Il y a un an j’ai écrit
un texte sur le potentiel effet éphémère de Game
of Thrones. Cette série pouvait-elle réussir le test ingrat du temps? Ou
était-elle déjà condamnée à être un des plus gros phénomènes télévisuels qui se
contient à une brève période pour ensuite sombrer dans l’oubli? Je n’ai pas
offert de réponse puisque je voulais principalement exprimer mes réflexions et il
est évident que rien ne peut répondre à cette question en dehors du passage du
temps. Mais après avoir pris 1 an de recul et avoir réécouter la saison 4, j’ai
réalisé une chose sur ce texte : il est stupide.
C’était une approche
ridicule et je ne savais pas vraiment comment articuler mon commentaire,
puisque nul part dans ce texte est-il clair que je critique plutôt la
mythologie entourant la série et non la série en tant que telle. Je m’attaque à
une série « sans thèmes », ce qui est loin d’être le cas et j’en
parle comme si je n’y pensais que lorsque je l’avais sous les yeux. Lorsqu’un
ami ou collègue entame une discussion sur GoT,
il en ressort que c’est une série qui tourne autour de moments choquants, qui
tue nos personnages favoris sans pitié et qui semble se complaire dans ce
statut de punir son public pour leurs attachements fondés sur une vie complète
d’habitudes narratives. Je n’avais même pas réalisé à ce moment que c’était la
question que je voulais poser, optant plutôt pour une prise de position hautaine
et abjecte, voulant me positionner au-dessus de cet aspect choquant et
superficiel. Je réalise l’erreur dans mon raisonnement et je vais donc tenter
de rediriger la discussion vers quelque chose de plus concret et réfléchi.
C’est une discussion qui
s’annonce de plus en plus pertinente puisque j’ai lu l’ensemble de l’œuvre du Trône de Fer publiée à ce jour et je
peux vous garantir que les moments qui ont fait la réputation de cette série
sont principalement terminés. La mort de Ned Stark, les noces pourpres et
violettes, le duel de la Vipère contre la Montagne résument l’ensemble des
moments clés de cette série et rien qui n’arrive à la cheville d’un seul de ces
événements n’a lieu dans les 2 tomes subséquents. Ce n’est pas pour dire qu’il
n’y aura pas d’excitations, puisque les diverses aventures sont tout aussi intéressantes
et ils peuvent facilement tuer des personnages secondaires pour garder
l’atmosphère de « mort qui guette tout le monde ». Ils vont probablement
prendre une liberté énorme pour surprendre tous (incluant les lecteurs) et ainsi raffermir leur position de série
distincte qui suit de moins en moins les rails mises en place par le livre. Par
contre, je vais argument qu’ils n’ont pas besoin de faire cela puisque tous les
autres aspects sont les véritables attributs qui vont soutenir le test du temps
et vont faire de cette série quelque chose qui est digne d’être vu et revu même
en dehors de la période d’engouement lorsque l’émission est diffusé.
En gardant en tête ma
réécoute de la plus récente saison, j’approchais chaque nouvel épisode en
regardant le titre pour me dire « oh, c’est l’épisode ou X ou Y se
passe ». Chaque épisode contient un moment pivot qui mène généralement la
conversation pour la semaine à venir, certains plus efficaces que d’autres. Il
n’y a rien de nouveau à cela, le « cliffhanger » est une technique
narrative qui peut être retracée jusqu’à l’Odyssée,
mais Game of Thrones est défini dans
la culture populaire par ses chocs narratifs. Les morts inattendues de
personnages appréciés, les promesses d’excitations à venir et les revirements
soudains du jeu des pouvoirs génèrent tant d’enthousiasme, de battage
médiatique et de réactions sur les médias sociaux qu’il serait ridicule de ne
pas donner aux fans ce qu’ils veulent. Mais après avoir pris conscience de ces
développements, l’histoire devient ce qu’elle est et il faut ainsi l’observer
telle quelle. Les moments surprenant devient normalisés et font partie du
schéma narratif digéré, perdant, par nature, de leur momentum initial. Lorsqu’on
observe les épisodes dans leur ensemble, avec un œil averti au courant des
développements à venir, ils gagnent une toute nouvelle richesse et profondeur
qui était d’abord éclipsée par le rush d’adrénaline que nous procuraient les
morts et revirements inattendus.
Que ce soit la
cinématographie à couper le souffle qui rend chaque épisode digne du grand
cinéma à chaque semaine ou des jeux d’acteurs qui ont une si bonne maîtrise de
leurs personnages et de l’univers qui les entourent qu’ils amènent tous un
petit quelque chose à leurs moments à l’écran, tous les aspects méritent
discussion. Brienne et Podrick qui errent dans les contrées dévastées fait partie
des plus ennuyeuses lectures qu’il m’ait été de faire dans les dernières années
(pour être juste, je ne lis plus autant qu’avant). L’auteur avait d’abord l’intention
de faire une ellipse de quelques années entre deux livres pour en venir à l’excitante
résolution, mais il décida à la place d’étirer l’histoire sur plus de 2000
pages. J’ai apprécié une grande partie de cet univers étendu, du contenu bonus
à ce point-ci, mais je ne pouvais endurer la quête vers le néant du duo. À l’écran,
les personnages ont une toute autre dynamique et offrent une once de légèreté
et plaisir dans ce monde si lourd et sérieux. Couplé avec un paysage grandiose
et une caméra intelligente et créative, ils insufflent mêmes les histoires qui
lèvent moins d’un intérêt quelconque. En dehors de Bran qui avait parfois des
difficultés à venir me chercher, chacune des intrigues qui s’étendent partout à
travers le monde amenaient quelque chose de différent et d’intéressant dans la
vaste tapisserie qui s’étend sous nos yeux dans cette télésérie magistrale. La
combinaison de chacun des aspects de cette gigantesque production donne vie à
un univers vrai et habité dans lequel nous avons eu la permission de jeter un
coup d’œil par ci par là.
J’ai aussi adressé la
question des thèmes dans la série d’une façon maladroite. Il est vrai que
chaque épisode est si dispersé qu’il est évident que chaque émission ne peut
accomplir une cohésion thématique qui soit toujours satisfaisante, mais cela ne
veut pas dire qu’il n’y ait pas de ligne directrice. L’émission semble
particulièrement intéressée par l’égo, l’orgueil, la perception de soi et leur
place dans le jeu des pouvoirs. Touchant très évidemment aux qualités d’un
dirigeant (nous avons déjà eu droit à deux discussions littéralement à ce
propos), ils placent cette question dans un monde qui est une version tordue,
mais étrangement près, de notre réalité. Une sorte de morbide vision de ce qu’aurait
l’air notre monde s’il y avait des dragons et zombies des glaces *tousse
tousse*métaphore environnementale*tousse tousse*. Game of Thrones prend effectivement place dans un univers fictif, a
long time ago in a galaxy far far away, mais ne vous y méprenez pas, ils
parlent de notre monde (comme toutes les histoires le font depuis toujours). L’adaptation
au roman oblige la série à se tenir à jour sur un grand nombre d’histoires, ce
qui rend difficile de donner un sentiment de tout unitaire qui n’est pas
toujours présent, mais les meilleurs épisodes le font et résultent en des
grands moments de télévision.
Je redoutais énormément
le moment où j’allais devoir refaire face à « The Mountain and the Viper »,
puisque ce fut une expérience très désagréable qui m’a affecté pendant
plusieurs jours. Par contre, tous les moments qui mènent à cet ultime climax
(et qui ont presque tous rien à voir) étaient d’une incroyable force à eux
seuls. La métamorphose de Sansa en adolescente gothique qui met en application
toutes les leçons des dernières années et reflète la progression(/corruption)
psychologique d’Arya, sauf qu’elle le fait en jouant avec les conventions
plutôt qu’en les brisant, est d’une puissance digne des grands moments de la
série. L’exil de Ser Jorah et la destruction d’une amitié qui durait depuis le
deuxième épisode telle qu’interprétée par Emilia Clarke, qui n’arrive même pas
à regarder le traitre, fend le cœur. La manipulation psychologie de Theon pour
qu’il joue l’agent-double sans en être conscient met de l’avant plus que jamais
la nature soumise et complètement brisée du personnage. Le monologue de Tyrion,
dans un bref moment de mise en abime et le rire d’Arya marquent aussi
énormément. Tous ces moments se partagent un seul épisode et vivent tous
systématiquement dans l’ombre du duel (LE duel!) Je ne veux pas condamner
puisque je comprends parfaitement le réflexe. J’étais aussi profondément
affecté par ce moment et c’est la conversation que je recherchais à l’époque.
Mais je réalise aujourd’hui que ce n’est pas ce qui va faire vivre cette série
dans la postérité. Par contre, il va permettre à l’émission de devenir un
phénomène culturel télévisé sans précédent et lui débloquer le budget
nécessaire à faire vivre une bête aussi massive dans tout le luxe qu’elle
mérite. Car sans le budget, Game of
Thrones est bon, mais probablement loin d’être aussi majestueux (que ce
soit au niveau des effets spéciaux, des costumes, des décors, des acteurs,
etc.). Ils peuvent se permettre le nécessaire pour donner vie à un roman qui
fut initialement écrit par un scénariste de télévision frustré d’écrire pour un
médium dont les réalités l’empêchaient de pousser son imagination au maximum
(pensez-y une seconde.) Comme le dit le vaillant enthousiaste des dinosaures
John Hammond : « They spared no expense! »
En conclusion, lorsque j’ai
écrit que Game of Thrones était
possiblement un phénomène éphémère, je le pensais à moitié. J’ai utilisé une
approche stupide, mais l’idée que construire une mythologie culturelle autour
de moments clés ne peut qu’amener un objet narratif si loin n’est pas fausse.
Par contre, une réécoute de la série offre un tout nouvel angle d’approche qui
me donne beaucoup d’espoir pour les saisons à venir, puisqu’elles touchent à du
matériel relativement médiocre et une sauce très très étirée (du calibre de la
trilogie cinématographique du Hobbit).
Accéléré le processus et couper les aspects inutiles démontrent une adaptation
intelligente qui s’ajuste au médium et qui comprend l’art narratif efficace et on ne peut qu'apprécier.
MUK
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