lundi 16 février 2015

Kingsman : The Secret Service

Directeur : Matthew Vaughn
Réalisé en 2015. Avec : Taron Egerton (Eggsy), Colin Firth (Harry Hart), Samuel L. Jackson (Valentine), Mark Strong (Merlin), Sophie Cookson (Roxy), Sofia Boutella (Gazelle) et Michael Caine (Arthur)
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=kl8F-8tR8to


Malgré tout le pouvoir d’association que le petit peuple peut avoir avec toute figure cinématographique, James Bond reste un échelon inatteignable de la haute société britannique. L’archétype de l’agent secret avec toute la prestance, les ressources et le sex-appeal du monde souffre d’un problème de classe, puisqu’il appartient à un système d’impérialisme qui protège le bon genre et l’aristocratie…jusqu’à ce que Kingsman règle ce problème en faisant du 1% l’ennemi coloré au plan global archi-complexe. Le film sait intelligemment faire la distinction entre « élevé avec une cuillère en argent dans la bouche » et de simples bonnes manières qui découlent de confiance en soi combinée à une discipline personnelle, ce qui permet de devenir un individu plus accompli. Tout cela vient compléter une aventure classique d’espionnage avec  du plaisir et de la vitalité digne de Scott Pilgrim en se réappropriant les codes du genre et les réajustant à son aise.

Eggsy est un jeune garçon plein d’avenir, mais est aussi coincé dans un environnement qui fait que ses habilités sont tournées dans la mauvaise direction, l’empêchant de d’accomplir son plein potentiel. Jusqu’au jour où Harry Hart (nom de code : Gallahad) décide de le prendre sous son aile, voyant en lui le potentiel d’un vrai Kingsman. Il soumet ainsi sa candidature pour faire partie du groupe d’agents secrets indépendants le plus influent du pays, ne représentant pas sa Majesté, mais l’intérêt du peuple (en même temps que la décence gentleman-esque et le savoir-vivre). La lutte des classes est évidente à tous les niveaux du scénario, allant des conseils de Colin Firth jusqu’aux compétiteurs de bonnes familles que Eggsy doit affronter pour obtenir le titre de Lancelot.


Après Kick-Ass, il semble que Matthew Vaughn prenne plaisir à faire un usage de la violence dans un contexte particulier qui mette l’audience mal-à-l’aise. Durant le dernier tiers du film s’enchainent les scènes qui mélangent une violence graphique faisant hommage aux origines bédéesques du matériel avec les codes cinématographiques qui glorifient ce qui est montré à l’écran. Par contre, ce qui est montré est plus souvent qu’autrement particulièrement horrible, même lorsque cette violence est faite envers les plus détestables des individus. La gravité de la situation est encore plus frappante lorsque le plan machiavélique de l’ennemi n’implique pas une destruction de masse qui passe en un flash lumineux et instantané, mais plutôt en une violence brutale et barbare dont la durée s’étire. Nous avons aussi droit aux plus glorieux, haineux et jubilatoires feux d’artifices de l’Histoire, dans la séquence clé du film qui risque de laisser des traces dans le paysage cinématographique.

Par contre, lorsque l’action ne sert pas à créer un malaise, elle est utilisée très efficacement pour mettre de l’avant les prouesses physiques (et la classe des gentlemen) des espions et offre un vrai sentiment d’ingéniosité et d’énergie aux combats, qui ne mettent pas de l’avant la brutalité, mais la confiance et le style. Le film est aussi particulièrement hilarant, offrant, bien sûr, l’humour de base du contraste entre le jeune « de la rue » et le noble droit à la bonne éducation qui doit lui montrer le droit chemin, mais prend aussi beaucoup de plaisir avec les tropes du genre, que ce soit des bonnes (gadgets, costumes, mission dans l’espace) ou des mauvaises (impérialisme, misogynie).


Colin Firth m’a convaincu pour la première fois de ma vie de l’attrait de porter un costume veston-cravate. Il dégage un charisme qui séduit toute l’audience, avec une confiance en soi qui convainc qu’il est effectivement très capable d’accomplir tout ce qu’il fait dans ce film. Il peut aussi être drôle que sévère, offrant le parfait mentor au déterminé et audacieux Taron Egerton, qui vend toutes les étapes de l’arc du jeune déglingué au rigoureux agent. Oh et c’est le deuxième film de Mark Strong en quelques mois! Et ce n’est même pas ma fête!* Samuel L. Jackson offre aussi une performance mémorable dans le rôle du vilain coloré (ici littéralement, changeant sans arrêt de costumes aux couleurs éclatantes), le rêve américain incarné avec un cheveu sur la langue, qui ne peut supporter la vue du sang.

En conclusion, les segments les plus marquants et spectaculaires du film sont les plus incroyables surprises qu’il m’ait été donné de voir au cinéma en cette (jeune) année, alors, sans pouvoir en parler plus en profondeur, je recommande fortement cette expérience des plus singulières. Kingsman se réapproprie l’icône britannique de l’agent secret impeccable et en fait quelque chose de nouveau dans une explosion qui est aussi drôle que particulièrement malaisante.

MUK

* Le sentiment est certainement similaire.

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