Après avoir tout
récemment revisité la dernière heure de la saga Harry Potter, j’étais abasourdi par la nullité de la finale. Non
seulement est-elle dérangeante, banale et a un côté très
« fan-service », mais elle restreint l’univers d’une façon qui semble
aller à l’encontre de l’idée de la série.
Tout d’abord, revenons en
arrière. L’ouverture du tout premier film ouvre avec la délégation du bambin au
pas de la porte sur Privet Drive, une rue qui ne pourrait être plus
banlieusarde. L’introduction du film (ainsi que les deux suivants) à comme
principal objectif d’introduire le personnage d’Harry Potter, tout en
soulignant à quel point la vie de banlieue est désagréable. Elle est
oppressante et contraignante, s’assurant de rendre les découvertes du monde
magique encore plus excitantes. La majorité du temps passé en vie de banlieue
ne sert qu’à rendre encore plus enthousiaste la jeune audience à l’inévitable
transition au monde magique. Les jeunes passent de la banalité à l’excitation.
Même lorsque Ron et Hermione arrivent à Poudlard, ils semblent également
émerveillés devant la magie de ce nouveau monde qui se dévoile à eux, malgré
leur connaissance du monde magique.
L’histoire s’étend sur 8
films, ils enfreignent les règles, vainquent Voldemort à plusieurs reprises et
sauvent le monde des sorciers (et des moldus du même coup!) Après maintes
aventures, le trio se retrouvent parmi les ruines de Poudlard et n’ont que le
regard vers l’avant, leur avenir s’ouvrant à maintes possibilités maintenant
qu’ils n’ont plus à concentrer toutes leurs attentions sur les forces du mal
qui étaient omniprésentes dans leurs quotidiens. Il y a ensuite un saut de 19
ans qui montre que certains des sorciers avec le plus de vécus de l’Histoire
sont devenus la chose la plus prévisible et évidentes qu’on aurait pu
imaginer : ils sont des parents (et mariés avec leurs amours du
secondaire) qui mènent des vies tranquilles et envoient leurs enfants à
l’école. Ils ont des maquillages d’adultes qui attirent tellement d’attention
qu’ils auraient pu ne pas être maquillés et la séquence aurait mieux passée. Ils
se sont mariés entre eux et ont eu des enfants aux noms les plus évidents,
comme si les nombreuses années et autres expériences qui se sont passées entre
la chute de Voldermort et le moment présent n’avaient aucunement eux d’impacts
sur leurs vies. Dix-neuf années c’est plus de 50% de leurs existences et
pourtant rien n’est arrivé pour marquer leurs vies?
La finale est fâcheuse
puisqu’elle ne termine pas sur une note d’espoir et de possibilités infinies
pour nos personnages vivants dans un univers riche et fascinant, mais nous
confirmant que les choses ne furent jamais aussi excitantes que leurs années
d’écoles. Lorsque je vois vieux Harry, Ron et Hermione sur le quai de la gare
qui disent au revoir à leurs enfants, je n’imagine pas quelles aventures ils ont
pu avoir ou quelles nouvelles péripéties peuvent encore se dérouler, mais
plutôt une confirmation « et exactement ce que vous pensiez qu’il allait
arriver arriva, ils finirent leurs études de façon conventionnelles avec
beaucoup de mérites, ils ont eu les carrières prévues et vécurent une vie de
famille bien ordinaire (avec un peu de magie ici et là). » Oui, cette
finale offre une résolution confortable et rassurante que tout ce qui devait se
passer pour eux arriva, mais ce ne sont pas des personnages définis par leur
quête de confort et de sécurité. Ils ont passés 8 films et plus de 16 heures à
systématiquement aller à l’encontre de chaque figure d’autorité pour explorer,
découvrir et se lancer dans toutes les situations les plus dangereuses qui
soient. À 11 ans ils ont entrepris de confronter un chien à trois têtes en
sachant dans quoi ils s’embarquaient. C’est établi très rapidement, avec ses
talents naturels, qu’ Harry est quelque peu un casse-cou, qui n’hésite jamais
une seconde avant de se lancer sur des sensations fortes, faisant parti de
l’équipe de Quidditch et mettant sa vie en danger quotidiennement…avant même
qu’il ait sa puberté! Il vit éventuellement un des plus gros rush de sa vies en
se sacrifiant pour vaincre l’intégralité des forces du mal, visite des sortes
de limbes, revient et mène une lutte victorieuse contre le mal incarné…comment
peut-il vivre après cela? Il doit se tourner vers l’emploi avec le plus
d’adrénaline qui semble exister, une sorte de police/militaire magique et même
s’il vit une vie excitante et rempli d’événements marquants, tous les indices
de l’épilogue pointe vers le fait que rien de marquant ne s’est déroulé entre
1998 (la fin canonique du dernier livre d’Harry Potter) et 2017, puisque tout
ce qui est présenté découle directement de ce que nous venons de voir 2 minutes
plus tôt à l’écran.
Ma théorie serait
qu’Harry est un homme très malheureux dans sa vie de tous les jours,
constamment en quête de sensations qu’il ne retrouva plus jamais et lorsqu’il
s’implique, il tombe trop profondément dans ses enquêtes, enchainant une
spirale autodestructrice du calibre de Jimmy McNulty.* Si ce n’était de l’épilogue, la
série se terminerait sur des promesses illimitées, parmi les ruines de leur
éducation secondaire, énorme symbole de l’étape qu’ils viennent de franchir,
prêts à aller de l’avant, en contrées inexplorées. Le trio peut aller vivre
d’incroyables aventures (ou pas!), mais nous confirmer qu’ils poursuivent
durant les 19 années à suivre l’exacte trajectoire prévue si ce n’était des
forces du mal limite l’univers d’une telle façon que c’en est triste pour eux.
Je ne souhaite à personne que je connais de vivre un parcours aussi ordinaire
que poursuivre l’exacte vie qu’ils avaient en tête lorsqu’ils avaient 16 ans,
marié leur tendre moitié d’adolescence et ne rien vivre de plus excitant qu’à
cet âge, et je souhaite cela encore moins aux héros d’un monde magique
illimité.
De plus, pour une série
qui a comme grande qualité de grandir avec son audience, la résolution finale
semble faire quelques pas en arrière, comme si elle revenait pour s’ajuster à
l’audience hypothétique de l’histoire d’Albus Severus Potter. Les derniers
moments de la série sont particulièrement sombres et choisir de marier les
personnages les plus évidents ensembles sonne comme une décision de fan-fiction
pour faire plaisir à l’audience plus que fonctionner réellement. L’auteure ne
pouvait pas montrer une vision ancrée dans le vrai flot de la vie qui aurait
probablement mis en scène les trois personnages en compagnie de trois étrangers
aux lecteurs, alors nous avons droit aux paires les plus évidentes, Harry et
Ginny (y avait-il vraiment quelque chose là?) et Ron et Hermione (une décision que même J.K. Rowling regrette).
Le grand auteur cyclope D. Oswald Heist a dit,
quelques jours avant sa mort suspecte dans l’incendie de son phare : « All
good children’s stories are the same : young creature breaks rules, has
incredible adventure, then returns home with the knowledge that aforementioned
rules are there for a reason. Of course, the actual message to the careful
reader is: break rules as often as you can, because who the hell doesn’t want
to have an adventure? » Cette citation vient s’ajouter à ma
déception que Harry ne termine pas sur l’idée que toutes ces aventures étaient
extraordinaires et formatives, mais plutôt qu’elles étaient une embuche à leur
vie paisible et anodine. Ce sentiment général est partagé par le lectorat dans
leurs vies de tous les jours, puisqu’évidement les gens préfèrent la sécurité
au risque, mais nous parlons ici d’un monde imaginaire où les centres
d’intérêts principaux viennent des tensions et des dangers, de personnages et
d’un univers qui n’existeraient pas et serait d’un intérêt moindre s’il n’y
avait pas de force antagoniste à combattre. Nous voulons que Harry ait sa fin
heureuse et tranquille puisqu’il fait face à tant d’adversités, mais lorsqu’il
obtient sa fin heureuse, il devient ordinaire, il met le point final à
l’aventure de sa vie, jugeant qu’il en a eu assez, scellant les 19 années de sa
vie dans la monotonie du quotidien.
Cela va en l’encontre de
tout l’attrait de la série, cette aventure, ce train de vie exceptionnel qui
contraste la famille de banlieue de départ de laquelle on veut se sauver à tout
prix, pas juste parce qu’ils sont désagréable, mais parce qu’ils sont
quelconque. Oui, les Dursley en particulier se distinguent par leur folie
commune, mais ils servent quand même d’emblème à un mode de vie spécifique. Je
ne dis pas qu’Harry ne mérite pas sa fin heureuse, au contraire, il a combattu
pour et s’est sacrifié corps et âmes pour le bien dans le monde, mais je doute
plutôt que la vie de banlieue soit ce qu’il envisage réellement lorsqu’il
quitte Poudlard sur le pont en ruines. Sans parler de la pauvre Hermione…
MUK
*Oui oui, je déduis des
dernières 2 minutes qu’Harry est aujourd’hui un alcoolique.
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