vendredi 9 janvier 2015

The Imitation Game

Directeur : Morten Tyldum
Réalisé en 2014. Avec : Benedict Cumberbatch (Alan Turing), Keira Knightley (Joan Clarke), Matthew Goode (Hugh Alexander), Charles Dance (you know him) et Mark Strong (mon préféré).
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=S5CjKEFb-sM



Un de mes enseignants universitaires des plus marginaux disait souvent qu’il détestait le cinéma hypocrite et citait comme principal exemple la scène des douches dans Schindler’s List où l’audience et les juifs à l’écran sont certains qu’ils marchent vers leur dessein dans une chambre à gaz qui se révèle en fait être une douche. Tout le monde est content et le désastre fut évité…pour l’instant du moins. Je n’ai jamais vraiment saisi sa frustration envers cette séquence spécifique ni ce à quoi il voulait vraiment faire référence avec le cinéma hypocrite jusqu'à ce que je vois la fin de The Imitation Game. Un film si motivé à s’assurer que personne ne confronte une seule idée déplaisante qu’il survole et cache tout ce qu’il y a d’intéressant ou de possiblement controversé dans l’incroyable histoire d’Alan Turing.

L’aspect le plus frustrant dans la production si médiocre du film, c’est qu’il nous offre des lueurs d’une histoire incroyable qui aurait été intellectuellement stimulante lors des dernières vingt minutes du film pour tout de suite les survoler en montage ou cacher toute idée de thème ou de défi dans des cartons-titres juste avant le générique. L’ensemble du film est exactement ce à quoi il faut s’attendre du genre maintenant classique film « biographique » du génie aux problèmes sociaux qui révolutionne son domaine malgré ses difficultés personnelles (A Beautiful Mind, The King’s Speech, The Theory of Everything, The Social Network). Nous avons droit à l’arrivée de Turing sur le projet, les frictions avec ses collègues qui commencent en le détestant, mais finissent par le supporter à un moment clé (qui sortait de nulle part), son amitié avec Keira Knightley entremêlé de scènes de son enfance toutes plus prévisibles les unes que les autres.


Par contre, The Imitation Game aurait eu l’opportunité d’une approche à la 12 Years a Slave et de confronter l’audience moderne avec les problèmes qui sont loin d’être réglés de nos jours, mais il choisit malheureusement d’amener son thème de « l’homophobie c’est mal » à la toute fin en déclarant principalement que « regarder comme ils étaient homophobe il y a plus de 50 ans! » et détacher ainsi le plus possible l’audience de la situation pour cacher la véritable horreur des événements de la vie du personnage. Je suis totalement contre l’idée d’approcher un film « historique » et de dire « oui, mais dans la vrai vie ceci et cela », comme les gens qui se plaignaient de l’implication des Canadiens dans Argo, puisque souvent ce n’est tout simplement pas l’histoire qu’ils veulent raconter et les décisions scénaristiques vont dans ce sens. Dans le cas de The Imitation Game, l’histoire est racontée par Turing dans un poste de police suite à une arrestation pour sollicitation homosexuelle et les dernières scènes le montrent en train de devenir fou dans son appartement médicamenté pour une castration chimique, amoureux de son ordinateur, alors ils cherchent très clairement à intégrer cette part dans l’histoire.

Lorsqu'un film termine sur un point aussi fort, il cherche à dire quelque chose et veut avoir l’air d’approcher un sujet plus dur, mais pour tout de suite couper à une séquence joyeuse où les personnages du film célèbrent devant le littéral feu de joie de leur accomplissement avec du texte à l’écran qui épelle pour l’audience le lien entre le travail de Turing et nos ordinateurs modernes, il est hypocrite. Le film déclare tout simplement « ouais, il est mort seul et dans la misère à cause de l’homophobie de l’époque…mais aujourd’hui nous avons des ordinateurs! » et ne rend ainsi pas service à la mémoire d’un homme lorsqu'il castre figurativement l’histoire de sa vie.


Personnellement, le vrai intérêt du film débute lorsque la machine est fonctionnelle et qu’ils peuvent déchiffrer les codes nazis. Lord Badass en Chef Mark Strong, dans le rôle de Varys l’araignée, prend en charge l’opération, il déclare à Turing « It’s gonna be and interesting war together ». Les vraies décisions difficiles doivent ainsi être prises, puisqu'ils  ne peuvent pas laisser l’Axe déduire qu’ils ont accès à toutes leurs communications. La majorité du film n’a aucune question morale complexe puisque, gracieuseté du contexte historique, ils combattent des nazis, rendant ainsi leur quête pure. Par contre, lorsque le code est déchiffré et qu’ils doivent décider quelle information sera utilisée et quelle sera ignorée, ce sont soudainement les génies informatiques super rationnels dans une base isolée qui prennent des décisions dont chaque enjeu implique des centaines ou des milliers de vies humaines (l’origine des méthodes de guerres contemporaines!) Par contre, effrayé de choquer ou provoquer des réactions désagréables à long terme, le film offre une seule décision difficile et survole le reste de la guerre grâce à un montage, ne remettant aucunement en question la moralité de ce qui est faite. Je ne dis pas que ce qu’ils faisaient était mal et demande ainsi au film de condamner ce que l’on voit à l’écran, mais plutôt de représenter un minimum l’ambiguïté et la complexité de la situation.

En conclusion, je n’aurais probablement rien écrit sur ce film puisque pour la majeure partie de sa durée, il n’offrait rien de vraiment marquant en dehors d’une performance de Benedict Cumberbatch toujours agréable (j’ai vraiment hâte qu’il joue un incroyable idiot bien intentionné dans une comédie musicale ou quelque chose dans le genre), mais les indices d’un possible meilleur film dissimulé dans cette biographie prévisible qui mettent de l’avant les décisions prises en production le rendent très frustrant.

MUK

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