dimanche 18 janvier 2015

Force Majeure

Directeur : Ruben Östlund
Réalisé en 2014. Avec : Johannes Kuhnke (Tomas) et Lisa Loven Kongsli (Ebba)


Il semble presque être de la triche de situer un film dans un hôtel de ski perché dans les montagnes, puisqu’il faudrait activement faire des efforts pour qu’il ne soit pas magnifique. Par contre, cela n’est que le crémage sur l’excellent gâteau dramatique qu’est Force Majeure, une exploration troublante, vive et sans détours sur les responsabilités, anxiétés et réalités de la vie de parents. Le long métrage est l’équivalent cinématographique d’une tension latente entre vous et votre tendre moitié, avec des discussions émotives espacées par de longs moments de silence méditatif qui font mijoter les problèmes.*

La prémisse est tellement géniale dans sa simplicité qu’il est aberrant qu’il ait fallu si longtemps avant que quelqu’un l’exploite. Une famille, dans un chalet de ski déjeune sur la terrasse avec vue sur les pentes jusqu’à ce qu’un avalanche se déclenche. Les canons à avalanches sont omniprésents dans le quotidien de cet hôtel et personne ne s’inquiète trop d’abord. Par contre, l’avalanche ne semble plus contrôlée et prend rapidement de l’ampleur, faisant paniquer la foule. Tandis que Ebba s’agrippe à ses deux enfants en bas âges avec l’énergie du désespoir, son mari attrape sa paire de gants, son cellulaire et se pousse sans regarder derrière lui. Un léger nuage de neige, causé par l’avalanche fini par frapper le restaurant et après que la brume se dissipe, tous retournent à leurs assiettes, comme si rien ne s’était passé, sauf que tout a changé pour de bon.


Le reste de leurs vacances implique principalement beaucoup de malaises et de séquences situés dans des décors à couper le souffle. Cette immensité qui isole les personnages, s’assurant que se retirer de la situation n’est tout simplement pas une option (ou du moins elle est temporaire, puisque chaque soir ils doivent tous revenir à cette chambre, leur seul repère avec un semblant d’intimité). Les dynamiques de personnages influencent chaque petit moment avec beaucoup de nuances et font vivre toute une relation en quelques heures autant dans leurs chicanes que dans leur façon de traiter avec leurs enfants. Le drame est tel que la tension entre les protagonistes rend même mal à l’aise Tormund Fléau-d’Ogres**, qui lui non plus ne sait pas trop comment gérer cette situation. Des détails qui capturent parfaitement l’essence de certaines interactions épicent, ici et là, chaque séquences pour donner encore plus un sentiment d’immédiateté. L’impact des questionnements est si fort qu’il fait des vagues dans leur entourage, soulignant à quel point le simple « et si? » est fort dans la vision qu’ont les partenaires l’un de l’autre.

Le scénario explore plusieurs sujets fascinants, tous en rapport avec les dynamiques de couples, les attentes genrées des époux, la masculinité, les responsabilités parentales, les atouts de diverses relations et offre en bonus une longue scène d’un homme adulte en sous-vêtements qui pleure de façon incontrôlable et risible qui est tout simplement incroyable. L’ultime message qui montre ce que le film pense vraiment du machisme et de la patriarchie est si satisfaisant dans son progressisme et son honnêteté brutale qu’il rachète tous les moments où l’audience doit s’asseoir, mal à l’aise devant un homme qui est confronté à plusieurs reprises à sa lâcheté devant public par sa femme abasourdie par un tel déni.

En conclusion, Force Majeure est une thérapie de couple en soi. Les leçons tirées par cette expérience offrent une nouvelle perspective sur notre propre réalité et la confrontation à qui nous serions vraiment dans une telle situation. C’est cette confrontation qui constitue l’essence du film et ne reflète pas nécessairement une image positive ou du moins n’a pas peur d’offrir quelque chose qui ne plairait pas à tous.

MUK

*C’est un point positif, je le jure!

**J’ai lu le Trône de Fer en français bon.

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