vendredi 9 janvier 2015

Foxcatcher

Directeur : Bennett Miller
Réalisé en 2014. Avec : Steve Carell (John du Pont), Channing Tatum (Mark Schultz) et Mark Ruffalo (Dave Schultz).


Foxcatcher est d’abord et avant tout une tragédie. C’est l’histoire de deux hommes désespérément solitaires qui tentent de forger une relation ainsi qu’une connaissance commune qui se retrouve coincé au milieu de cette tension, tentant de concilier avec les deux partis. Steve Carell et Channing Tatum déambulent dans ce film, tels les fantômes de leurs propres vies, derrière l’ombre dans lesquelles ils doivent vivre de leurs propres familles, seuls et terrifiés, mais déterminés à ne pas se laisser marcher sur les pieds par qui que ce soit, tandis que Mark Ruffalo fait office de contraste, étant le seul capable de vrais connexions.

L’histoire dépend entièrement des évolutions personnelles du trio principal. Il y a quelques tournois mondiaux de lutte qui servent de points de repères narratifs qui signifient simplement que le temps avance, mais sinon les scènes ne reposent que sur les décisions et relations de chacun. L’atmosphère est très lente, nous permettant de pleinement comprendre et vivre l’impact de chacune de leurs altercations. Elles créent parfois un malaise, parfois de l’anxiété et à quelques rares moments un semblant de chaleur montrant qu’une amitié serait possiblement envisageable pour ses deux hommes, si ce n’était de leurs ego. La vie au métaphorique « sommet » est solitaire, même lorsqu'il est peuplé, tant et aussi longtemps que les individus ne voient leurs besoins, ce dont ils sont incapable (et encore moins l’admettre).  


Le jeu des acteurs est incroyable. Mark Ruffalo ressort favori du lot, simplement par vertu d’être le plus appréciable, rajoutant encore plus à la tragédie au centre de laquelle il se trouve. Sa bonne nature, sa bonne volonté et son esprit de famille font de lui un homme bien qui veut ce qu’il y a de mieux pour son frère et on peut voir que dans l’esprit de son petit frère cette protection fraternelle peut être vue comme une attaque sur son territoire (surtout lorsque leur patron les montes les uns contre les autres). Foxcatcher contient très peu de dialogues et observe une approche très réservée sur sa mise en scène, mais offre 142 fois plus de subtilité et de caractérisation que Birdman puisqu'il laisse aux acteurs la possibilité de s’exprimer avec leurs jeux à la place de gigantesques discours dictant les émotions et problèmes des autres personnages.

Il semble redondant de mentionner à quel point Steve Carell disparaît dans ce rôle d’une des créatures les plus pathétiques mises à l’écran cette année. Tatum est un peu simplet et brute, avec ses manières qui rappellent un gorille. Il a des grandes ambitions et mène une vie très simple, mais est loin d’être un personnage simple. Il contient énormément d’émotions qui sont transmises exclusivement via l’acteur, prouvant qu’il a des talents dramatiques en plus d’être drôle et physique.


L’immense terrain aristocrate de Steve Carell constitue le décor principal et n’évoque absolument rien d’excitant ou de grandiose. Il est certainement impressionnant et opulent de richesses, de trophées et de marques de reconnaissances, mais éloigne et isole dans la froideur et le vide humain. La lenteur du film renforce encore plus le poids de cette solitude, étirant chaque moment, qui soit seul ou en compagnie au point où il devient souvent gênant ou lourd. Les personnages sont seuls dans cet immense vide lent qui pèse parfois aussi sur l’audience, mais tel l’excès dans Spring Breakers, cette décision narrative crée un sentiment désagréable qui nous relie, malgré nous, encore plus aux personnages (et surtout au thème).

En conclusion, c’est une fascinante étude de personnalités, d'égos, d’ambitions qui s’entrechoquent et créent une tragédie avec trois acteurs au meilleur de leur jeu. Ma description générale (lent, froid, isolant) peut sembler rebutante de prime abord, mais les méconnaissables Carell, Tatum et Ruffalo suscitent une telle fascination que plus le temps avance et plus je me retrouve marqué (et hanté) par l’étrange dynamique de cette équipe de champions de lutte (oh et le film est aussi à propos de lutte sportive en passant).

MUK


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