vendredi 9 janvier 2015

Only Lovers Left Alive

Directeur : Jim Jarmusch
Réalisé en 2013. Avec : Tom Hiddleston (Adam), Tilda Swinton (Eve), Anton Yelchin (Ian), Mia Wasikowska (Ava) et John Hurt (Marlowe)

L’idée d’écrire sur Only Lovers Left Alive m’intimide énormément puisque j’ai le sentiment que peu importe le résultat de l’exercice, les protagonistes vont y apposer un jugement sévère, le trouver insignifiant et amateur. Ce n’est pas un problème en soi puisque je suis parfaitement conscient du statut de mes écrits dans le contexte global de la culture, mais je ne veux pas une confirmation spécifiquement de leur part. Le couple principal du film, Adam et Eve sont à mes yeux les freaks de Freaks & Geeks aux yeux de Lindsay. Sans vraiment comprendre pourquoi, leur attitude détaché, l'aura de mystère qui les entoures, leurs goûts musicaux supérieurs (surtout incompris) et leurs coolitude globale fait qu’elle cherche leur approbation et considère leur jugement avec plus d’importance que qui que ce soit dans son entourage. Tom Hiddleston et Tilda Swinton joue les vampires les plus sophistiqués, cool, relax et au-dessus de leurs affaires qui soient et me donnent une envie irrésistible de vouloir passer du temps avec eux et les impressionner.


Le film ne contient pas réellement d’histoire en dehors d’un semblant d’élément déclencheur qui survient au deux-tiers du film et sert surtout à amener la finale. La structure fonctionne plutôt comme méditation sur le monde contemporain du point de vue de gens qui ont vu l’évolution de la culture depuis plusieurs centenaires. Le titre est très à propos puisque le film concerne un couple d’immortels qui sont les derniers individus qui peuvent pleinement apprécier l’immensité de la culture (et de l’amour) qui nous entoure sans être coincé dans le cycle quotidien de la survie, des obligations, des responsabilités, etc. Leur longévité leur permet de toucher à tous les domaines, ainsi leurs connaissances sont autant musicales que poétiques, littéraires, biologiques, mécanique ou philosophique. Ils ne discriminent aucun domaine puisqu'ils viennent tous se compléter et s’assembler pour former le tout de l’expérience humaine (ou « zombie » comme ils sont désignés dans ce film).

Le génie du concept vient surtout des deux personnalités contraires au cœur du film. Elles s’opposent de la même façon qu’elles s’assemblent, s’ajustent l’une à l’autre et couvrent beaucoup de terrain tout en étant compatibles. Adam est aussi détaché, enragé et ennuyé que Eve est enthousiaste, passionnée et joviale. Il a passé l’intégralité de sa vie à assister à « la déchéance » de la culture, d’un monde qui ne peut accepter la grandeur et l’intelligence des choses. Il abandonne peu à peu son attachement à cette existence qui semble progressivement inintéressante. Eve approche le monde avec passion, en constante quête d’une nouvelle chose fascinante qu’elle pourra apprendre, tout en s’attardant surtout sur le côté positif de son expérience culturelle, n’emportant avec elle que le littéral bagage littéraire qu’elle apprécie lors de ses déplacements. Les deux amoureux semblent avoir des points de vus très opposés, mais leurs interactions mettent de l’avant, plus que tout autre chose, la raison de leur liaison amoureuse. Ils sont tous les deux remplis de culture et de connaissances et leurs deux visions apportent quelque chose de spécifique dans leur relation qui leurs permettent d’être ce qui se rapproche le plus d’âmes sœurs dans ce monde. Ils habitent aux deux bouts de la Terre et pourtant ne peuvent faire autre chose que se retrouver et ne cesser de connecter et reconnecter à travers les siècles.

L’ambiance du film va de pair avec l’état d’esprit des personnages. Ils ont tout le temps du monde et peuvent ainsi fonctionner au ralenti comme plus personne ne fait aujourd’hui. Ce qui donne un tempo très lent au film par rapport à l’ensemble du cinéma qui se fait aujourd’hui, mais qui permet de pleinement apprécier les choses comme ils le font, que ce soit la musique ou les images (et cette séquence d’ouverture, wow.) L’histoire implique principalement une série de scènes dans le quotidien de vampires qui sont tellement branchés qu’ils ne peuvent plus consommer le sang « sur le marché », mais doivent se tourner vers des sources spécialisées qui promettent de la qualité.

Une attitude aussi détachée et, certain diront, hautaine, pourrait devenir irritante rapidement, mais le talent des deux acteurs donne une qualité aux personnages qui fait que nous ne sommes pas agacés lorsqu’ils se prélassent sans cesse ou déambules indéfiniment en discutant de choses qui furent. Ils font envie plus qu’autre chose puisque le stress du monde moderne fait que n’importe qui voudrait avoir la capacité de se détendre en robe de chambre du 15e siècle en se concentrant exclusivement sur la consommation et la création d’art et de culture sans se soucier de notre prochaine paye ou de notre avenir de mortel.

En conclusion, je voudrais être capable d’impressionner ces deux brillants et sophistiqués vampires pour qu’ils décident de m’emporter avec eux dans leur club sélect d’exploration millénaire de la culture humaine sous toutes ses facettes. Je pourrais apprendre à citer des auteurs du 17e siècle, faire un moteur à courant alternatif, jouer tous les instruments imaginables et passer du temps de qualité avec John Hurt tout en étant cool et branché! C’est le rêve! Comme dirait Hob Gadling « Dying is a mug’s game! »

MUK

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