dimanche 18 janvier 2015

La problématique de l'épilogue d'Harry Potter

Après avoir tout récemment revisité la dernière heure de la saga Harry Potter, j’étais abasourdi par la nullité de la finale. Non seulement est-elle dérangeante, banale et a un côté très « fan-service », mais elle restreint l’univers d’une façon qui semble aller à l’encontre de l’idée de la série.


Tout d’abord, revenons en arrière. L’ouverture du tout premier film ouvre avec la délégation du bambin au pas de la porte sur Privet Drive, une rue qui ne pourrait être plus banlieusarde. L’introduction du film (ainsi que les deux suivants) à comme principal objectif d’introduire le personnage d’Harry Potter, tout en soulignant à quel point la vie de banlieue est désagréable. Elle est oppressante et contraignante, s’assurant de rendre les découvertes du monde magique encore plus excitantes. La majorité du temps passé en vie de banlieue ne sert qu’à rendre encore plus enthousiaste la jeune audience à l’inévitable transition au monde magique. Les jeunes passent de la banalité à l’excitation. Même lorsque Ron et Hermione arrivent à Poudlard, ils semblent également émerveillés devant la magie de ce nouveau monde qui se dévoile à eux, malgré leur connaissance du monde magique.

L’histoire s’étend sur 8 films, ils enfreignent les règles, vainquent Voldemort à plusieurs reprises et sauvent le monde des sorciers (et des moldus du même coup!) Après maintes aventures, le trio se retrouvent parmi les ruines de Poudlard et n’ont que le regard vers l’avant, leur avenir s’ouvrant à maintes possibilités maintenant qu’ils n’ont plus à concentrer toutes leurs attentions sur les forces du mal qui étaient omniprésentes dans leurs quotidiens. Il y a ensuite un saut de 19 ans qui montre que certains des sorciers avec le plus de vécus de l’Histoire sont devenus la chose la plus prévisible et évidentes qu’on aurait pu imaginer : ils sont des parents (et mariés avec leurs amours du secondaire) qui mènent des vies tranquilles et envoient leurs enfants à l’école. Ils ont des maquillages d’adultes qui attirent tellement d’attention qu’ils auraient pu ne pas être maquillés et la séquence aurait mieux passée. Ils se sont mariés entre eux et ont eu des enfants aux noms les plus évidents, comme si les nombreuses années et autres expériences qui se sont passées entre la chute de Voldermort et le moment présent n’avaient aucunement eux d’impacts sur leurs vies. Dix-neuf années c’est plus de 50% de leurs existences et pourtant rien n’est arrivé pour marquer leurs vies?

La finale est fâcheuse puisqu’elle ne termine pas sur une note d’espoir et de possibilités infinies pour nos personnages vivants dans un univers riche et fascinant, mais nous confirmant que les choses ne furent jamais aussi excitantes que leurs années d’écoles. Lorsque je vois vieux Harry, Ron et Hermione sur le quai de la gare qui disent au revoir à leurs enfants, je n’imagine pas quelles aventures ils ont pu avoir ou quelles nouvelles péripéties peuvent encore se dérouler, mais plutôt une confirmation « et exactement ce que vous pensiez qu’il allait arriver arriva, ils finirent leurs études de façon conventionnelles avec beaucoup de mérites, ils ont eu les carrières prévues et vécurent une vie de famille bien ordinaire (avec un peu de magie ici et là). » Oui, cette finale offre une résolution confortable et rassurante que tout ce qui devait se passer pour eux arriva, mais ce ne sont pas des personnages définis par leur quête de confort et de sécurité. Ils ont passés 8 films et plus de 16 heures à systématiquement aller à l’encontre de chaque figure d’autorité pour explorer, découvrir et se lancer dans toutes les situations les plus dangereuses qui soient. À 11 ans ils ont entrepris de confronter un chien à trois têtes en sachant dans quoi ils s’embarquaient. C’est établi très rapidement, avec ses talents naturels, qu’ Harry est quelque peu un casse-cou, qui n’hésite jamais une seconde avant de se lancer sur des sensations fortes, faisant parti de l’équipe de Quidditch et mettant sa vie en danger quotidiennement…avant même qu’il ait sa puberté! Il vit éventuellement un des plus gros rush de sa vies en se sacrifiant pour vaincre l’intégralité des forces du mal, visite des sortes de limbes, revient et mène une lutte victorieuse contre le mal incarné…comment peut-il vivre après cela? Il doit se tourner vers l’emploi avec le plus d’adrénaline qui semble exister, une sorte de police/militaire magique et même s’il vit une vie excitante et rempli d’événements marquants, tous les indices de l’épilogue pointe vers le fait que rien de marquant ne s’est déroulé entre 1998 (la fin canonique du dernier livre d’Harry Potter) et 2017, puisque tout ce qui est présenté découle directement de ce que nous venons de voir 2 minutes plus tôt à l’écran.

Ma théorie serait qu’Harry est un homme très malheureux dans sa vie de tous les jours, constamment en quête de sensations qu’il ne retrouva plus jamais et lorsqu’il s’implique, il tombe trop profondément dans ses enquêtes, enchainant une spirale autodestructrice du calibre de Jimmy McNulty.* Si ce n’était de l’épilogue, la série se terminerait sur des promesses illimitées, parmi les ruines de leur éducation secondaire, énorme symbole de l’étape qu’ils viennent de franchir, prêts à aller de l’avant, en contrées inexplorées. Le trio peut aller vivre d’incroyables aventures (ou pas!), mais nous confirmer qu’ils poursuivent durant les 19 années à suivre l’exacte trajectoire prévue si ce n’était des forces du mal limite l’univers d’une telle façon que c’en est triste pour eux. Je ne souhaite à personne que je connais de vivre un parcours aussi ordinaire que poursuivre l’exacte vie qu’ils avaient en tête lorsqu’ils avaient 16 ans, marié leur tendre moitié d’adolescence et ne rien vivre de plus excitant qu’à cet âge, et je souhaite cela encore moins aux héros d’un monde magique illimité.

De plus, pour une série qui a comme grande qualité de grandir avec son audience, la résolution finale semble faire quelques pas en arrière, comme si elle revenait pour s’ajuster à l’audience hypothétique de l’histoire d’Albus Severus Potter. Les derniers moments de la série sont particulièrement sombres et choisir de marier les personnages les plus évidents ensembles sonne comme une décision de fan-fiction pour faire plaisir à l’audience plus que fonctionner réellement. L’auteure ne pouvait pas montrer une vision ancrée dans le vrai flot de la vie qui aurait probablement mis en scène les trois personnages en compagnie de trois étrangers aux lecteurs, alors nous avons droit aux paires les plus évidentes, Harry et Ginny (y avait-il vraiment quelque chose là?) et Ron et Hermione  (une décision que même J.K. Rowling regrette).

Le grand auteur cyclope D. Oswald Heist a dit, quelques jours avant sa mort suspecte dans l’incendie de son phare : « All good children’s stories are the same : young creature breaks rules, has incredible adventure, then returns home with the knowledge that aforementioned rules are there for a reason. Of course, the actual message to the careful reader is: break rules as often as you can, because who the hell doesn’t want to have an adventure? » Cette citation vient s’ajouter à ma déception que Harry ne termine pas sur l’idée que toutes ces aventures étaient extraordinaires et formatives, mais plutôt qu’elles étaient une embuche à leur vie paisible et anodine. Ce sentiment général est partagé par le lectorat dans leurs vies de tous les jours, puisqu’évidement les gens préfèrent la sécurité au risque, mais nous parlons ici d’un monde imaginaire où les centres d’intérêts principaux viennent des tensions et des dangers, de personnages et d’un univers qui n’existeraient pas et serait d’un intérêt moindre s’il n’y avait pas de force antagoniste à combattre. Nous voulons que Harry ait sa fin heureuse et tranquille puisqu’il fait face à tant d’adversités, mais lorsqu’il obtient sa fin heureuse, il devient ordinaire, il met le point final à l’aventure de sa vie, jugeant qu’il en a eu assez, scellant les 19 années de sa vie dans la monotonie du quotidien.

Cela va en l’encontre de tout l’attrait de la série, cette aventure, ce train de vie exceptionnel qui contraste la famille de banlieue de départ de laquelle on veut se sauver à tout prix, pas juste parce qu’ils sont désagréable, mais parce qu’ils sont quelconque. Oui, les Dursley en particulier se distinguent par leur folie commune, mais ils servent quand même d’emblème à un mode de vie spécifique. Je ne dis pas qu’Harry ne mérite pas sa fin heureuse, au contraire, il a combattu pour et s’est sacrifié corps et âmes pour le bien dans le monde, mais je doute plutôt que la vie de banlieue soit ce qu’il envisage réellement lorsqu’il quitte Poudlard sur le pont en ruines. Sans parler de la pauvre Hermione…

MUK

*Oui oui, je déduis des dernières 2 minutes qu’Harry est aujourd’hui un alcoolique.

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