Sieranevada

Directeur : Cristi Puiu

Réalisé en 2016. Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=nB1QAu5siJ8

Synopsis : une famille orthodoxe se réunit 40 jours après le décès d'un patriarche pour un après-midi rempli de traditions et de chicanes!

À peine sommes-nous revenus de la période des fêtes – souvent remplie de réunions familiales – que Sieranevada prend l’affiche. Le Québec a une culture qui accorde une grande importance à la famille ainsi qu’aux traditions et il y a beaucoup à quoi s’identifier dans ce film roumain sur une grande famille qui se retrouve pour commémorer le décès d’un patriarche. Il faut faire preuve d’une grande minutie et il y a nombre de traditions à respecter avant de pouvoir festoyer avec la quantité industrielle de plats locaux préparés pour l’événement. Par contre, comme tout individu qui s’est déjà retrouvé dans une réunion de famille de ce calibre le sait, il est rare que ces événements se déroulent sans drames ou tension quelconque.

Ainsi, pour donner vie à cet événement, Puiu ne compromet pas beaucoup et nous enferme dans un trop petit 5 ½ rempli à craquer de Roumains liés les uns aux autres d’une façon ou d’une autre (une partie du plaisir du film est de déduire leurs connexions pas toujours évidentes). Ils ont tous leurs vies, leurs drames personnels, leurs frustrations, leurs perspectives et leurs opinions politiques ou religieux. Ajouter à cela quelques fortes têtes, des fossés générationnels, une inconnue saoule, des traditions catégoriques combinées à un appétit collectif grandissant et une durée de trois heures pour avoir une mixture parfaite où tout explose sans arrêt!

La mise en scène donne presque l’impression d’un documentaire où les caméras cachées dans chaque pièce capturent tout ce qui s’y passe, pertinent ou non. Il y a beaucoup de discussions qui semblent sans conséquences – mais qui établissent discrètement un thème – et les acteurs sont d’un naturel qui donne l’impression que la majorité des scènes sont improvisées. Mais ce regard de caméra spécifique, aux limites du voyeurisme, fait que l’on ne peut s’empêcher d’avoir les yeux rivés à l’écran, impatients de savoir qui est la prochaine personne que va faire pleurer la communiste du troisième âge aux propos offensants ou quel incident va inévitablement réveiller le bébé dans la pièce d’à côté. Malgré la distance géographique, les sujets chauds sont eux loin d'être exclusifs à la Roumanie, avec un cousin, adepte de conspirations qui prône que le 11 septembre fut perpétré par le gouvernement ou des chicanes de couple sur l’infidélité.

Heureusement, le protagoniste, perspective de l’audience, offre une valve de soulagement pour alléger la pression dans un film qui pourrait facilement être beaucoup trop lourd. Vétéran de ces réunions de famille, il est capable de prendre la distance nécessaire pour voir l’humour dans ces situations parfois aux limites de l’absurde.

En toute honnêteté, je redoutais ce visionnement de trois heures de drames familiaux dans un seul lieu, mais l’authenticité et la simplicité de Sieranevada ont rendu l’écoute si facile. L’atmosphère qui n’est jamais trop dramatique sait trouver l’humour même dans les moments qui en semblent complètement exempts – un accomplissement de ton impressionnant en soi. Ainsi, si vous vous demandiez de quoi vos réunions de famille ont l’air de l’extérieur, ce film est pour vous!