samedi 8 août 2015

Dark Places

Directeur : Gilles Pacquet-Brenner
Réalisé en 2015. Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=SpG5dWV7piw
Synopsis : 30 ans après le meurtre de sa famille, Libby Day revisite les événements de cette nuit pour découvrir la vérité.
Vu dans le cadre de Fantasia 2015.

Tandis que le Gone Girl de Fincher (aussi adapté d’un roman de Gillian Flynn, par Flynn elle-même) s’intéressait à l’image du couple parfait et du mariage romantique et à ce mensonge culturel propagé par les médias, Dark Places approche le mensonge comme une réorientation de la réalité à son propre avantage.

Les médias font encore parti de la donne, mais ne sont que dans les marges thématiques de l’histoire de Libby Day (Charlize Theron) et du traumatisme vécu lors du meurtre de sa famille en 1985. Sans marquer l’esprit autant que la précédente adaptation de Flynn, cause d’une réalisation moins marquée, ce récent effort explore quand même avec grande réussite un sujet intéressant enrobé dans une histoire de meurtre et mystère malheureusement prévisible.

L’intrigue couvre en tandem deux époques. En 1985, nous avons droit aux quelques jours qui ont menés à la mort de Patty (la matriarche, Christina Hendricks) et ses deux filles, laissant comme survivant Libby et son frère Ben (Tye Sheridan). Ben est le plus évident coupable du crime, puisque présent sur les lieux et reconnu par la populace comme étant un reclus et un sataniste.

En 2015, Ben (Corey Stroll) est en prison depuis 30 ans et les preuves qui l’ont condamné à vie ne tiennent pas la route. Suite aux insistances d’un groupe de détectives amateurs qui s’intéressent aux célèbres crimes non-résolus – et d’un sérieux manque d’argent – Libby replonge dans les événements entourant la nuit qui a défini son existence. Elle va évidemment découvrir que les choses ne sont pas comme elles le semblent, etc. etc.

C’est en faisant de ces inévitables retournements, surprises et dévoilements intrinsèques aux genres son tissu thématique que le film réussit à construire une histoire qui a véritablement quelque chose à dire. Les mensonges exposés au grand jour servent à révéler une part de l’humanité de chacun des personnages et met de l’avant ce côté de nous qui trouve parfois plus facile de réarranger la réalité à notre avantage devant les autres, que ce soit une question d’apparence, de protection de soi ou d’un autre, de vivre avec un traumatisme ou tout simplement avec soi-même.

Malgré le fait que la clé de l’énigme est assez prévisible et offerte très rapidement, la suite d’actions qui ont menés au crime reste intrigante. Puisque tellement de pions sont en jeu, même si on connait une partie de la réponse, tout n’est pas gâché. De plus, chaque période est peuplée de suffisamment d’acteurs de talents pour garder un certain calibre. L’ensemble manque simplement d’une réalisation plus distincte qui aurait pu élever le tout à un niveau tel que Fincher l’avait fait.

Suite aux fascinants et surtout très différents personnages féminins de Gone Girl, il devient évident que Gillian Flynn s’intéresse à divers types de femmes qui ne sont ni des archétypes, ni une série de légères variations. Elle prouve avec aisance que sans être un modèle à suivre, les femmes peuvent être des personnages complexes à part entière. Ce n’était pas quelque chose de nécessaire à « prouver », puisqu’une évidence, mais lorsqu’on jette un coup d’œil au paysage culturel américain, on peut se poser des questions.

Charlize Theron, dans son second rôle de protagoniste complexe et réservée de l’été, créé une véritable intrigue, en la personne de Libby Day. Lorsqu’elle est introduite, elle est loin d’être un modèle de réussite. Paresseuse, kleptomane, renfrognée et isolée, elle vit depuis une trentaine d’années sur l’argent offerte en cadeau par des bienfaiteurs qui ont eu vent de son expérience. Ce qui s’est passé fait tant parti d’elle, qu’elle en est littéralement dépendante. Tout au long du film, nous apprenons (à peine) à découvrir cette femme autonome et forte qui ne semble pas nécessairement avoir utilisé ses qualités à bon escient. Le saut de 30 ans n’est intelligemment jamais couvert, laissant notre imagination et quelques indices compléter le passé de Libby.

La mère de Libby, Christina Hendricks, est le second tour de force du film, offrant un portrait nuancé et difficile d’une mère en lutte constante. Sans être impeccable, elle amène beaucoup de dignité et de ténacité à cette femme dont l’ingratitude de la vie ne fait que la remettre par terre chaque fois qu’elle tente de se relever. Étant grand adepte des histoires concernant des mères et leur quotidien difficile, cette section de l’histoire qui prend de plus en plus de place fut particulièrement satisfaisante et complète.

En créant un tissu de personnages intéressants avec juste assez de profondeur, Dark Places fait honneur au matériel original. Un solide scénario et de fortes performances souffrent quelque peu d’une réalisation anonyme, mais permettent quand même de créer une intrigue bien ficelée qui explore les fictions (i.e. : mensonges) que l’on raconte, à soi comme aux autres.  

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