Directeur : Jim Jarmusch
Réalisé en 2013. Avec : Tom Hiddleston (Adam), Tilda Swinton (Eve), Anton Yelchin (Ian), Mia Wasikowska (Ava) et John Hurt (Marlowe)
L’idée d’écrire sur Only Lovers Left Alive m’intimide
énormément puisque j’ai le sentiment que peu importe le résultat de l’exercice,
les protagonistes vont y apposer un jugement sévère, le trouver insignifiant
et amateur. Ce n’est pas un problème en soi puisque je suis parfaitement
conscient du statut de mes écrits dans le contexte global de la culture, mais
je ne veux pas une confirmation spécifiquement de leur part. Le couple principal du
film, Adam et Eve sont à mes yeux les freaks de Freaks & Geeks aux yeux de Lindsay. Sans vraiment comprendre
pourquoi, leur attitude détaché, l'aura de mystère qui les entoures, leurs goûts musicaux supérieurs (surtout
incompris) et leurs coolitude globale fait qu’elle cherche leur approbation et
considère leur jugement avec plus d’importance que qui que ce soit dans son
entourage. Tom Hiddleston et Tilda Swinton joue les vampires les plus
sophistiqués, cool, relax et au-dessus de leurs affaires qui soient et me
donnent une envie irrésistible de vouloir passer du temps avec eux et les
impressionner.
Le film ne contient pas
réellement d’histoire en dehors d’un semblant d’élément déclencheur qui
survient au deux-tiers du film et sert surtout à amener la finale. La structure
fonctionne plutôt comme méditation sur le monde contemporain du point de vue de
gens qui ont vu l’évolution de la culture depuis plusieurs centenaires. Le
titre est très à propos puisque le film concerne un couple d’immortels qui sont
les derniers individus qui peuvent pleinement apprécier l’immensité de la
culture (et de l’amour) qui nous entoure sans être coincé dans le cycle
quotidien de la survie, des obligations, des responsabilités, etc. Leur
longévité leur permet de toucher à tous les domaines, ainsi leurs connaissances
sont autant musicales que poétiques, littéraires, biologiques, mécanique ou
philosophique. Ils ne discriminent aucun domaine puisqu'ils viennent tous se
compléter et s’assembler pour former le tout de l’expérience humaine (ou « zombie »
comme ils sont désignés dans ce film).
Le génie du concept vient
surtout des deux personnalités contraires au cœur du film. Elles s’opposent de
la même façon qu’elles s’assemblent, s’ajustent l’une à l’autre et couvrent
beaucoup de terrain tout en étant compatibles. Adam est aussi détaché, enragé
et ennuyé que Eve est enthousiaste, passionnée et joviale. Il a passé
l’intégralité de sa vie à assister à « la déchéance » de la culture,
d’un monde qui ne peut accepter la grandeur et l’intelligence des choses. Il abandonne
peu à peu son attachement à cette existence qui semble progressivement inintéressante.
Eve approche le monde avec passion, en constante quête d’une nouvelle chose
fascinante qu’elle pourra apprendre, tout en s’attardant surtout sur le côté
positif de son expérience culturelle, n’emportant avec elle que le littéral
bagage littéraire qu’elle apprécie lors de ses déplacements. Les deux amoureux
semblent avoir des points de vus très opposés, mais leurs interactions mettent
de l’avant, plus que tout autre chose, la raison de leur liaison amoureuse. Ils
sont tous les deux remplis de culture et de connaissances et leurs deux visions
apportent quelque chose de spécifique dans leur relation qui leurs permettent
d’être ce qui se rapproche le plus d’âmes sœurs dans ce monde. Ils habitent aux
deux bouts de la Terre et pourtant ne peuvent faire autre chose que se
retrouver et ne cesser de connecter et reconnecter à travers les siècles.
L’ambiance du film va de
pair avec l’état d’esprit des personnages. Ils ont tout le temps du monde et
peuvent ainsi fonctionner au ralenti comme plus personne ne fait aujourd’hui.
Ce qui donne un tempo très lent au film par rapport à l’ensemble du cinéma qui
se fait aujourd’hui, mais qui permet de pleinement apprécier les choses comme
ils le font, que ce soit la musique ou les images (et cette séquence
d’ouverture, wow.) L’histoire implique principalement une série de scènes dans
le quotidien de vampires qui sont tellement branchés qu’ils ne peuvent plus
consommer le sang « sur le marché », mais doivent se tourner vers des
sources spécialisées qui promettent de la qualité.
Une attitude aussi
détachée et, certain diront, hautaine, pourrait devenir irritante rapidement,
mais le talent des deux acteurs donne une qualité aux personnages qui fait que
nous ne sommes pas agacés lorsqu’ils se prélassent sans cesse ou déambules
indéfiniment en discutant de choses qui furent. Ils font envie plus qu’autre
chose puisque le stress du monde moderne fait que n’importe qui voudrait avoir
la capacité de se détendre en robe de chambre du 15e siècle en se
concentrant exclusivement sur la consommation et la création d’art et de
culture sans se soucier de notre prochaine paye ou de notre avenir de mortel.
En conclusion, je
voudrais être capable d’impressionner ces deux brillants et sophistiqués
vampires pour qu’ils décident de m’emporter avec eux dans leur club sélect
d’exploration millénaire de la culture humaine sous toutes ses facettes. Je
pourrais apprendre à citer des auteurs du 17e siècle, faire un
moteur à courant alternatif, jouer tous les instruments imaginables et passer
du temps de qualité avec John Hurt tout en étant cool et branché! C’est le
rêve! Comme dirait Hob Gadling « Dying is a mug’s game! »
MUK
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