Directeur
: Martin Scorsese
Synopsis : un duo de jeunes prêtres s'aventurent au
Japon pour tenter de retrouver leur ancien mentor qui, selon les rumeurs,
aurait apostasié.
Martin Scorsese n’a pas l’habitude de faire des petits
films. Chacun de ses efforts cinématographiques est, la plupart du temps,
immense et exigeant. Ils ne se résument jamais
ce que la surface laisse paraitre. Les films auxquels on l’associe immédiatement
sont des exemples plus évidents (The Last
Temptation of Christ, Goodfellas,
The Wolf of Wall Street), mais même
ses films « mineurs » (Hugo,
King of Comedy) contiennent des
nuances et ont plusieurs choses à dire. Silence
ne brise pas cette tradition en explorant la foi d’un prêtre qui s’aventure au
Japon sous inquisition pour retrouver son mentor perdu (physiquement et
spirituellement).
Dès l’ouverture, on perçoit rapidement la complexité
de la situation, avec une narration grave et solennelle de Liam Neeson –
Ferreira - qui met en contexte le Japon de l’époque. Les prêtres et croyants
catholiques sont torturés et exécutés par l’État pour leurs aspirations
religieuses. Dès que ses disciples apprennent que sous cette pression, Ferreira,
leur mentor, a abandonné sa foi et est maintenant devenu « natif »,
ils ne peuvent y croire. Les deux prêtres incrédules devant cette nouvelle
donnent presque l’impression d’une satire. Ils sont si rapidement prêts à
remettre en question toute preuve tangible qui va à l’encontre de leurs
croyances que c’en est presque ridicule. Par contre il n’y a rien de comique
pour eux et c’est cette tension entre la certitude spirituelle et le chaos et
l’incertitude morale de la réalité qui sera explorée pendant les 160 minutes de
ce gigantesque film.
Chaque scène comporte maintes nuances qui rend ce film
exigeant, soyez-en avertis. Sans revirements – l’intrigue du film est assez directe
et s’en tient au synopsis de départ – le film nous prend pourtant de court et
nous force constamment à remettre en question ce que l’on croit avoir saisi du
propos. Est-ce une satire? Une critique de la foi dogmatique? Un manifeste sur
la puissance de la foi? Le regard est-il empathique ou cynique? Probablement
toutes ces choses à la fois, selon la perspective de chacun.
Il faut faire attention puisque la subtilité de son
propos pourrait faire en sorte que l’on s’arrête à un propos de surface qui
s’en ligne avec de nombreux films « chrétiens » aux morales
simplistes. Chaque moment est trop chargé d’idées contradictoires et de pistes
de réflexion pour ne s’arrêter qu’à une seule chose. Il y a tant à discuter et
explorer dans ce film qu’il sera facilement un point de départ pour nombres de
conversations pertinentes. Nous traversons une époque où une foi chrétienne
mourante se débat de plus en plus pour rester pertinente, créant des tumeurs
d’extrémismes qui ne sont utiles pour personne, incluant l’hôte.
Le film est intellectuellement exigeant, mais reste
hypnotisant par ses visuels splendides et sa représentation du Japon féodal. On
évite le simple film à la formule plus classique sur les luttes du sauveur
blanc en pays étranger en offrant aussi la parole aux Japonais. Ainsi, le pays
d’accueil n’est pas facilement compris et Rodrigues (Garfield) rencontre toute
une panoplie de locaux qui étayent la complexité des différents points de vue
du pays à l’époque. Comme n’importe quel endroit ou être humain, le Japon continent
des multitudes et il serait absurde de croire que l’on peut le réduire à une
seule perspective.
Il sort tant de films en une année qu’il est facile de
tenir pour acquis les géants du paysage cinématographique, ceux qui l’habitent
depuis si longtemps qu’ils se fondent dans le décor. Un film de Scorsese
grandiose et complexe peut prendre l’affiche sans fanfares et passe
discrètement inaperçu. Mais j’ai l’impression que l’Histoire sera clémente
envers ce film qui contient tant et sur lequel il y a tant à dire.
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