mardi 9 juin 2015

Love & Mercy

Directeur : Bill Pohlad
Réalisé en 2014. Avec : Paul Dano (Brian Wilson - 60s), John Cusack (Brian Wilson - 80s), Elizabeth Banks (Melinda Ledbetter) et Paul Giamatti (Dr. Eugene Landry)
Synopsis : L'histoire entremêlée de Brian Wilson durant sa période la plus créative du milieu des sixties et ses problèmes psychologiques lors de sa relation abusive avec son docteur dans les années 80.

En se fiant aux nombreuses recréations cinématographiques des vies d’icônes musicaux, il est logique de déduire que le génie vient presque inévitablement avec son penchant sombre et tourmenté. Brian Wilson, membre prolifique des Beach Boys, ne fait pas exceptions à la règle. Love & Mercy couvre avec autant d’importance le sommet de sa carrière musicale au milieu des années 60 que ses problèmes psychologiques 20 ans plus tard, entremêlant les deux périodes afin de capter le plus possible de ce qui faisait de l’homme une figure qui révolutionnerait la musique populaire.

Le scénario d’Oren Moverman ressemble à une version plus classique de son approche à Bob Dylan dans I’m Not There. Les deux acteurs jouent deux âges du musicien, mais la linéarité très stricte et les deux histoires qui usent plus facilement de stéréotypes du biopic en font une moins grande réussite. Tandis que I’m Not There disséquait plus le personnage pour en faire un fidèle portrait¸ Love & Mercy tombe plus dans le partisan qui transforme la figure en idole victime de son environnement envers qui il faut avoir pitié plutôt qu’en individu complexe et autonome. On choisit de survoler la période sombre de sa vie, avec la drogue et la famille abandonnée afin d’offrir une version plus sécuritaire pour tout public de l’homme.

Prodige musical devant faire compétition aux Beatles dans une période de redéfinition musicale américaine intense, Wilson souffre d’hallucinations auditives qui expliquent possiblement autant son approche singulière à la musique que ses troubles personnels subséquents. L’importance de cette dualité est mise en valeur par le générique final qui confirme que la dynamique n’est pas chronologique, mais rebondit d’un âge à l’autre, avec Paul Dano crédité comme étant « Brian Wilson – Past » et John Cusack « Brian Wilson – Futur ».

Une vie si rempli résulte inévitablement en une dramatisation filmique réduite et puisqu’on veut couvrir tant de terrain en si peu de temps, certains raccourcis sont malheureusement empruntés. En dehors de la figure antagoniste du groupe, une caricature du musicien centré sur l’argent qui rebute l’ambition du héros, tout le reste des Beach Boys font plus office d’un entourage aux mêmes coupes de cheveux que d’un groupe de proches collaborateurs. La femme de Wilson des années 60 est mise de côté pour donner plus de place à son histoire amoureuse future. Certaines personnes ne font apparition dans sa vie que pour cocher la case du biopic et beaucoup entrent et sortent de l’histoire sans trop d’impacts ou même d’identité claire. Cela fait de Paul Dano le penchant plus solitaire du film, puisqu’il se retrouve entouré de non-personnages qui ne font qu’approuver ou désapprouver ses décisions.

Les dialogues vont souvent directement au but sans trop de nuances. Le scénario est parsemé d’échanges « prémonitoires » qui récompensent le public de savoir ce qui est à venir dans la vie du musicien. De plus, l’agaçant texte d’épilogue qui vient reconfirmer à quel point son œuvre fut monumentale est ici utilisé. Ce carton pré-générique obligatoire reflète surtout un manque de confiance en un public qui n’est soit pas au courant de l’impact du sujet, soit pas capable de saisir un scénario qui s’est assuré de dire textuellement plusieurs fois à quel point nous avions affaire à un grand homme.

Les quelques problèmes génériques sont rattrapés par plusieurs acteurs qui habitent les deux époques. Paul Dano nous prouve qu’il peut parfois incarner un personnage qu’on ne veut pas automatiquement frapper au visage (Looper, There Will Be Blood, 12 Years A Slave, Cowboys & Aliens). Il met au profit la grande innocence juvénile de ses traits pour évoquer l’émerveillement du processus et créatif et la dévotion inébranlable d’un individu qui ne peut faire autrement. Dano dans le studio d’enregistrement qui ajuste et expérimente avec ses sons et l’équipe de musiciens sont la plus grande force du film.

John Cusack vend très bien la vulnérabilité de Wilson et ses nombreux problèmes psychologiques. Par contre, l’emphase est si forte sur le côté enfantin de sa personnalité que sa relation amoureuse avec Elizabeth Banks souffre de ces implications dérangeantes. Paul Giamatti se révèle être le plus délicieux du film, amenant son personnage de docteur abusif et sordide dans des territoires de vilain de James Bond. Chacun de ses moments à l’écran crée un malaise qui fait immédiatement sonner l’alarme de non-confiance et son plaisir avec le rôle est manifeste et plaisant, tout particulièrement lorsqu’il pète les plombs.

Malgré un ton de texte très négatif, l’ensemble est appréciable. Avec une mise en scène dynamique et un ensemble de solides performances, Love & Mercy offre une vision compréhensible et respectueuse de Brian Wilson. La structure narrative de sauts passé/futur intéressante n’évite pourtant pas les problèmes conventionnels des biographies au cinéma qui rendent le produit final agréable sans transcender le genre.

  

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