Directeur : J.C. Chandor
Réalisé en 2014. Avec : Oscar Isaac (Abel Morales), Jessica Chastain (Anna Morales), Albert Brooks (Andrew Walsh) et David Oyelowo (D.A. Lawrence)
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=o87gG7ZlEAg
Réalisé en 2014. Avec : Oscar Isaac (Abel Morales), Jessica Chastain (Anna Morales), Albert Brooks (Andrew Walsh) et David Oyelowo (D.A. Lawrence)
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=o87gG7ZlEAg
L’intrigue de l’immigrant
qui gravit les échelons dans le milieu du crime organisé est une histoire qui
fut racontée des centaines de fois. C’est un récit aujourd’hui archétypal de
notre jeune Amérique du Nord, terre des promesses, des nouveaux départs et du
melting pot européen. Ainsi, entendre pour une énième fois l’histoire des
complexités morales d’un monde où le fort mange le faible et où l’expansion n’a
d’égale que l’ambition et la faim de l’homme d’affaire plus souvent qu’autrement
vorace ne m’intéressait pas particulièrement. A Most Violent Year surprend dans son approche beaucoup plus calme
et terre-à-terre de son sujet, surtout lorsqu’on considère le titre trompeur.
Abel Morales ne tente pas de devenir le plus gros par tous les moyens
nécessaires, mais tente, malgré une tension grandissante, d’assouvir ses
ambitions sans tomber dans l’inévitable cycle de la violence qui ne fera qu’engendrer
plus de violence.
Le protagoniste
entrepreneur n’a aucune intention de jouer dans le trafic de produits illégaux,
que ce soit de la contrebande ou des drogues. Son entreprise est (presque)
entièrement capable de se tenir devant la loi sur les points auxquels une
organisation dans le genre ferait face dans tous les autres films typiques. Ici,
les quelques entraves au système judiciaires semblent mineures (fraude, évasion
fiscale, etc.) et une préoccupation secondaire face à la violence en périphérie
qui tente constamment de s’enraciner dans les affaires d’Abel. Son opposition à
la chose n’est pas tant idéologique que pratique. Ils ne sont pas encore assez
gros et importants pour s’en sortir avec des infractions plus graves sur des individus
plutôt que sur papier. Il y a un traitement de cette violence qui semble
désintéressé par toute la glorification à laquelle elle a généralement droit.
Le récit a pour centre un
couple de protagonistes qui sont tous deux des sujets fascinants. Jessica
Chastain est la plus forcenée des deux, qui n’hésite jamais à prendre les
choses en mains et même se les salir lorsqu’il le faut sans jamais cligner des
yeux. C’est une femme complexe qui fait partie, à part égale, de l’entreprise
et sa touche se retrouve à chaque décision prise, même lorsqu’elle est absente.
Sa détermination s’applique autant à la progression de leurs affaires qu’à sa
survie et celle de sa famille, encore une fois, vulnérable aux possibilités d’agressions
qui les entourent constamment.
Oscar Isaac est d’un calme
incroyable dans un rôle presque diamétralement opposé à Al Pacino dans Dick Tracy (que j’ai vu la veille pour
la première fois)*. Comme la réalisation du film, il est très contrôlé et
concentré sur son objectif, ne se permettant jamais de se perdre. Même lorsqu’il
est en colère, il garde une maitrise de soi qui cimente ce personnage bien au
sol, nous happant dans sa charismatique domination de ses émotions. Il n’y a
aucune prétention dans ses interactions et sa froideur perçu se révèle en fait
être une précision au laser de sa concentration.
L’œil de J.C. Chandor
offre une périphérie new-yorkaise riche de visuels qui rendent le film
magnifique. Qu’il pointe sa caméra vers l’ensemble de la ville ou un métro
tapissé de graffitis, il peint un portrait distinct de son environnement qui
lui donne une touche personnalisée très léchée. La direction artistique tape
dans le style des années 80 sans jamais être dérangeant ou trop attirer l’attention
sur les fanfreluches de l’époque. Les costumes et maquillages restent très
solides et glamours tout en étant sobre et s’ajustent au style de vie des
personnages et à l’ensemble thématique du film qui cherche à ne pas trop se
faire remarquer.
En conclusion, A Most Violent Year réussit à trouver
une approche nouvelle et fraiche à l’histoire d’une entreprise naissante qui
cherche à s’établir et gagner ses lettres de noblesses dans un monde qui semble
intéressé par tout sauf le changement. Ancré dans deux performances (et il n’y
a pas que ces deux) qui méritent à elles seules le détour, la fâcheuse
réalisation inévitable qu’il faut toujours une certaine immoralité pour avancer
dans cet environnement prend sa place dans le canon cinématographique du
véritable rêve américain.
MUK
*Je suis conscient que la
comparaison n’apporte rien de très pertinent à la conversation, mais cette
performance d’Al Pacino est si peu connu, plaisante et époustouflante que je
dois la mentionner, c’en est plus fort que moi.
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