jeudi 31 décembre 2015

Star Wars : The Force Awakens

Directeur : J.J. Abrams
Réalisé en 2015. Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=sGbxmsDFVnE
Synopsis : un nouveau Star Wars...


J’arrive un peu trop tard dans la partie pour vraiment croire que si j’approche le plus récent Star Wars sous la forme d’une critique conventionnelle, je puisse amener quoi que ce soit à la conversation. Ma pensée est parfaitement reflétée entre la critique de Devin Faraci chez Birth.Movies.Death et celle de Marc-JolyCorcoran sur le site auquel je collabore parfois, Kinephanos. Je vous encourage donc à aller les lires puisqu’ils mettent en mots mes sentiments suite à mon premier visionnement. Pour ceux qui n’ont pas le temps/l’envie, voici une version courte:
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Un scénario malheureusement copié/collé des meilleurs moments de la trilogie originale qui empêche toute la transcendance excitante d’une véritable nouvelle aventure comme nous sommes en droit de l’espérer d’une telle franchise. Le film est suffisamment propulsif pour s’assurer distrayant du début à la fin, mais les raccourcis narratifs font que l’expérience s’écroule quelque peu en repensant à la suite d’événements et aux sauts logiques nécessaire pour qu’elle fonctionne.

Par contre, ce qu’ils tentent d’accomplir est réussi avec compétence et ils créent des nouveaux personnages qui sont si excitants et attachants que l’on n’a aucun problème à suivre leurs péripéties, aussi « remake » soient-elles. Le casting est impeccable : Daisy Ridley, Adam Driver, Oscar Isaac et John Boyega sont tous des stars en devenir qui ont des carrières très prometteuses devant eux. Le mélange d’effets spéciaux numériques aux objets tangibles est rafraîchissant et donne un aspect intemporel aux scènes d’actions, ce que les films lourds en images de composites ne peuvent pas accomplir dans notre monde de technologies constamment en évolution.

Sommes toutes une expérience positive, tempérée de quelques réserves. En même temps, il était difficile de s’attendre à quelque chose de plus, puisque les enjeux sont si énormes et les sommes d’argents sont si colossales qu’il est impossible d’imaginer Disney prendre un risque comme première carte mise sur table dans le jeu à long terme qu’ils entreprennent. Ils ont joués conservateur, et ont remportés le gros lot, si on se fie aux rapports de box-office et à tous les records qu’ils brisent systématiquement.
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Donc voilà, ce que je pense de The Force Awakens (pour s’ajuster avec les autres films, Empire et Jedi, le consensus sera-t-il de l’appeler simplement Awakens? Force?) et même dans ces quelques lignes, il y a énormément de répétitions sur des textes que des gens plus articulés et intelligents que moi ont écrits.

Mais que vais-je faire? Ne pas écrire de texte sur Star Wars? L’article qui sera probablement le plus cliqué de l’année sur mon humble blog? Et puisque nous parlons justement d’un blog, une forme d’expression au format moins rigide, je vais en profiter pour articuler mes pensées plus larges sur la place de ce retour au cinéma. Si vous n’êtes qu’intéressés par des opinions sur le film, vous pouvez arrêter ici, le reste ne fera que s’en éloigner (et s’approcher du territoire des dangereux spoilers).

Bon, vous êtes encore là? Parfait, parlons de la place culturelle de cette franchise. Qu’on le veuille ou non, Force est probablement le film qui sera regardé par le plus d’individus cette année (dans le monde occidental du moins). Il est possible de discuter de sa qualité, de remettre en question ses mérites, de souligner son rôle qui semble plus intéressé à alimenter la machine capitaliste de marketing qui l’entoure que de raconter une histoire satisfaisante ou de le voir comme la confirmation que J.J. Abrams est officiellement incapable d’individualité artistique. Toutes ces choses sont des points de débats, mais une ne l’est pas : nous sommes face à l’événement culturel de 2015. L’ampleur de cette sortie va faire écho dans notre monde cinématographique pour au moins une décennie à venir (prédiction frileuse) et, qu’on le veuille ou non, risque d’établir de nouveau standards de blockbusters, comme l’a fait son grand-père (A New Hope), en compagnie de Jaws.


Je considère qu’il est crucial de discuter de la place du cinéma de masse et son importance. Ce n’est pas le meilleur cinéma, ce n’est pas nécessairement le cinéma le plus important, mais en nier la pertinence implique de vivre dans une bulle de cinéphile qui veut se divorcer du monde dans lequel il existe. Cette discussion est significative, pour ne pas dire cruciale. La question d’accessibilité est un enjeu majeur de nos jours et aussi parfait que soit le plus excellent des courts-métrages de festivals que je vais voir, l’étendue de son impact est malheureusement limitée. Des feux de camps culturels comme le sont Star Wars, les films de Marvel ou des séries comme Game of Thrones ou Breaking Bad (pour n’en nommer que quelques-uns) sont des conversations qu’il est essentiel d’avoir puisque, pour le meilleur et pour le film, ce sont ces objets qui forgent notre culture populaire à grande échelle.

Pour continuer sur cette lancée, il est important d’observer une évolution culturelle notable des dernières années : la diversité. Notre monde cinématographique n’avait que de place pour l’homme blanc hétérosexuel, que ce soit dans sa littérature, dans son cinéma, dans ses bandes-dessinées et jeux-vidéos. Il est impossible de remettre en question que la conversation autour de la culture populaire contemporaine est intéressée par la diversité et la possibilité à tout un chacun, peu importe l’origine ethnique, le sexe, l’identité sexuelle ou son orientation, de se voir sur écran ou sur les pages.

Le féminisme est devenu un point tournant de conversation cette année et les réactions (positives ou négatives) vont passer inévitablement par la question de la représentation et de la destruction progressive des stéréotypes et conventions narratives des genres. Pour ne citer qu’un exemple concret, Marvel Comics ont, cette année, retravaillés leur image commerciale pour étiqueter leur nouvelle ligne de séries comme étant, littéralement, le « All-new, All-different Marvel », se situant comme une nouvelle voie, avec une plus grande proportion de femmes et d’origines ethniques comme tête d’affiches (Thor est une femme, Captain America et Spider-Man sont noirs, Hulk est un asiatique, etc.)

Les évolutions se font à petits pas, avec un personnage à gauche à droite qui vient briser certains stéréotypes, puisque venir casser le moule est quelque chose de courageux qui nécessite une vulnérabilité. Ainsi, les gros films, qui cherchent à venir rejoindre la plus de monde possible, ne veulent pas froisser la tradition (=risque) et ainsi continuent le modèle déjà en place sans nécessairement le remettre en question. Star Wars, l’événement cinématographique de 2015, a cassé ce moule.

Fièrement et avec grandes fanfares, l’équipe créatives derrière la plus grosse machine Hollywoodienne des années à venir à déterminée que nous avancions vers un paysage culturel qui est pour tous. Les films qui tombent dans les panneaux de vieilles traditions ethnocentriques (Exodus) ou misogynes (Pixels) échouent de plus en plus au cinéma pour laisser (lentement) la place à un monde où les masses peuvent se voir au cinéma, sous toutes leurs formes, tailles ou couleurs. Le contre-exemple ici serait l’échec commercial de Fantastic Four et sa torche humaine interprétée par Michael B. Jordan, mais nous ne travaillons pas dans une science exacte ici.

2015 fut aussi l’année du blockbuster conscient de sa place dans le cinéma américain. Il est facile d’apposer une méta-narrative sur plusieurs films de l’année qui étaient thématiquement intéressés par le passage d’un flambeau. Creed et Jurassic World se positionnaient inévitablement par rapport à leurs iconiques ancêtres (l'un avec plus d'insécurités que l'autre), Kingsman était une réappropriation du mythe de James Bond pour une nouvelle classe sociale et le Max de Mad Max venait offrir son approbation à Furiosa pour une potentielle franchise. Même le nouveau Avengers se termine avec une nouvelle bande de héros sous la tutelle du Capitaine, plus diversifiée que l’équipe précédente, comme l’a fait Mission Impossible 5, jusqu’à un certain point. Star Wars conclut l’année dans cette lignée en conjurant les acteurs de certains des personnages les plus iconiques de notre culture populaire (Han Solo, Leia et Luke Skywalker) pour venir offrir leurs sceaux d’approbations à la nouvelle génération.


Il y a une certaine familiarité qui permet aux gens d’accepter des nouveautés dans un contexte aussi simple et connu que l’univers de cette galaxie très très lointaine. George Lucas s’est fameusement inspiré fortement du mythologue Joseph Campbell, un homme qui cherchait le schème dans toutes choses narratives, pour l’aventure du jeune Luke Skywalker. Awakens vient plus subtilement que l’on le croirait contourner certains schèmes, d’un autre angle que le faisait son prédécesseur le plus direct (Hope).

Dans un scénario fortement remixé, les évolutions narratives de son trio principal (Finn, Rey et Kylo) étaient entièrement à propos de leur place dans ce contexte. Cet aspect est de loin le plus intéressant et rafraichissant de l’expérience.

(Section qui s’intéresse aux détails spécifiques de leurs arcs et ainsi *SPOILERS*)

-Finn est un Stormtrooper, entrainé depuis l’enfance dans un contexte spécifique avec un seul point de vue sur le monde : celui d’un soldat. Il constate avec révulsion le monde qu’il aide à construire en se conformant au moule dans lequel il a grandi et décide de le briser. Le scénario s’assure de clarifier qu’il fut attrapé à la naissance et ainsi n’est pas entré dans cet univers par choix.

Par la suite, il tente de s’ajuster au rôle du héros modèle, le stéréotype culturel de notre protagoniste masculin qui va venir sauver la demoiselle en détresse et est confronté à une demoiselle qui n’a jamais besoin d’être sauvée. De plus, le choix d’un acteur non-blanc vient aussi briser les attentes préétablies.

Le marketing autour du film était génial, nous vendant cet homme comme la nouvelle incarnation du héros Jedi, pour ensuite le voir échouer lamentablement à chaque fois qu’il attrape un sabre laser, laissant la place à une femme.


-Rey est une jeune fille autonome et débrouillarde qui n’a jamais eu aucune opportunité dans la vie. Elle est coincée sur une planète de sables et mène une vie ennuyeuse, n’aspirant pas vraiment à quelque chose de mieux, puisqu’elle ne connait rien de mieux. La Force et les Jedis sont des mythes pour elle, des légendes qu’elle vénère, mais auquel elle n’a jamais aspirée (n’ayant aucun modèle féminin).

On lui offre de s’en sortir, mais sa vision limitée du monde la ramène mentalement vers Jakku (d’abord et brièvement). Au final, lorsqu’on lui présente cette opportunité de grandir, d’obtenir son plein potentiel, elle le saisit rapidement à deux mains. Du début à la fin elle fracture sans arrêt les clichés narratifs de la demoiselle en détresse.

Ainsi, elle offre un modèle fort et excitant pour toutes les filles qui n’avaient pas, comme elle, ce même modèle dans un quasi-désert (Jakku) culturel d’icônes féminins (peuplé entre-autre de Princess Leia). Han Solo apparait à Rey comme cette dernière (et le film) apparait aux jeunes spectatrices, venant offrir l’aventure et valider leur place dans cette aventure.


-Kylo Ren n’est que déchirement et insécurités identitaires. Il devrait être le descendant logique des héros : fils de Leia et Han Solo, entrainé par Luke, il a tout du nouveau protagoniste qui devrait venir guider cette nouvelle franchise. En tant que seul homme blanc des nouveaux personnages, ses opportunités lui furent offertes sur un plateau d’argent et pourtant il n’est que potentiel gâché.

Ce jeune adolescent en colère se tourne vers le côté obscur comme forme de rébellion contre ses parents et fait de son grand-père une idole. Ses actions sont guidées par sa volonté de s’ajuster au modèle préétablie par son ancêtre, un modèle avec lequel il a des difficultés. Il est anxieux d’être à la hauteur de ce qui le précède et c’est cette angoisse qui mine énormément de ses actions.

Que ce soit quand il éclate de colère contre ses objets inanimés ou tente en vain de sonder l’esprit de Rey, Adam Driver vend toute la tension intérieure de ce personnage, un des plus grandes réussites de cette nouvelle franchise. La tension au cœur de ce personnage est à propos d’héritage et de sa place dans la continuité des choses, un parallèle évident avec le film lui-même.


Ainsi, à travers ces nouveaux icônes, où se situe le nouveau Star Wars? (je parle ici autant du septième long-métrage de la franchise que de la place que Disney veut donner à cette dite franchise) Seuls les prochains films pourront répondre à cette question, mais Rey semble le choix logique pour l’instant, quoi qu’un peu des trois personnages s’appliquent ici. La possible rédemption de Kylo Ren (surtout après l’acte horrible qu’il commet ici) viendrait boucler, en 9e film, la réconciliation que Star Wars est pour tous.

Le monde dans lequel nous vivons en ce moment est un où les blockbusters qui mettent en vedette un personnage féminin sont automatiquement étiquetés pour un public féminin, que ce soit Hunger Games ou toute la poignée de franchises pour jeunes adultes (Divergent, Mortal Instruments, etc.) qui arrivent dans le seuil de Twilight. Disney ont pris une franchise qui occupait jusqu’à ce jour une place « pour garçon » dans notre culture (paraphrase du réalisateur de l’épisode 7 lui-même) pour subtilement lui assigner une protagoniste jedi, la première et plus importante de toute la franchise à ce jour. Rey vient donc fracturer ce paradigme de « film avec fille = pour fille ».

La leçon que je retiens de Star Wars : The Force Awakens est que Disney est conscient que, pour avoir la place culturelle qu’il convoite, en 2015, il est important de rompre les schèmes déjà établis et d’offrir à tous des icônes excellents. De ce côté ils réussissent avec succès et il est difficile de ne pas imaginer un public enthousiaste de découvrir la suite des aventures de cette nouvelle génération de héros qui vont définir notre conversation de masse. 

Donc, malgré tous les problèmes du film et les raccourcis scénaristiques (et ils sont nombreux), il est dur de nier l’importance de ce qui est accompli ici, venant chercher beaucoup de bonne volonté de ma part. Le grand fan de la forme narrative à long terme en moi est excité de passer un grand nombre d’heures potentielles en compagnies de gens excitants et intéressants qui illustrent un changement pour le mieux dans notre paysage culturel.

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