lundi 16 mars 2015

Chappie

Directeur : Neill Blomkamp
Réalisé en 2015. Avec : Sharlto Copley (Chappie), Dev Patel (jeune scientifique idéaliste), Die Antwood (Die Antwood) et Hugh Jackman (méchant méchant)


Lors des premières 20 minutes de Chappie, j’étais prêt à renoncer à Neill Blomkamp. District 9 était une incroyable surprise, un nouveau réalisateur totalement inconnu qui semblait comprendre l’importance de l’intelligence et de l’aspect humain dans le fonctionnement des meilleurs films de science-fiction. Un mélange d’humanité, de combats de mechas, d’humour, d’action, de viscères et de sentiments (il a réussi à nous faire développer un attachement pour une crevette de l’espace monoparentale) a créé un bijou avec une esthétique distincte (avec très peu de budget qui plus est) qui permet encore, 6 ans plus tard, de vendre un film. Après l’excitation de départ vint le dur retour à la réalité avec Elysium, une histoire si simpliste et remplie d’archétypes qu’elle faisait du film une ridicule comédie involontaire. Mais c’était possible que Blomkamp se soit fait attraper par la machine Hollywoodienne et que son travail ait été détruit par les notes du studio pour en faire la version la plus fade et accessible possible. J’étais encore prêt à donner une chance au réalisateur, avec l’espoir qu’une des rares voix originales pouvait vivre dans les studios d’Hollywood et continuer à travailler sur des grandes idées selon ses propres termes. Est-ce que Chappie me redonne de l’excitation pour ses prochaines productions? Oui et non.


Le film ouvre sur un élément qui semble être rendu de l’auto-pastiche à ce point : des entrevues talking-heads traités style documentaire de spécialistes qui commentent sur les événements à venir. Roulement d’yeux # 1.

Nous avons ensuite droit à des séquences de nouvelles qui contextualisent l’univers : des robots-policiers dans Johannesburg qui prennent en charge le crime. Quelques plans archi-présentateur plus tard et nous abandonnons complètement le style d’ouverture pour ne jamais y revenir. Roulement d’yeux #3.

Un montage si effréné et inconsistant que j’avais de la difficulté à me préoccuper d’un quelconque plan à l’écran. Lorsque Dev Patel enregistre des vidéos-logs, afin d’expliquer au public ce qu’il s’apprête à pianoter sur son clavier, elles sont montées de façon absolument superflues pour qu’il n’y ait que des phrases clés et aucune pause. Roulement d’yeux #8.

Dev Patel qui s’assied devant son ordinateur en déclarant : « je suis proche du développement de l’intelligence artificielle », qui pianote pour voir un code d’erreur apparaitre. Un montage nous montre de nouveaux efforts (lui qui crispe son poing assis devant son bureau), d’autres pianotages nerveux, d’autres messages d’erreurs. Un troisième essaie et soudainement un 100% apparait à l’écran. Dev Patel est content! Il enregistre un vidéo-log qui saute pour aucune raison déclarant qu’il vient d’inventer l’intelligence artificielle. Roulement d’yeux # 17.

Il va voir Sigourney Weaver (!), chef d’entreprise, avec ce nouveau développement pour se faire dire « nous construisons des robots-armes, pas des robots-artistes! ». Roulement d’yeux #29.

Frustré de s’être fait dire de ne pas pousser plus loin ses expérimentations, Dev Patel se prend la tête entre les mains, ne sachant pas quelle sera la prochaine étape. Assis, perplexe, à son bureau il, écoutez bien cela, croise du regard une affiche de chat dans son cubicule qui déclare « Craft reality…dont let reality craft you. » Il décide donc de prendre les choses en main et va, malgré les interdictions, construire son robot intelligent! C’est une vraie chose qui arrive pour de vrai dans un vrai film et c’est 100% sérieux. Je n’ai pas l’habitude d’utiliser des images d’autres films pour communiquer mes arguments, mais dans ce cas-ci, c’est incroyablement approprié :


Assez de roulements d’yeux, j’étais prêt à abandonner. Comment-est ce qu’un film qui prétend traiter de sujet sérieux et comprend la notion de ton et d’intentions peut présenter absolument sérieusement une décision majeure de personnage qui dépend d’un slogan de meme internet présenté comme tel? J’étais bouche-bée devant une telle décision. Ensuite, Chappie est arrivé.

Chappie, comme son éponyme protagoniste, semble souffrir d’un problème d’identité. Il veut être à la fois Robocop et Iron Giant et tente de trouver un juste milieu entre le plaisir innocent de l’un et la violence exagérée de l’autre. Imaginez que la transformation finale de Iron Giant (ou Baymax pour une référence plus contemporaine) soit traitée comme quelque chose de glorieux, un moment de plein potentiel finalement accompli et c’est principalement le ton de Chappie. Ce n’est pas une mauvaise chose puisque une grande part de l’humour et de l’intérêt du film vient de cette tension entre l’innocence de l’apprentissage et la culture dans laquelle est élevé l’individu. Chappie est un étonnant moyen de comprendre et développer une certaine empathie pour la jeunesse de gangs de rue, puisqu’il approche cette mentalité souvent peu représentée d’une jeunesse qui est élevé et/ou manipulée dans un environnement qui déroge des normes culturelles.


Chappie en soit est une réussite. Un personnage attachant entièrement animé qui a juste assez d’expressions faciales et de jeu dans sa voix pour développer une réelle personnalité, nous permettant un attachement à cet énorme tas de métal. Nous comprenons l’état d’esprit qui le motive à faire plaisir à ses « parents » et tout ce qui le pousse vers ce qu’il devient ultimement. Par contre, le film semble considérer cette « corruption » comme une bonne chose et tout cela est bien beau lorsque Chappie ne fait que faire semblant ou des délits mineurs, jamais sans réellement blesser qui que ce soit, mais lorsqu’il en vient au point meurtrir gravement des individus, il devrait y avoir une différenciation qui n’est tout simplement pas faite ou conclut. La question est soulevée, mais jamais résolue et tout le mal que Chappie accomplit au long de cette histoire semble être mis de côté pour conclure sur la fin heureuse qui apparait sans prévenir.

Les personnages humains étaient un tantinet mieux que les stéréotypes d’Elysium, mais c’est un éloge qui vaut ce qu’elle vaut. Aucun personnage n’a réellement de moment « humain » qui permet de le définir en dehors de sa fonction dans l’histoire. La majorité des dialogues sont si serrés qu’ils ne sont que purement fonctionnels. Le projet de Hugh Jackman ne peut décoller puisque les financements vont tous au projet d’intelligence artificielle, alors il devient un maniaque parce qu’il…est méchant (il est si méchant que son unique plan consiste en l’activation d’un ED-209 pour qu’il puisse découper des pauvres). La « mère » de Chappie passe son temps à être assis dans la maison à attendre que les autres personnages reviennent de leurs aventures et semble souffrir de schizophrénie puisqu’elle n’a que deux fonctions (qui changent drastiquement selon les scènes) : matriarche protectrice et compréhensive ou gangsters violente et ces deux aspects de personnalités ne sont réconciliés ou nuancés d’aucune façon. Elle est présentée comme étant une mercenaire conventionnelle, pour ensuite devenir instantanément mère de l’année lorsque Chappie apparait et redevient dangereuse lors de la finale. Sa relation avec Ninja n’existe tout simplement pas, remettant constamment en question la dynamique de groupe centrale qui n’a absolument aucun fondement. Sigourney Weaver est gâchée dans un rôle de tête d’entreprise présentée comme une leader féroce qui finit par prendre plus de mauvaises décisions que de bonne et être grossièrement manipulée par ses employés.


Blomkamp a un attachement particulier à Johannesburg, sa ville natale, et semble déterminé à ce que cela fasse parti de sa signature, la mettant en scène dans ses trois films. C’est une décision intelligente qui, tout en mettant de l’avant une partie du monde peu représentée, permet de vraiment mettre de l’avant les problèmes de classes et nuances de cultures qu’il explore dans ses films (aussi maladroitement que ce soit). Il présente un milieu urbain différent d’une façon particulière qui permet de réellement sentir que nous ne sommes pas simplement dans N’importe-quel-centre-urbain, USA.

En conclusion, il semble avoir plus de choses négatives à dire sur ce film (et je n’ai même pas parlé du hacking/progamming-magique, Consciousness_Chappie.dat, vraiment?), mais c’est parce que le film approche une idée intéressante sans vraiment savoir comment la présentée, utilisant les raccourcis narratifs les plus grossiers possibles qui rendent le tout assez facile à ridiculiser. Par contre, les parties qui fonctionnent rendent l’expérience intéressante, même si elle est immergée dans une série de stéréotypes et décisions stupides. Chappie est une création singulière que je n’ai pas l’impression d’avoir vu une centaine de fois ailleurs et est l’atout majeur du film.

MUK

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