samedi 6 juin 2015

Aloft

Directrice : Claudia Llosa
Réalisé en 2014. Avec : Jennifer Connelly (Nana), Cillian Murphy (Ivan) et Mélanie Laurent (Jannia)
Synopsis : Sont racontées en parallèle les histoires d'un homme qui tente de retrouver sa mère après 20 ans de séparations et la tragédie qui les as séparés.


Le puit des dynamiques familiales alimente une grande partie de nos histoires. La quête du parent, l’abandon paternel, l’enfant/parent de substitut, la mort de l’enfant, la mère nourricière, et plusieurs autres, sont des conventions narratives qui se retrouvent si souvent dans nos contes qu’on s’étonne encore de ne pas en être repu par cette source à l’abondance généreuse. Aloft est un excellent exemple d’une trame narrative aussi conventionnelle qu’un fils adulte vivant l’abandon maternel peut encore être racontée et divertissante lorsque entourée de solides éléments, tel des acteurs de hauts niveaux et une réalisation soignée.

Dans une période de désespoir face à la maladie terminale de son tout jeune fils, Nana (Jennifer Connelly) emmène le garçon et son frère Ivan en visite chez l’architecte, un guérisseur mystique. Un malencontreux mélange de structure de branches fragile, d’oiseau de proie agité et de fanatiques zélés crée un incident qui marquera leurs vies à jamais. 20 ans plus tard, Ivan devenu adulte (Cillian Murphy) reçoit la visite d’une journaliste tenace (Mélanie Laurent) qui emprunte divers prétexte pour finalement s’informer sur sa mère qu’il n’a pas vu en deux décennies. Ils entreprennent donc ensemble un voyage vers cette figure d’espoir aux réputés pouvoirs de guérison.

Dans une structure qui rappelle le très récent Wild (ou Oculus pour les fans d’horreur), aussi à propos d’une adulte qui entreprend une expédition fortement instruite par sa relation avec sa mère, les nombreux bonds entre le présent et le passé s’instruisent mutuellement. Nous vivons donc les deux temporalités en simultané, passant de la jeunesse avec sa mère jusqu’à sa quête pour la retrouver. Cette approche au montage permet de continuellement nous fournir l’information nécessaire, ce qui conserve notre intérêt même lorsque l’on tombe en territoires déjà explorés par maintes autres histoires.

Le film souffre par contre d’un problème narratif qui retire beaucoup de tension à l’intrigue centrale. Lorsqu’Ivan rencontre Jannia, la journaliste, pour la première fois, il ne semble pas particulièrement misérable. Il est la référence dans son milieu de travail (l’élevage d’oiseaux de proie), son couple ne semble pas avoir de problème découlant de ses mésaventures d’enfance et sa vie de famille est saine. Ainsi, il ne semble pas avoir de motivation logique à entreprendre ce voyage puisque avant qu’on vienne remuer une plaie qui avait, selon toute apparence, guérit, il n’y avait aucune impression de manque ou de désir de sa part.

Ce qu’il espère trouver au bout du chemin devient plus clair sur la route, mais semble plutôt venir de son exposition prolongée à ses souvenirs d’enfance qu’à un trouble qui était présent tout ce temps. Le saut de 20 ans confine l’histoire à ces deux moments de sa vie, comme s’il y avait un élément déclencheur lors de son enfance et qu’il avait attendu tout ce temps pour ressentir l’impact de la tragédie, ayant vécu engourdi et heureux entre temps. La structure qui nous ramène constamment aux souvenirs rend plus immédiate cette blessure, mais n’arrange pas le problème en soi.

Cela est d’autant plus problématique que sa dynamique avec Mélanie Laurent repose sur ce qu’elle apporte dans sa vie, ce qui n’est jamais clair. Cette relation qui devient amoureuse n’est jamais motivée par du concret qui permettrait de s’investir. Toutefois, ce couple est secondaire en comparaison au véritable protagoniste : le lien entre le fils et sa mère. L’acteur en charge du rôle du jeune Cillian Murphy, Zen McGrath joue un personnage quelque peu séparé de son pendant adulte. Cette conséquence est logique, puisqu’ils représentent un individu à deux très différents moments de sa vie, mais cela déconnecte quelque peu les deux histoires. Par contre, cela ne veut pas dire qu’il joue mal cet enfant troublé à la relation complexe avec sa mère.

Sans être à la hauteur de sa partenaire de scène, l’acteur enfant offre une grande honnêteté dans son rôle. Jennifer Connelly joue avec fort courage l’ingrat rôle d’une mère monoparentale qui tente désespérément de faire ce qui est le mieux pour sa famille dans des circonstances extraordinaires. Cillian Murphy amène à lui seul beaucoup à son personnage, autant de gravité que de sensibilité. Mélanie Laurent, au jeu toujours empreint d’une sincère simplicité, est quelque peu desservi par le scénario, reléguée au second plan, mais garde toujours une importance qu’elle convie par sa présence.

Malgré une dépendance aux archétypes familiaux de base qui comptent trop sur notre empathie automatique, faisant tomber l’écriture dans la paresse qui n’a pas besoin de convier une émotion, Aloft offre de solides performances centrales qui évitent l’ennui. Une histoire racontée dans le grand nord Canadien, un environnement peu représenté, amène une touche d’originalité qui permet de fermer  les yeux sur les quelques problèmes qui, malgré tout, empêchent le film d’être une recommandation sans astérisque.

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