vendredi 13 février 2015

Jupiter Ascending

Directeurs: Lana et Andy Wachowski
Réalisé en 2015. Avec : Mila Kunis (Jupiter Jones, reine de l'univers et héritière de la Terre), Channing Tatum (Caine Wise le soldat-loup déchu), Eddie Redmayne (Balem Abrasax...regarder moi ces noms!) et Sean Bean (Stinger Apini...hihihihi)
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=t4ZzMkDLjWI

Si Star Wars, Matrix, Dune, Saga et Harry Potter avaient un enfant et qu’il grandissait pour devenir un étudiant universitaire militant social en première année d’écriture de scénario et littérature comparée, le résultat serait Jupiter Ascending, pour le meilleur et pour le pire. Voici maintenant plus de 1000 mots qui justifient cet énoncé :

« Si Star Wars, Matrix, Dune, Saga et Harry Potter avaient un enfant… »


Dans une entrevue, Lana Wachowski parlait de l’importance de l’esthétique et que deux films avec l’exacte même histoire pouvaient, grâce à des esthétiques différentes, passer pour deux films sans que personne ne fasse de connexion. Pour prouver son point, elle décrit l’histoire de Moonrise Kingdom et Snow White & The Huntsman, révélant un même squelette sous toutes les apparences. Elle fait le même exercice pour Conan the Barbarian et Apocalypse Now.

Avec des influences esthétiques fermement ancrées dans les fictions des années 70, des illustrations de couvertures de romans de science-fiction et une imagination débordante, ils tentent de couvrir ce qui est essentiellement l’histoire de la majorité des romans pour jeunes adultes (révélation à une jeune personne avec une vie exécrable qu’il a un destin gigantesque) dans la problématique de Matrix (découverte d’un monde au-dessus de l’existence primaire du personnage principal, ce dernier existant dans une réalité ignorante de son propre sort en tant que ressource pour les moissonneurs qui cultivent les humains). L’évidence des points de référence est si abasourdissante venant de personnalités aussi créatives qu’elle ne peut-être que volontaire, n’est-ce pas? Après tout, Terry Gilliam est présent lorsque les personnages font un détour par Brazil pour remplir de la paperasse, indiquant une conscience des inspirations diverses. Par contre, la seule idée qui semble « originale » ici (en dehors des incroyables esthétiques) concerne un scénario de leur propre répertoire qui date de plus de 15 ans maintenant. Peut-être font-ils un commentaire sur notre propension à reproduire les mêmes idées, critiquant le modèle de blockbuster contemporain? J’ai l’impression que je pousse trop loin mon interprétation d’un film avec un homme-éléphant et des abeilles qui détectent les gênes royaux, puisqu’elles sont plus pures que les humains et ne jugent pas.

Les choix artistiques de ce genre (hommes-dragons, oreilles/pilosité de Channing Tatum, l’ensemble d’Eddie Redmayne) sont la réelle force du film, permettant aux Wachowski de prendre toutes les décisions les plus étranges et farfelues possibles. Ils créent ainsi un des plus impressionnants spectacles sur grand écran possible, se complaisant dans un budget qui leur a permis de pousser au maximum leur liberté créative. L’originalité et l’audace mise de l’avant dans ce film mérite à elle seule le prix d’admission puisqu’il est certain que vous ne verrez jamais quelque chose dans le genre, de près ou de loin.

L’action est à couper le souffle et il est facile d’imaginer un des Wachowski avoir un moment d’illumination « Gravity Boots! » et l’excitation qui s’est ensuivie puisqu’ils sont clairement en amour avec cette invention et l’utilisent à chaque occasion, à notre plus grand plaisir. Les séquences d’actions sont à la hauteur de l’esthétique; créatives et distinctes.

« …et qu’il grandissait pour devenir un étudiant universitaire militant social… »


Malgré la simplicité des personnages et la prévisibilité du scénario, on ne peut critiquer Jupiter pour manquer d’idées. La structure d’approche à la galaxie s’attaque très fortement au mode de consommation occidental et au 1% qui décide du sort des 99% du haut de sa tour d’ivoire en fonction des impacts minimes personnels sur son acquisition d’encore plus de richesses! Jupiter rencontre trois héritiers qui représentent trois points de vues sur les conforts du premier-monde aux dépends des peuples en difficultés. Cette idée est immanquablement présente et intégrée dans l’histoire de façon visuelle et dynamique qui rappelle la grande force qu’ont les Wachowski de transmettre à l’image des idées complexes. Le scénario contient aussi toute la frustration bien intentionnée du jeune étudiant idéaliste et en colère contre le système (un signe que les réalisateurs ne perdent pas leur feu) qui touche à des sujets parfois de façon un peu maladroite puisqu’il n’a qu’une vision jeune et limitée du monde.

 «  en première année d’écriture de scénario et littérature comparée… »


La structure et les clichés utilisés rappellent immanquablement les premières étapes de l’apprentissage créatif. Il faut d’abord apprendre à maitriser les bases avant de savoir aller de l’avant, voler de ses propres ailes et pouvoir construire quelque chose de personnel et d’unique. Malheureusement, cela implique que dans un enthousiasme néophyte, l’apprenti va confondre l’esthétique qu’il appose à son histoire avec une idée originale, recréant l’équivalent d’un mélange à gâteau acheté à l’épicerie avec quelques touches de personnalisation (ajouter plus de pépites de chocolat!) et un crémage incroyablement désigné. L’histoire d’amour, les développements de relations et les personnifications font penser aux premiers exercices de classes de scénarisation qui demande de montrer la compréhension du schéma narratif le plus classique (où les rôles sont remplacés par des lettres, A doit obtenir B avec l’aide de C en affrontant D). Sauf qu’ici, le jeune enthousiaste est si excité par ses mille et une idées de royauté intergalactique, de bains de jouvence, de moisson des planètes et d’hommes-dragons qu’il n’essaie pas d’aller plus loin que de cocher chacune des cases essentielles à son schéma retenu par cœur sans l’avoir assimilé. Il est submergé par le flot de nouvelles connaissances et met le plus possible d’idées sur un squelette qui a de la difficulté à maintenir les muscles de base. Dans sa détermination, il oublie aussi de rendre plus léger une histoire lourde en exposition et de ponctuer l’atmosphère de quelques plaisanteries (pensez au nouveau modèle pour ce style d’histoire Guardians of the Galaxy), afin de faire comprendre que malgré toutes les idées sérieuses, nous sommes supposés avoir du bon temps. Il est clair de l’équipe derrière le film s’est éclatée à produire quelque chose d’aussi explosif, il aurait été plaisant que cet enthousiasme soit ressenti à la sortie du film.

«…pour le meilleur et pour le pire. »


D’un côté, il y a Eddie Redmayne qui n’a aucune demi-mesure entre le chuchotement et le hurlement, de l’autre côté il y a l’histoire d’amour la plus peinture-à-numéro imaginable. D’un côté il y a Sean Bean aux gênes d’abeilles qui s’appelle Stinger Apini, de l’autre il y a le stéréotype d’une demoiselle en détresse qui se fait sauver une bonne dizaine de fois par son bel homme capable. D’un côté il y a le réchauffé de plusieurs scénarios, de l’autre il y a les bottes anti-gravitées…

En conclusion, c’est bien mieux d’encourager les efforts très déterminés qui échouent afin de s’assurer qu’il y ait d’autres gens qui essayent afin de continuer à avoir des discussions sur ce qui marche ou ne marche pas, d’assister aux spectacles de visions personnelles plutôt que de faire « Ce Divergent ressemble à Hunger Games, j’ai une idée de ce à quoi m’attendre, cool! »

MUK

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