vendredi 8 août 2014

Frank

Director : Lenny Abrahamson
Réalisé en 2014. Avec : Domhnall Gleeson (Jon), Michael Fassbender (l'éponyme Frank), Maggie Gyllenhaal (Clara) et Scoot McNairy (Don).
Vu dans le cadre de Fantasia 2014.
Trailer : https://www.youtube.com/watch?v=-catC4tBVyY (beaucoup des meilleurs gags du film par contre.


Frank porte une énorme tête en papier-mâché…tout le temps. C’est excentrique, marginal et peut de prime abord avoir l’air d’un simple stratagème, une « gimmick » de marketing pour faire parler les gens histoire de trouver un public qui seraient attirés par l’étrangeté de la prémisse. Dans notre ère du virtuel ou la capacité d’attention moyenne de la population baisse régulièrement, avec les « memes », les tweets, les articles « click-bait », la culture qui est faite pour être consommée immédiatement, où la majorité des choses ne sont que surface et glaçage, où des sites ne fonctionnent que sur du contenu qui ne doit pas prendre plus que 8 secondes à consommer (je te regarde toi, 9gag!). La version « culture contemporaine » de Frank est un homme qui porte une énorme tête de papier mâchée, la version Frank de Frank est un homme complexe qui n’est pas fait pour être populaire, qui n’est pas fait pour être accessible ou connu.


Jon se joint à un groupe particulier et excentrique pour ultimement découvrir que des fois le vrai étrange marginal ne peuvent tout simplement pas devenir populaires, puisque c’est sa marginalité qui le qualifie. Frank plonge dans un groupe de musique qui n’est pas fait pour être connu et prouve qu’une « gimmick » n’est pas assez pour supporter une carrière musicale et un groupe de fans. Le « elevator pitch » du film, le premier (et souvent unique) détail que les gens entendent sur ce film c’est que Micheal Fassbender porte une tête en papier mâché tout au long du film. C’est l’hameçon pour nous emporter dans le film et on apprend rapidement que pour Frank, c’est beaucoup plus qu’une excentricité, c’est une façon de vivre sa vie et cela s’étend à la particularité de sa musique. Il ne peut pas transformer sa musique pour la rendre populaire autant qu’il a besoin de cette tête pour fonctionner dans le monde autour de lui, pour le protéger.

Le film passe la majorité de son temps à une retraite dans les bois avec le groupe Soronprfbs et c’est dans leurs nombreuses séances musicales et d’explorations que l’on découvre la vraie nature du groupe. Parfois, être étrange ce n’est pas un trait qui est forcé pour vendre le produit, c’est dans la nature même du produit et il est essentiel pour que le produit fonctionne. La véritable nature de l’art qui est dans le personnel et cela n’est jamais plus évident que dans la scène illustrant à quel point Frank ne comprend rien à ce que les gens « veulent », il ne peut que produire ce qui vient de lui. C’est une musique étrange qui permet d’extérioriser des sentiments que les musiciens ne pourraient ou ne sauraient pas comment traiter autrement, elle transcende notre situation. La véritable nature musicale (et de l’art en général) doit venir de quelque part de vrai, sinon il est juste perverti et étrange et faux et n’est qu’une pure imitation vide de sens et le public va rejeter ce mensonge.

Pour donner plus de place à Frank, le film met un peu de côté les autres personnages, leurs donnant un peu moins de temps et de profondeur, ce qui est fâcheux puisqu’ils auraient bénéficiés d’une plus large explication de ce qui rassemble ces gens. Je suis conscient que Jon est le personnage à travers lequel l’audience perçoit le film et faire des autres personnages des énigmes renforce l’isolation de Jon du reste du groupe, renforçant le point du film, mais même donner un peu plus de surface aux autres que « eux ne l’aiment pas » et « elle est généralement en colère et anxieuse » n’aurait pas fait de tort au film.

La performance de Micheal Fassbender est évidemment excellente et est étonnamment subtile pour un personnage aussi excentrique. Il réussit à donner beaucoup de nuances seulement avec sa voix et son corps. Mais le film n’est pas véritablement à propos de lui, ou du moins c’est à propos de lui vu par quelqu’un d’autres, Domnhall Gleeson, qui continue à être une révélation pour moi. Cet acteur est excellent, il est drôle, courageux, vulnérable et à un accent anglais! Il a une voix de narrateur qui sert de point d’entré facile au public, surtout dans un film à propos d’un groupe qui n’est pas fait pour tout le monde, il est essentiel de donner un point de repère dans ce groupe qui ne se laisse tout simplement pas approcher. Je tiens aussi rapidement à mentionner Scoot McNairy, qui continue à se pointer dans pleins de petits rôles dans toute sorte de films et est toujours aussi excellent.

En conclusion, Frank est un film à propos d’un groupe qui ne veut pas de votre attention, un film qui plonge dans une bande d’excentriques qui n’ont aucun intérêt à devenir populaire et qui en ressort une histoire pertinente et touchante sur la place des véritables marginaux dans notre culture toujours en recherche du prochain hit qui aura plein de « clics » sur youtube et de retweets!

MUK

Aucun commentaire:

Publier un commentaire