Directeur : Abderrahmane Sissako
Réalisé en 2014. Avec : Ibrahim Ahmed (Kidane), Abel Jafri (Abdelkerim) et Toulou Kiki (Satima)
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=dGO5_qNnz1M
Il est toujours intéressant
de visionner des films observant des problèmes internationaux de différents
points de vus que ceux des occidentaux. Tout d’abord, ils amènent une diversité
d’approche et une vision exclusive qui retire tout l’aspect d’observateur
privilégié. Ils permettent ainsi de « normaliser » les modes de vie
observés, n’offrant pas une vision extérieure qui veut souligner un point précis
ou les horreurs d’un monde…peu civilisé! (dit avec un effet d’écho menaçant
pour un effet maximal et encore plus sarcastique) Timbuktu offre une de ses trop rares visions qui approche des
problèmes sociaux d’ailleurs sans le sentiment détachement hypocrite qui colle
au sujet l’étiquette de victime ou exploite les souffrances quotidiennes pour
offrir au spectateur un sentiment de sécurité.
Une communauté qui doit
vivre sous un régime de police islamique est un sujet fascinant en soit. Le
film offre plusieurs vignettes dans la vie de ces individus qui, même dans
leurs gestes les plus innocents, doivent constamment se soumettre ou se
rebeller. Chaque moment n’est pas traité comme quelque chose d’exceptionnel ou
même de remarquable, mais fait partie du quotidien d’un monde qui se voit
forcer des règlements absurdes comme le port des gants ou l’interdiction de
musique (« Mais la musique chante les louanges de Dieu, est-ce que je les
arrête? »). C’est dans cette approche que le film réussit le mieux, offrant
un véritable portrait qui flirte avec le documentaire ethnographique, contenant
très probablement beaucoup de non-acteurs qui ne faisaient que vivre leurs
vies. La séquence magistrale, qui est pour moi le cœur du film, consiste
simplement en un groupe de jeunes qui jouent au soccer sans ballon (puisque ces
derniers sont interdits). Ils soulignent à la fois le ridicule de la situation
tout en montrant la rébellion de gestes aussi simples et l’impact du mode de
vie sur des détails aussi insignifiants que leurs hobbies.
Par contre, le film ne
peut se contenter de parler d’un groupe et offre un récit central auquel plus
d’importance est accordée, amoindrissant l’effet du film. Un gardien de
troupeau local commet un homicide involontaire et le « système
judiciaire » fini par le condamné à mort. Mais toute l’ascension du
conflit qui mène au décès et la procession jusqu’à la finale font partie du
récit sans qu’il ne s’y engage pleinement, offrant une histoire principale plus
simpliste qui détache de la communauté. Déterminé à trouver un personnage
principal, un nous est offert, mais il est très peu développé (il aime la
musique, sa fille et ses vaches) et ne suffit pas à ancrer le thème principal
du film (surtout considérant que sa situation n’est pas si absurde, toutes les
preuves pointes vers un meurtre). En dehors du fait qu’il souligne la
dissonance avec laquelle le système traite ses crimes, punissant tous les fautifs
avec la plus grande sévérité, allant du meurtre à la chanson en passant par l’adultère
et le rap, tous souffrent grandement.
Pour en revenir à
l’attrait principal, l’environnement est constitué de plein de petits détails
qui rajoutent de la texture à la ville et aux gens : les cellulaires sont
omniprésents dans toutes les communications, un homme apprend à conduire dans
les dunes de sables, il y a constamment des traducteurs puisque cinq langues
sont utilisées dans le film, des gens discutent de soccer et des grands icônes,
etc. Ce sont tous ces petites attentions qui offrent une réelle image de ce que
c’est de vivre et de vouloir être humain dans cet environnement oppressant.
En conclusion, malgré le
portrait d’une communauté complet et fort, une histoire principale trop faible
pour soutenir le film et qui distrait plus qu’autre chose empêche le film de
prendre pleine forme. Par contre, le film est une recommandation puisqu’il
humanise et traite avec respect et pertinence une situation actuelle sur
laquelle nous sommes trop peu au courant.
MUK
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