samedi 6 juin 2015

Une nouvelle amie

Directeur: François Ozon
Réalisé en 2014. Avec : Anaïs Demoustier (Claire) et Romain Duris (David/Virginia)
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=lxNUmOe-dhY
Synopsis : Une femme se lie d'amitié avec le veuf de sa meilleure amie pendant qu'il explore son identité sexué.



Le documentaire The Celluloid Closet retrace l’histoire des représentations LGBT au cinéma. Parmi toutes ces périodes, l’une des premières est le « sissy », l’homosexuel humoristique aux maniérismes dont on se moque qui inspire les gags par sa marginalité. Dans Une nouvelle amie, le travestissement n’est jamais une fois traité avec humour en tête, en dehors des rires devant le malaise des gens confrontés à cette réalité. C’est cette approche mature et respectable qui fait du film une réussite, invitant le public à non pas regarder de l’extérieur, mais comprendre et s’identifier.

Suite à la mort de sa meilleure amie, Claire (Anaïs Demoustier)  fait le serment de veiller sur sa fille et son veuf David (Romain Duris), dont elle n’est pas spécialement proche. Un hasard amène la protagoniste à surprendre David dans son attirail au foyer : les accoutrements de sa femme décédée. Elle fait ainsi la connaissance de la nouvelle amie du titre, Virginia et approche avec appréhension cette rencontre. La relation entre ces deux femmes forme le cœur narratif du long-métrage.

S’assurant de spécifier que cette particularité n’est pas le résultat d’une déviance quelconque ou d’un traumatisme suite aux exigences parentales, le traitement normalise plus que tout ce désir de transformation. La tension principale ne s’intéresse pas à l’insécurité de David, qui semble toujours excité et prêt d’entreprendre la prochaine étape, mais plutôt à la difficulté de Claire à accepter cette réalité. Le problème émotionnel vient de l’approbation de Claire qui lutte avec cette nouvelle réalité à laquelle elle s’habitue peu à peu. D’un côté, ses préjugés et autres complexes, qui ont plus à voir avec elle-même, la retiennent, de l’autre elle sert de zone de confort nécessaire à Virginia lors des diverses étapes.

La simple attention particulière apportée au sujet peut soulever la question de l’hypocrisie. Si le film ne veut pas qu’ils soient traités différemment et cherche à atteindre l’acceptation normalisée, pourquoi en fait-il tout un cas? Dans un monde idéal, des films de la sorte ne seraient pas nécessaires et nous croisons les doigts pour un futur proche, mais pour l’instant nous vivions dans une société hébergeant des stigmas et préjugés envers toute sexualité qui déroge de l’hétéronormativité. Ainsi, un film qui humanise la question et offre une sorte de « Petit guide de l’acceptation » ne peut que faire du bien.

C’est aussi en s’assurant de bien faire comprendre l’aspect identitaire du travestissement qu’il amène à comprendre. Ce n’est pas qu’un caprice de déguisement, comme on pourrait le croire au début, mais une réelle transformation de soi. Il y a un fétichisme de cette métamorphose sexuelle qui solidifie l’importance du processus pour David et Virginia. Il fait aussi la pertinente distinction entre identité du corps et de la sexualité, les traitants comme deux choses à part entière qui s’instruisent et se complètent, mais peuvent varier grandement. Le réalisateur, François Ozon, débute en explosant nos préconceptions de la sexualité normative et recolle les morceaux pour construire une personnage complète.

Une grande partie de cette complétude vient de Romain Duris qui vend la complexité de cette dualité avec grande sensibilité. Avec une simplicité qui rappelle le merveilleux jeu de Michael C. Hall dans la télésérie Six Feet Under, il trouve l’équilibre entre la féminité intrinsèque à sa personnalité sans tomber dans l’exagération théâtrale qui fait généralement de ces personnages des caricatures. Anaïs Dumoustier se voit placée dans le rôle complexe d’une individu tourmentée qui traverse plusieurs revirements d’opinions tout au long de l’histoire. Elle traverse de grandes variations de caractère et, avec l’aide du scénario, construit une personnage qui doit prendre des décisions égocentriques ou fermées d’esprit sans donner l’impression d’une fausse note scénaristique.

Dans l’ensemble, quelques très forts moments se démarquent d’un ton qui est plus tiède, sans être trop problématique en soi. Mais une dynamique centrale qui tient la route interprétée par deux acteurs en contrôle de leur art offre un portrait respectueux d’une réalité humaine. 

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