Director : Edgar Wright
Réalisé en 2013. Avec : Simon Pegg (Gary King), Nick Frost (Andy Knightley), Martin Freeman (Oliver Chamberlain), Paddy Considine (Steven Prince) et Eddie Marsan (Peter Page).
Peu de réalisateurs me font réaliser
à quel point j’ai encore beaucoup à apprendre sur le cinéma autant que Edgar
Wright. Chacun de ses films est tellement intelligemment réalisé et avec un tel
sens de contrôle absolu qu’il égaliserait Wes Anderson (sauf que son contrôle
se retrouve plus au niveau du script). Chacun de ses scénarios se tient avec
une telle précision qu’il est presque impossible de trouver une faille dans une
seule ligne de dialogue. Chaque ligne à une fonction qui sert soit l’histoire,
les personnages ou un moment comique (et a majoritairement plus d’une fonction
à la fois). The World’s End est le
plus récent opus dans la non-officielle « Cornetto Trilogy » et
exemplifie que le réalisateur ne fait qu’améliorer son jeu autant avec une
réalisation toujours aussi solide et des thèmes qui démontrent une maturation
camouflée dans un décors d’action-science-fiction des plus distrayants.
Gary King est un éternel
adolescent. Lui et ses 4 amis du secondaire ont tentés une fois le fameux « Golden
Mile » (boire 12 pintes dans les 12 pubs de leur village d’origine) lors
de leur jeunesse et ont échoués. Pour Gary, l’auto-proclamé King, la vie n’est
allée qu’en descendant à partir de là. Nous le rencontrons dans un cercle d’alcooliques
anonymes qui raconte sa gloire d’antan, se convainquant que s’il peut recréer
la magie de cette soirée, les choses vont s’arranger pour lui. Il réussit donc
à duper ses amis et les ramènent tous dans le trou noir qu’est la nostalgie
sélective, représenté par leur ville natale dont personne n’a de bons souvenirs
(sauf bien évidemment le King). Leur soirée entreprise à contrecœur se révèle
parsemée d’embuches qui ne sont pas de ce monde.
Le film nous présente une façade,
il nous montre un personnage X dans une ville, mais l’intérêt de l’histoire se
révèle être la découverte de ce qui se cache réellement derrière cette façade
qui se dévoile être de plus en plus être artificielle, pour cacher quelque
chose de plus sombre. Cet aspect (et ce thème) donne au film du mystère qui,
combiné avec un script si complet, nous donne l’envie de vouloir saisir ce
film, de vouloir le suivre jusqu’au bout pour apprendre ce qui nous manque et
comprendre de quelle façon les pièces s’imbriquent les unes dans les autres.
Mais ce ne serait pas un film d’Edgar
Wright si au milieu de toute cette action et ces gags, il n’y avait pas de cœur
et The World’s End comporte en son
centre le message d’amitié le plus mature et le plus douloureux de sa
filmographie. Je n’entrerais pas dans les détails puisqu’ils impliquent des péripéties
du troisième acte du film, mais je peux dire qu’ils montrent une véritable
maturation de la part du réalisateur et de son duo d’amis. C’est un détail qui
est particulièrement digne de célébration puisqu’il démontre une évolution dans
le style du réalisateur et nous indique que nous ne pouvons pas être certains
de ce qu’il nous garde comme prochain long-métrage! Et s’il y a une chose que j’apprécie
au cinéma, c’est de ne pas être certain à quoi m’attendre!
Cette nuance dans le nouveau film
est particulièrement évidente lorsqu’on regarde les deux protagonistes. Simon
Pegg qui a toujours interprété le plus sérieux du groupe, tandis que Nick Frost
est le plus niais se retrouvent tous deux dans des rôles inversés. Pegg est ici
la déconstruction de l’éternel adolescent (et la dure réalité de ce qu’il
implique vraiment) qui est un fardeau pour son ami qui s’en est sorti et qui
réussit dans la vie. Par contre, pour un rôle qui pourrait facilement être une
seule note et, soyons franc, très ennuyeux, Nick Frost joue la lutte qu’il
traverse tout au long du film avec tant de force qu’il éclipse presque l’autre
vedette du film à certains moments. Il est sensé, mais en même temps son cœur et
ses tripes prennent le dessus sur son jugement et tout cela ne sort pas de nulle
part, son jeu donnant dès le début des indices de la personne qu’il est
réellement derrière sa façade d’homme d’affaire. Pegg est une figure qui
pourrait difficilement être plus tragique, un alcoolique qui est coincé
émotionnellement à 18 ans et qui tente désespérément de recapture ne serait-ce
que l’illusion de revivre sa jeunesse. Il motive la quête mais est aussi la
personne qui met la plus en danger tous les autres personnages, ainsi que
lui-même (comme le dit Film Crit Hulk : « [Gary King] IS ALSO THE MAIN PROTAGONIST, THE CHIEF ANTAGONIST, THE MAIN INSTIGATOR OF THE PLOT, AND EVEN THE DIRECT SOURCE OF CONFLICT. ») Ce qui donne une dynamique particulièrement
fascinante au groupe qui traverse la ville infesté de pas-des-robots (puisque
le terme robot vient du tchèque pour dire « esclave »).
En conclusion, après avoir
récemment réécouté Shaun of the Dead
et Hot Fuzz, The World’s End se met parfaitement en ligne avec ces films qui
sont mémorables, intelligents, drôles et qui peuvent être réécoutés un nombre
infini de fois! Par contre, il se distingue en étant beaucoup plus mature et il
démontre une évolution du style du réalisateur qui est très prometteuse pour n’importe
quel projet future qu’il décide d’entreprendre.
MUK
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