mercredi 24 juin 2015

Eden

Directrice : Mia Hansen-Løve
Réalisé en 2014. Avec : Felix de Givry (Paul Vallée), Paulienne Étienne (Louise) et Vincent Macaigne (Arnaud)
Synopsis : Les tribulations d'un jeune DJ sur la scène musicale française underground  des années 90.

Eden a l’avantage de traiter d’un personnage « historique » qui est suffisamment inconnu pour que les marques classiques du drame biographiques ne soient pas imposées. Puisque nous parlons ici d’une figure faisant parti d’une sous-culture niche, le film peut rester intime et terre-à-terre. Il met de côté la grandeur de l’impact de son protagoniste pour se concentrer sur sa vie personnelle. Le genre s’approche beaucoup plus d’un drame français d’atteinte à la maturité que d’une biographie historique conventionnelle et on ne pourrait pas demander mieux.

En changeant le nom du personnage, la cinéaste fait bien comprendre que nous ne sommes pas intéressés par Sven Løve, DJ influent de la scène de techno underground qui a co-écrit le scénario influencé grandement par sa vie, mais plutôt par son substitut, Paul (Félix de Givry), et ses luttes personnelles. Ainsi, les enjeux n’impliquent pas de génie tourmenté, de grande compétition finale à remporter, de faux-pas médiatiques ou de caméos d’autres célébrités (en dehors d’un running-gag avec les Daft Punks que personne ne reconnait). Paul doit plutôt affronter des problèmes d’argent, d’amour, sa propre incapacité à se gérer, les démons de ses amis, l’usage récréatif, mais abusé, de drogues et un syndrome d’adolescent perpétuel!

L’ensemble des performances est gardé à un niveau si naturel qu’ils ajoutent encore plus à l’approche réaliste de la mise en scène. Le traitement du drame est si calme qu’il s’approche du cinéma français d’antan qui cherche à capturer la vie comme elle est pour ses personnages. Aussi normalisant que cette approche soit, elle peut tendre à la longueur, comme le récent Saint Laurent qui parfois donnait l’impression de ne pas avoir de direction claire, reflétant l’état d’esprit de son protagoniste. Lorsqu’un carton de texte apparait pour signaler le début de la deuxième partie, il fait l’effet d’un rappel que nous ne sommes qu’à la moitié et l’expérience donne l’impression soudaine d’être particulièrement longue.

Cela n’empêche pas le film de garder une ambiance solide, surtout en optimisant bien le contexte de son histoire. La sous-culture de raves de garages, de mash-ups et de DJs n’intéresse peut être pas tout le monde – j’en sais quelque chose -, mais cette culture de nuit garde éveillé et ravive même les quelques temps morts en deuxième partie. Cet univers est si énergique que même lorsqu’il ralenti, il garde un petit goût de caféine, comme une boisson énergisante en lendemain de veille : cela va passablement garder éveiller en attendant le prochain vrai repas ou un peu de sommeil. L’équilibre entre l’approche plus sereine et le sujet plus électrique rend le produit final énergique sans être trop.

Le protagoniste est ancré dans tellement de pathologies reconnaissables, qu’il peut autant être identifiable que frustrant, parfois les deux en même temps. C’est un garçon doué, mais pas particulièrement intelligent qui s’intéresse à la littérature, mais n’arrive pas du tout à gérer ses finances. Il perce sur la scène qui l’intéresse, mais ses talents qui lui viennent naturellement ne le préparent pas aux vrais défis de la vie. Ce n’est pas parce que l’on fait assez d’argent pour vivre en appartement que nous sommes équipés psychologiques pour l’autonomie que cela implique.

Éternel adolescent, Paul représente une figure trop identifiable dans notre culture contemporaine d’individu qui n’est jamais appelé à grandir et autant aussi proactif que passif par moments. Il est ainsi compréhensible qu’il soit dans de tels embarras sans perdre un public impatient lorsque nos personnages au cinéma sont irresponsables ou manquent de jugement. Cette représentation d’une histoire très spécifique réussit donc à un niveau plus large qui fait du film une réussite. 

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