jeudi 19 février 2015

Timbuktu

Directeur : Abderrahmane Sissako
Réalisé en 2014. Avec : Ibrahim Ahmed (Kidane), Abel Jafri (Abdelkerim) et Toulou Kiki (Satima)


Il est toujours intéressant de visionner des films observant des problèmes internationaux de différents points de vus que ceux des occidentaux. Tout d’abord, ils amènent une diversité d’approche et une vision exclusive qui retire tout l’aspect d’observateur privilégié. Ils permettent ainsi de « normaliser » les modes de vie observés, n’offrant pas une vision extérieure qui veut souligner un point précis ou les horreurs d’un monde…peu civilisé! (dit avec un effet d’écho menaçant pour un effet maximal et encore plus sarcastique) Timbuktu offre une de ses trop rares visions qui approche des problèmes sociaux d’ailleurs sans le sentiment détachement hypocrite qui colle au sujet l’étiquette de victime ou exploite les souffrances quotidiennes pour offrir au spectateur un sentiment de sécurité.

Une communauté qui doit vivre sous un régime de police islamique est un sujet fascinant en soit. Le film offre plusieurs vignettes dans la vie de ces individus qui, même dans leurs gestes les plus innocents, doivent constamment se soumettre ou se rebeller. Chaque moment n’est pas traité comme quelque chose d’exceptionnel ou même de remarquable, mais fait partie du quotidien d’un monde qui se voit forcer des règlements absurdes comme le port des gants ou l’interdiction de musique (« Mais la musique chante les louanges de Dieu, est-ce que je les arrête? »). C’est dans cette approche que le film réussit le mieux, offrant un véritable portrait qui flirte avec le documentaire ethnographique, contenant très probablement beaucoup de non-acteurs qui ne faisaient que vivre leurs vies. La séquence magistrale, qui est pour moi le cœur du film, consiste simplement en un groupe de jeunes qui jouent au soccer sans ballon (puisque ces derniers sont interdits). Ils soulignent à la fois le ridicule de la situation tout en montrant la rébellion de gestes aussi simples et l’impact du mode de vie sur des détails aussi insignifiants que leurs hobbies.


Par contre, le film ne peut se contenter de parler d’un groupe et offre un récit central auquel plus d’importance est accordée, amoindrissant l’effet du film. Un gardien de troupeau local commet un homicide involontaire et le « système judiciaire » fini par le condamné à mort. Mais toute l’ascension du conflit qui mène au décès et la procession jusqu’à la finale font partie du récit sans qu’il ne s’y engage pleinement, offrant une histoire principale plus simpliste qui détache de la communauté. Déterminé à trouver un personnage principal, un nous est offert, mais il est très peu développé (il aime la musique, sa fille et ses vaches) et ne suffit pas à ancrer le thème principal du film (surtout considérant que sa situation n’est pas si absurde, toutes les preuves pointes vers un meurtre). En dehors du fait qu’il souligne la dissonance avec laquelle le système traite ses crimes, punissant tous les fautifs avec la plus grande sévérité, allant du meurtre à la chanson en passant par l’adultère et le rap, tous souffrent grandement.


Pour en revenir à l’attrait principal, l’environnement est constitué de plein de petits détails qui rajoutent de la texture à la ville et aux gens : les cellulaires sont omniprésents dans toutes les communications, un homme apprend à conduire dans les dunes de sables, il y a constamment des traducteurs puisque cinq langues sont utilisées dans le film, des gens discutent de soccer et des grands icônes, etc. Ce sont tous ces petites attentions qui offrent une réelle image de ce que c’est de vivre et de vouloir être humain dans cet environnement oppressant.

En conclusion, malgré le portrait d’une communauté complet et fort, une histoire principale trop faible pour soutenir le film et qui distrait plus qu’autre chose empêche le film de prendre pleine forme. Par contre, le film est une recommandation puisqu’il humanise et traite avec respect et pertinence une situation actuelle sur laquelle nous sommes trop peu au courant.

MUK

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