Directrice : Sophie Deraspe
Réalisé en 2015. Avec : Evelyne Brochu (Elie), Benoit Gouin (William), Louise Portal (Maria) et Gilbert Sicotte (Lon).
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=XA2ojLw72H8
Réalisé en 2015. Avec : Evelyne Brochu (Elie), Benoit Gouin (William), Louise Portal (Maria) et Gilbert Sicotte (Lon).
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=XA2ojLw72H8
La force d’une meute de
loups se retrouve dans l’esprit de groupe, une attitude qui renforce les liens
des constituants, mais ne laisse pas beaucoup de place à l’infiltration ou aux
changements. Le long métrage de Sophie Deraspe met en scène une communauté
tissée très serrée et le voyage émotionnel d’une jeune femme qui se cherche
tout en cherchant quelque chose parmi ce groupe de gens qui sont loin d’être
enclins à l’ouverture, surveillant et se méfiant de ses moindre faits et
gestes.
L’île sur laquelle
débarque Élie n’est jamais nommée et n’offre jamais de détail qui permettrait
de la situer spécifiquement, faisant de l’endroit un lieu fabriqué prenant la
place de toute petite communauté en régions du Québec. Celle-ci est par contre
caractérisée par sa chasse saisonnière de loups de mers, un fondement
économique qui attire les regards haineux des groupes de défenses des animaux,
qui n’ont pas particulièrement fière allure ici, représentés comme une voix
omniprésente qui surveille et condamne sans cesse sans jamais essayer de
comprendre.
Les
loups est très lent et porte à la réflexion. Comme il est
souvent le cas dans un scénario du type « représentation d’un sujet
méconnu », il débute en n’invitant pas nécessairement l’audience à joindre
le film, nous plaçant aux côtés de la protagoniste confrontée aux réalités des
régions (une de ses premières interactions avec les gens du coin implique des
adultes qui incitent un enfant à boire et celui-ci qui insulte la mentalité qui
se porte à sa défense). Par contre, étant une histoire de compréhension et d’ouverture,
nous sommes progressivement invités à comprendre les difficultés qui poussent
ce genre de communauté à agir de la façon qu’ils agissent, défensifs et
refermés, puisque tous jugent et personne n’essaie de comprendre et
désintéressé de l’attention puisque la seule qu’on leur porte chosifie leur
culture et mode de vie.
Oui ils tuent des phoques
de leurs mains (représenté de la façon la plus graphique et, malgré cela, normalisante
possible), mais cette activité est lucrative puisque les centres urbains sont
prêts à payer pour exporter la job sale afin de se distancier la conscience le
plus possible des réels impacts de nos luxes stérilisés. Les images font un
retournement magistral lorsqu’ils exposent d’abord « l’horreur » qu’est
la chasse aux phoques, nous situant très fermement l’esprit pour ensuite, dans
l’une des séquences finales du film, souligner à gros traits l’hypocrisie de
notre jugement privilégié. De plus, ils mettent leurs vies en danger chaque
jour lors de cette chasse, un fardeau lourd à porter pour une communauté ou
chaque famille connait ou compte un membre qui rapporte de cette chasse.
Je parle principalement
de l’opposition entre ville et région que le film soulève puisque l’histoire
centrale (pour peu qu’il y en ait une) n’accroche pas particulièrement. Elle
consiste en une quête floue d’une jeune fille qui tente de s’intégrer pour des
raisons mystérieuses (qui deviennent très rapidement évidentes) et la paranoïa
qui s’installe rapidement autour d’elle. Cette quête est un parallèle direct
avec tous les thèmes mentionnés plus haut, mais n’accroche pas particulièrement
en soi. Nous avons droit à une vision nuancée de la communauté et tout un
éventail de personnages, mais puisque le film s’ancre fermement dans le
contemplatif et le « refermé sur soi-même » (communauté de région l’oblige),
nous apprenons à connaitre très peu de personnages en profondeur. Ce ne serait
pas mauvais en soi si le film avait plus de subtilité sur les caractérisations
de ses personnages. Leurs personnalités sont assez explicitement mises de l’avant
et tout ce qui est à savoir sur chacun d’eux est assez clair. Élie est juste
assez intéressant et jouée avec juste assez de profondeur pour soutenir le
film, mais pas assez pour offrir de la vrai viande narrative, se faisant éclipsé
par le thème du film.
Détail mineur : les
accents impénétrables des régions étaient, à ma plus grande tristesse, absents.
Toute personne « de la ville » qui a déjà voyagé en région est au
courant d’à quel point la langue se métamorphose et ajoute une texture
particulière à chaque endroit visité et pourtant le français des habitants
était, sans être impeccables, pratiquement exempt d’accent caractéristique d’une
région aussi isolée. C’est au plus grand détriment du film puisqu’il aurait
bénéficié de cette saveur régionale qui est aussi une barrière supplémentaire d’accès
à cette communauté.
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La symbolique n'est pas nécessairement subtile |
En conclusion, Les loups était une vision intéressante
et humanisante d’une communauté, offrant une petite fenêtre dans un mode de vie
très distinct de ce à quoi notre confort urbain nous habitue. Malgré un centre
narratif qui manque quelque peu, l’histoire de cette meute sans nom réussit à
venir rejoindre, pour moi du moins, la conscience de la ville en offrant une
perspective nouvelle qui permet de comprendre (sans pour autant tout excuser)
et c’est ce que l’art fait de mieux : nous aider à mieux comprendre nos
compères humains.
MUK
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