lundi 2 mars 2015

Les loups

Directrice : Sophie Deraspe
Réalisé en 2015. Avec : Evelyne Brochu (Elie), Benoit Gouin (William), Louise Portal (Maria) et Gilbert Sicotte (Lon).
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=XA2ojLw72H8



La force d’une meute de loups se retrouve dans l’esprit de groupe, une attitude qui renforce les liens des constituants, mais ne laisse pas beaucoup de place à l’infiltration ou aux changements. Le long métrage de Sophie Deraspe met en scène une communauté tissée très serrée et le voyage émotionnel d’une jeune femme qui se cherche tout en cherchant quelque chose parmi ce groupe de gens qui sont loin d’être enclins à l’ouverture, surveillant et se méfiant de ses moindre faits et gestes.

L’île sur laquelle débarque Élie n’est jamais nommée et n’offre jamais de détail qui permettrait de la situer spécifiquement, faisant de l’endroit un lieu fabriqué prenant la place de toute petite communauté en régions du Québec. Celle-ci est par contre caractérisée par sa chasse saisonnière de loups de mers, un fondement économique qui attire les regards haineux des groupes de défenses des animaux, qui n’ont pas particulièrement fière allure ici, représentés comme une voix omniprésente qui surveille et condamne sans cesse sans jamais essayer de comprendre.


Les loups est très lent et porte à la réflexion. Comme il est souvent le cas dans un scénario du type « représentation d’un sujet méconnu », il débute en n’invitant pas nécessairement l’audience à joindre le film, nous plaçant aux côtés de la protagoniste confrontée aux réalités des régions (une de ses premières interactions avec les gens du coin implique des adultes qui incitent un enfant à boire et celui-ci qui insulte la mentalité qui se porte à sa défense). Par contre, étant une histoire de compréhension et d’ouverture, nous sommes progressivement invités à comprendre les difficultés qui poussent ce genre de communauté à agir de la façon qu’ils agissent, défensifs et refermés, puisque tous jugent et personne n’essaie de comprendre et désintéressé de l’attention puisque la seule qu’on leur porte chosifie leur culture et mode de vie.

Oui ils tuent des phoques de leurs mains (représenté de la façon la plus graphique et, malgré cela, normalisante possible), mais cette activité est lucrative puisque les centres urbains sont prêts à payer pour exporter la job sale afin de se distancier la conscience le plus possible des réels impacts de nos luxes stérilisés. Les images font un retournement magistral lorsqu’ils exposent d’abord « l’horreur » qu’est la chasse aux phoques, nous situant très fermement l’esprit pour ensuite, dans l’une des séquences finales du film, souligner à gros traits l’hypocrisie de notre jugement privilégié. De plus, ils mettent leurs vies en danger chaque jour lors de cette chasse, un fardeau lourd à porter pour une communauté ou chaque famille connait ou compte un membre qui rapporte de cette chasse.

Je parle principalement de l’opposition entre ville et région que le film soulève puisque l’histoire centrale (pour peu qu’il y en ait une) n’accroche pas particulièrement. Elle consiste en une quête floue d’une jeune fille qui tente de s’intégrer pour des raisons mystérieuses (qui deviennent très rapidement évidentes) et la paranoïa qui s’installe rapidement autour d’elle. Cette quête est un parallèle direct avec tous les thèmes mentionnés plus haut, mais n’accroche pas particulièrement en soi. Nous avons droit à une vision nuancée de la communauté et tout un éventail de personnages, mais puisque le film s’ancre fermement dans le contemplatif et le « refermé sur soi-même » (communauté de région l’oblige), nous apprenons à connaitre très peu de personnages en profondeur. Ce ne serait pas mauvais en soi si le film avait plus de subtilité sur les caractérisations de ses personnages. Leurs personnalités sont assez explicitement mises de l’avant et tout ce qui est à savoir sur chacun d’eux est assez clair. Élie est juste assez intéressant et jouée avec juste assez de profondeur pour soutenir le film, mais pas assez pour offrir de la vrai viande narrative, se faisant éclipsé par le thème du film.

Détail mineur : les accents impénétrables des régions étaient, à ma plus grande tristesse, absents. Toute personne « de la ville » qui a déjà voyagé en région est au courant d’à quel point la langue se métamorphose et ajoute une texture particulière à chaque endroit visité et pourtant le français des habitants était, sans être impeccables, pratiquement exempt d’accent caractéristique d’une région aussi isolée. C’est au plus grand détriment du film puisqu’il aurait bénéficié de cette saveur régionale qui est aussi une barrière supplémentaire d’accès à cette communauté.

La symbolique n'est pas nécessairement subtile
En conclusion, Les loups était une vision intéressante et humanisante d’une communauté, offrant une petite fenêtre dans un mode de vie très distinct de ce à quoi notre confort urbain nous habitue. Malgré un centre narratif qui manque quelque peu, l’histoire de cette meute sans nom réussit à venir rejoindre, pour moi du moins, la conscience de la ville en offrant une perspective nouvelle qui permet de comprendre (sans pour autant tout excuser) et c’est ce que l’art fait de mieux : nous aider à mieux comprendre nos compères humains.

MUK

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