mercredi 11 janvier 2017

Silence

Directeur : Martin Scorsese
Réalisé en 2017. Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=ASU4wvY0CbE
Synopsis : un duo de jeunes prêtres s'aventurent au Japon pour tenter de retrouver leur ancien mentor qui, selon les rumeurs, aurait apostasié.


Martin Scorsese n’a pas l’habitude de faire des petits films. Chacun de ses efforts cinématographiques est, la plupart du temps, immense et exigeant. Ils ne se résument  jamais ce que la surface laisse paraitre. Les films auxquels on l’associe immédiatement sont des exemples plus évidents (The Last Temptation of Christ, Goodfellas, The Wolf of Wall Street), mais même ses films « mineurs » (Hugo, King of Comedy) contiennent des nuances et ont plusieurs choses à dire. Silence ne brise pas cette tradition en explorant la foi d’un prêtre qui s’aventure au Japon sous inquisition pour retrouver son mentor perdu (physiquement et spirituellement).

Dès l’ouverture, on perçoit rapidement la complexité de la situation, avec une narration grave et solennelle de Liam Neeson – Ferreira - qui met en contexte le Japon de l’époque. Les prêtres et croyants catholiques sont torturés et exécutés par l’État pour leurs aspirations religieuses. Dès que ses disciples apprennent que sous cette pression, Ferreira, leur mentor, a abandonné sa foi et est maintenant devenu « natif », ils ne peuvent y croire. Les deux prêtres incrédules devant cette nouvelle donnent presque l’impression d’une satire. Ils sont si rapidement prêts à remettre en question toute preuve tangible qui va à l’encontre de leurs croyances que c’en est presque ridicule. Par contre il n’y a rien de comique pour eux et c’est cette tension entre la certitude spirituelle et le chaos et l’incertitude morale de la réalité qui sera explorée pendant les 160 minutes de ce gigantesque film.

Chaque scène comporte maintes nuances qui rend ce film exigeant, soyez-en avertis. Sans revirements – l’intrigue du film est assez directe et s’en tient au synopsis de départ – le film nous prend pourtant de court et nous force constamment à remettre en question ce que l’on croit avoir saisi du propos. Est-ce une satire? Une critique de la foi dogmatique? Un manifeste sur la puissance de la foi? Le regard est-il empathique ou cynique? Probablement toutes ces choses à la fois, selon la perspective de chacun.

Il faut faire attention puisque la subtilité de son propos pourrait faire en sorte que l’on s’arrête à un propos de surface qui s’en ligne avec de nombreux films « chrétiens » aux morales simplistes. Chaque moment est trop chargé d’idées contradictoires et de pistes de réflexion pour ne s’arrêter qu’à une seule chose. Il y a tant à discuter et explorer dans ce film qu’il sera facilement un point de départ pour nombres de conversations pertinentes. Nous traversons une époque où une foi chrétienne mourante se débat de plus en plus pour rester pertinente, créant des tumeurs d’extrémismes qui ne sont utiles pour personne, incluant l’hôte.

Le film est intellectuellement exigeant, mais reste hypnotisant par ses visuels splendides et sa représentation du Japon féodal. On évite le simple film à la formule plus classique sur les luttes du sauveur blanc en pays étranger en offrant aussi la parole aux Japonais. Ainsi, le pays d’accueil n’est pas facilement compris et Rodrigues (Garfield) rencontre toute une panoplie de locaux qui étayent la complexité des différents points de vue du pays à l’époque. Comme n’importe quel endroit ou être humain, le Japon continent des multitudes et il serait absurde de croire que l’on peut le réduire à une seule perspective.

Il sort tant de films en une année qu’il est facile de tenir pour acquis les géants du paysage cinématographique, ceux qui l’habitent depuis si longtemps qu’ils se fondent dans le décor. Un film de Scorsese grandiose et complexe peut prendre l’affiche sans fanfares et passe discrètement inaperçu. Mais j’ai l’impression que l’Histoire sera clémente envers ce film qui contient tant et sur lequel il y a tant à dire.


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