Directeur : Christian Petzold
Réalisé en 2014. Avec : Nina Hoss (Nelly Jenz), Ronald Zehrfeld (Johnny) et Nina Kunzendorf (Lene Winter).
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=YO0E14fVRBo
Synopsis : une survivante de camp de concentration tente, pour le meilleur et pour le pire, de retrouver un semblant de normalité en revenant vers son ex-mari et leur relation malsaine.
Dans une histoire très
personnelle, mais à l’ampleur symbolique immense, Nelly (Nina Hoss) survivante
d’Auschwitz défigurée, revient à Berlin après la Deuxième Guerre dans l’espoir
de pouvoir retourner à sa vie. Lorsqu’on lui offre la possibilité de repartir à
neuf avec un nouveau visage, elle tient absolument à ressembler le plus
possible à son ancienne soi-même. Malheureusement, elle ne se reconnait pas dans
le résultat final. Transformée, autant physiquement qu’émotionnellement, par
cette expérience, elle retourne vers son « veuf » qui lui non plus ne
sait pas à qui il a affaire. Il entreprend ainsi de faire passer, aux yeux de
la loi, cette nouvelle connaissance pour sa femme, survivante des camps de
concentration, afin de toucher une somme importante d’argent de la famille.
Cherchant cette connexion
désespérée avec son ancien amour, Nelly se fait passer pour une étrangère et s’intègre
de plus en plus dans la vie d’un homme que tout indique comme étant mauvais et lâche.
Par contre, par soucis de réconciliation et d’un retour à la normalité, elle
compromet et se soumet à ses moindres exigences, sans jamais vraiment recevoir
d’affection ou de gratitude en retour. Ce désespoir perpétuel brise le cœur puisqu’il
tombe dans l’abus émotionnel involontaire, demandant toujours plus de cette
femme qui doit sans arrêt s’effacer pour devenir celle dont il a besoin.
Les indices qui s’accumulent
sur les méfaits passés de l’homme le rendent de moins en moins aimable et son
côté contrôlant et brusque donne une vision plutôt sombre du mariage avant même
que l’Holocauste s’en mêle. Par contre, un habile contrôle de la mise en scène
et un jeu très empathique de l’actrice principale garde toujours l’état d’esprit
de Nelly en première pensée. Il est évident que revenir avec cet homme est
toxique, mais pourtant on ne condamne jamais la pauvre femme pour autant.
Elle fait office de figure
tragique, représentante d’un peuple qui est prêt à pardonner beaucoup pour
retrouver le semblant de vie d’antan. Il n’est pas ici question de famille, de
luxe, de confort, mais d’une identité cruciale pour centrer son existence. Tandis
que son amie ne peut que voir l’échappatoire comme solution, la protagoniste
efface cette nouvelle elle modifiée par ses expériences pour offrir une pâle
copie de sa personne, tel un phénix qui se relèverait de ses cendres pour
immédiatement partir à la recherche de son ancien plumage usé qui ne lui fait
plus. Il est évident pour tous sauf Nelly qu’ignorer ce changement est une
impasse.
L’interprétation de Nina
Hoss danse sur une fine ligne qui doit garder l’attention du spectateur dans
une production minimaliste sans tomber dans le mélodramatique ou la
victimisation. Son désespoir à fendre le coeur est si manifeste que les efforts
de cette femme ne sont jamais perçus comme stupides, ce qui réduirait le
personnage et sa lutte. Même si malsaine, cette quête reste très humaine et l’actrice
y amène une grande sensibilité qui invite à comprendre cette obsession de se
regarder à travers les yeux d’un homme qui en voit une autre et la dirige et la
déguise en conséquence.
Dans un film qui fonctionne autant au niveau dramatique que
thématique sans qu’un dépende de l’autre, Petzold offre une vision particulière
d’une lutte complexe d’un monde qui tente tant bien que mal de se remettre d’un
traumatisme. Une finale aussi simple qu’efficace raffermit cette expérience
particulière et émouvante.
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