Directeur : Ricardo Trogi
Réalisé en 2015. Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=xmr3aCAe2Dk
Synopsis : Un homme insatisfait de sa vie de privilège s'échappe constamment dans ses fantasmes égocentriques.
Parfois toute la
réalisation et les performances intéressantes du monde ne peuvent sauver un
film lorsqu’il est moralement pourri. Un thème mal traité peut rendre un film
si abject qu’aucune autre conversation ne vaut la peine d’être eu autour du
sujet et Le mirage est définitivement
coupable de la propagation d’une idée rétrograde qui vient défendre le pauvre
homme privilégié au pouvoir. Il met en vedette un véritable trou-du-cul autodestructeur
(loin d’être un problème en soi, voir : The Wolf of Wall Street), mais entreprend ensuite de l’excuser en
prétendant peindre un portrait de société qui fait de son protagoniste (un
agresseur sexuel) la victime corrompu.
Patrick (Louis
Morissette) est un homme blanc privilégié qui fantasme constamment, s’excitant
à chaque petit détail sexuel dans son entourage. C’est un père de famille dans
une relation monogame depuis plusieurs années, avec un palace équipé d’une
cuisine à plusieurs milliers de dollars, une cours grande comme un parc de
quartier, une piscine creusée et tout le luxe que l’on pourrait espérer. Mais
il est malheureux puisqu’il est coincé dans cette routine frustrante de
Métro-Boulot-Dodo (sans la partie métro, bien évidemment), il tombe donc au
quart de tour dans ses mondes fantastiques de films pornographiques.
Un égocentrique individu
détestable au centre d’un long-métrage peut être intéressant lorsque traité
avec une conscience de la complexité de son sujet et de l’étendu des problèmes
de l’homme qu’il met de l’avant. Mad Men
comprend que son protagoniste est pathologique et que sa vision du monde est
problématique, American Beauty couvre
plus de territoire pour ne pas que s’intéresser exclusivement (encore) au
regard de l’homme et Force Majeure et
Little Children se moquent
littéralement de leur patriarches en leurs impulsions gamines. Tous traitent de
sujets similaires au Mirage, en
beaucoup mieux.
Le plus gros problème
avec Patrick, c’est que le film se positionne de son côté et veut en faire une
victime de notre société de consommation, fanatique de la campagne (merci à une
seule ligne de dialogue) qui fut corrompu par les désirs inatteignables de
notre monde capitaliste. Chaque actions de connard accomplies sont ainsi
automatiquement excusées et le film se déresponsabilise entièrement des entreprises
malavisées de son sujet. De plus, dans une tournure misogyne, beaucoup du blâme
pour sa condition se retrouve mis aux pieds de sa femme, de son burn-out, de sa
basse libido et de ses constantes dépenses.
Chaque fois qu’une
question de société est soulevée (le docteur, la psychiatre, la majorité des
débats avec sa femme), le scénario prend le camp de Patrick et lui donne le
dernier mot sur la majorité des questions de société, comme si sa vision était
la seule qui voyait vraiment par-delà le mirage du capitalisme inassouvissable.
Ce n’est que lorsqu’il se retourne vers les « vrais » valeurs de la
campagne et de ses vrais amours (ses enfants avec lesquels il n’a aucune
relation tout au long du film, donc son amour sort de nul part) qu’il peut être
libre. On passe discrètement sous silence que sa liberté passe par l’abandon de
ses enfants dans les bras de sa femme en burn-out dans une maison qui ne leurs
appartient plus.
S’être commis à une
vision plus restreinte et personnelle d’un personnage aux nombreux problèmes et
ne cherchant pas à l’excuser pour ses actions, Le mirage aurait pu être un chef-d’œuvre d’un regard spécifique
dans la vie d’un connard qui parait bien et décide d’abandonner toute
prétention de savoir-vivre pour se laisser aller dans sa débauche. Mais en
voulant offrir une fin et une morale proprette, clichée et confortable, la
dissonance thématique vient fracturer le film entre une représentation d’un
problème et une excuse ensuite de ce problème.
C’est comme si Wolf of Wall Street avait décidé de
mettre de côté le regard objectif et complice pour au final mettre le blâme
entier sur les pauvres naïfs qui se font escroquer dans la première partie. « Ce
n’est pas de sa faute, il fut corrompu par un système trop facile à exploiter!
Qu’est-ce que vous auriez voulu qu’il fasse le pauvre? Il était une si bonne
personne avant que tous ces gens stupides lui laissent prendre de leur argent!
Quel malheureux qui a attrapé la maladie du capitalisme! Ayez pitié! »
Oui notre système est
problématique, mais Patrick n’en est pas la victime, il fait plutôt parti du
problème, tel l’excellent Lou Bloom de Nightcrawler.
Sauf qu’ici on n’a pas le courage d’aller au bout de ses idées et on ressent le
besoin de rendre notre protagoniste « aimable » qui obtient
finalement sa rédemption en abandonnant sa famille, plus ou moins de son plein
gré.
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