année
lorsque Chappie apparait et redevient dangereuse lors de la finale. Sa relation
avec Ninja n’existe tout simplement pas, remettant constamment en question la
dynamique de groupe centrale qui n’a absolument aucun fondement. Sigourney
Weaver est gâchée dans un rôle de tête d’entreprise présentée comme une leader
féroce qui finit par prendre plus de mauvaises décisions que de bonne et être
grossièrement manipulée par ses employés.
Blomkamp a un attachement
particulier à Johannesburg, sa ville natale, et semble déterminé à ce que cela
fasse parti de sa signature, la mettant en scène dans ses trois films. C’est
une décision intelligente qui, tout en mettant de l’avant une partie du monde peu
représentée, permet de vraiment mettre de l’avant les problèmes de classes et
nuances de cultures qu’il explore dans ses films (aussi maladroitement que ce
soit). Il présente un milieu urbain différent d’une façon particulière qui
permet de réellement sentir que nous ne sommes pas simplement dans
N’importe-quel-centre-urbain, USA.
En conclusion, il semble
avoir plus de choses négatives à dire sur ce film (et je n’ai même pas parlé du
hacking/progamming-magique, Consciousness_Chappie.dat, vraiment?), mais c’est
parce que le film approche une idée intéressante sans vraiment savoir comment
la présentée, utilisant les raccourcis narratifs les plus grossiers possibles
qui rendent le tout assez facile à ridiculiser. Par contre, les parties qui
fonctionnent rendent l’expérience intéressante, même si elle est immergée dans
une série de stéréotypes et décisions stupides. Chappie est une création
singulière que je n’ai pas l’impression d’avoir vu une centaine de fois
ailleurs et est l’atout majeur du film.
MUK
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