Directeur : J.J. Abrams
Réalisé en 2015. Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=sGbxmsDFVnE
Synopsis : un nouveau Star Wars...
J’arrive un peu trop tard dans la partie pour vraiment
croire que si j’approche le plus récent Star
Wars sous la forme d’une critique conventionnelle, je puisse amener quoi
que ce soit à la conversation. Ma pensée est parfaitement reflétée entre la critique de Devin Faraci chez Birth.Movies.Death et celle de Marc-JolyCorcoran sur le site auquel je collabore parfois, Kinephanos. Je vous
encourage donc à aller les lires puisqu’ils mettent en mots mes sentiments
suite à mon premier visionnement. Pour ceux qui n’ont pas le temps/l’envie,
voici une version courte:
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Un scénario malheureusement copié/collé des meilleurs
moments de la trilogie originale qui empêche toute la transcendance excitante
d’une véritable nouvelle aventure comme nous sommes en droit de l’espérer d’une
telle franchise. Le film est suffisamment propulsif pour s’assurer distrayant
du début à la fin, mais les raccourcis narratifs font que l’expérience s’écroule
quelque peu en repensant à la suite d’événements et aux sauts logiques
nécessaire pour qu’elle fonctionne.
Par contre, ce qu’ils tentent d’accomplir est réussi
avec compétence et ils créent des nouveaux personnages qui sont si excitants et
attachants que l’on n’a aucun problème à suivre leurs péripéties, aussi
« remake » soient-elles. Le casting est impeccable : Daisy
Ridley, Adam Driver, Oscar Isaac et John Boyega sont tous des stars en devenir
qui ont des carrières très prometteuses devant eux. Le mélange d’effets
spéciaux numériques aux objets tangibles est rafraîchissant et donne un aspect
intemporel aux scènes d’actions, ce que les films lourds en images de
composites ne peuvent pas accomplir dans notre monde de technologies constamment
en évolution.
Sommes toutes une expérience positive, tempérée de
quelques réserves. En même temps, il était difficile de s’attendre à quelque
chose de plus, puisque les enjeux sont si énormes et les sommes d’argents sont
si colossales qu’il est impossible d’imaginer Disney prendre un risque comme
première carte mise sur table dans le jeu à long terme qu’ils entreprennent.
Ils ont joués conservateur, et ont remportés le gros lot, si on se fie aux
rapports de box-office et à tous les records qu’ils brisent systématiquement.
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Donc voilà, ce que je pense de The Force Awakens (pour s’ajuster avec les autres films, Empire et Jedi, le consensus sera-t-il de l’appeler simplement Awakens? Force?) et même dans ces
quelques lignes, il y a énormément de répétitions sur des textes que des gens
plus articulés et intelligents que moi ont écrits.
Mais que vais-je faire? Ne pas écrire de texte sur Star Wars? L’article qui sera
probablement le plus cliqué de l’année sur mon humble blog? Et puisque nous
parlons justement d’un blog, une forme d’expression au format moins rigide, je
vais en profiter pour articuler mes pensées plus larges sur la place de ce
retour au cinéma. Si vous n’êtes qu’intéressés par des opinions sur le film,
vous pouvez arrêter ici, le reste ne fera que s’en éloigner (et s’approcher du
territoire des dangereux spoilers).
Bon, vous êtes encore là? Parfait, parlons de la place
culturelle de cette franchise. Qu’on le veuille ou non, Force est probablement le film qui sera regardé par le plus
d’individus cette année (dans le monde occidental du moins). Il est possible de
discuter de sa qualité, de remettre en question ses mérites, de souligner son
rôle qui semble plus intéressé à alimenter la machine capitaliste de marketing
qui l’entoure que de raconter une histoire satisfaisante ou de le voir comme la
confirmation que J.J. Abrams est officiellement incapable d’individualité
artistique. Toutes ces choses sont des points de débats, mais une ne l’est
pas : nous sommes face à l’événement culturel de 2015. L’ampleur de cette
sortie va faire écho dans notre monde cinématographique pour au moins une
décennie à venir (prédiction frileuse) et, qu’on le veuille ou non, risque d’établir
de nouveau standards de blockbusters, comme l’a fait son grand-père (A New Hope), en compagnie de Jaws.
Je considère qu’il est crucial de discuter de la place
du cinéma de masse et son importance. Ce n’est pas le meilleur cinéma, ce n’est
pas nécessairement le cinéma le plus important, mais en nier la pertinence
implique de vivre dans une bulle de cinéphile qui veut se divorcer du monde
dans lequel il existe. Cette discussion est significative, pour ne pas dire
cruciale. La question d’accessibilité est un enjeu majeur de nos jours et aussi
parfait que soit le plus excellent des courts-métrages de festivals que je vais
voir, l’étendue de son impact est malheureusement limitée. Des feux de camps
culturels comme le sont Star Wars,
les films de Marvel ou des séries comme Game
of Thrones ou Breaking Bad (pour
n’en nommer que quelques-uns) sont des conversations qu’il est essentiel
d’avoir puisque, pour le meilleur et pour le film, ce sont ces objets qui
forgent notre culture populaire à grande échelle.
Pour continuer sur cette lancée, il est important
d’observer une évolution culturelle notable des dernières années : la
diversité. Notre monde cinématographique n’avait que de place pour l’homme
blanc hétérosexuel, que ce soit dans sa littérature, dans son cinéma, dans ses
bandes-dessinées et jeux-vidéos. Il est impossible de remettre en question que
la conversation autour de la culture populaire contemporaine est intéressée par
la diversité et la possibilité à tout un chacun, peu importe l’origine
ethnique, le sexe, l’identité sexuelle ou son orientation, de se voir sur écran
ou sur les pages.
Le féminisme est devenu un point tournant de
conversation cette année et les réactions (positives ou négatives) vont passer
inévitablement par la question de la représentation et de la destruction progressive
des stéréotypes et conventions narratives des genres. Pour ne citer qu’un
exemple concret, Marvel Comics ont, cette année, retravaillés leur image
commerciale pour étiqueter leur nouvelle ligne de séries comme étant,
littéralement, le « All-new, All-different Marvel », se situant comme
une nouvelle voie, avec une plus grande proportion de femmes et d’origines ethniques
comme tête d’affiches (Thor est une femme, Captain America et Spider-Man sont
noirs, Hulk est un asiatique, etc.)
Les évolutions se font à petits pas, avec un
personnage à gauche à droite qui vient briser certains stéréotypes, puisque
venir casser le moule est quelque chose de courageux qui nécessite une vulnérabilité.
Ainsi, les gros films, qui cherchent à venir rejoindre la plus de monde
possible, ne veulent pas froisser la tradition (=risque) et ainsi continuent le
modèle déjà en place sans nécessairement le remettre en question. Star Wars, l’événement cinématographique
de 2015, a cassé ce moule.
Fièrement et avec grandes fanfares, l’équipe créatives
derrière la plus grosse machine Hollywoodienne des années à venir à déterminée
que nous avancions vers un paysage culturel qui est pour tous. Les films qui
tombent dans les panneaux de vieilles traditions ethnocentriques (Exodus) ou misogynes (Pixels) échouent de plus en plus au
cinéma pour laisser (lentement) la place à un monde où les masses peuvent se
voir au cinéma, sous toutes leurs formes, tailles ou couleurs. Le
contre-exemple ici serait l’échec commercial de Fantastic Four et sa torche humaine interprétée par Michael B.
Jordan, mais nous ne travaillons pas dans une science exacte ici.
2015 fut aussi l’année du blockbuster conscient de sa
place dans le cinéma américain. Il est facile d’apposer une méta-narrative sur
plusieurs films de l’année qui étaient thématiquement intéressés par le passage
d’un flambeau. Creed et Jurassic World se positionnaient
inévitablement par rapport à leurs iconiques ancêtres (l'un avec plus d'insécurités que l'autre), Kingsman était une réappropriation du mythe de James Bond pour une
nouvelle classe sociale et le Max de Mad
Max venait offrir son approbation à Furiosa pour une potentielle franchise.
Même le nouveau Avengers se termine
avec une nouvelle bande de héros sous la tutelle du Capitaine, plus diversifiée
que l’équipe précédente, comme l’a fait Mission
Impossible 5, jusqu’à un certain point. Star
Wars conclut l’année dans cette lignée en conjurant les acteurs de certains
des personnages les plus iconiques de notre culture populaire (Han Solo, Leia
et Luke Skywalker) pour venir offrir leurs sceaux d’approbations à la nouvelle
génération.
Il y a une certaine familiarité qui permet aux gens d’accepter
des nouveautés dans un contexte aussi simple et connu que l’univers de cette
galaxie très très lointaine. George Lucas s’est fameusement inspiré fortement
du mythologue Joseph Campbell, un homme qui cherchait le schème dans toutes
choses narratives, pour l’aventure du jeune Luke Skywalker. Awakens vient plus subtilement que l’on
le croirait contourner certains schèmes, d’un autre angle que le faisait son prédécesseur
le plus direct (Hope).
Dans un scénario fortement remixé, les évolutions narratives
de son trio principal (Finn, Rey et Kylo) étaient entièrement à propos de leur
place dans ce contexte. Cet aspect est de loin le plus intéressant et
rafraichissant de l’expérience.
(Section qui s’intéresse aux
détails spécifiques de leurs arcs et ainsi *SPOILERS*)
-Finn est un Stormtrooper, entrainé depuis l’enfance
dans un contexte spécifique avec un seul point de vue sur le monde : celui
d’un soldat. Il constate avec révulsion le monde qu’il aide à construire en
se conformant au moule dans lequel il a grandi et décide de le briser. Le
scénario s’assure de clarifier qu’il fut attrapé à la naissance et ainsi n’est
pas entré dans cet univers par choix.
Par la suite, il tente de s’ajuster au rôle du héros
modèle, le stéréotype culturel de notre protagoniste masculin qui va venir
sauver la demoiselle en détresse et est confronté à une demoiselle qui n’a
jamais besoin d’être sauvée. De plus, le choix d’un acteur non-blanc vient aussi
briser les attentes préétablies.
Le marketing autour du film était génial, nous vendant
cet homme comme la nouvelle incarnation du héros Jedi, pour ensuite le voir
échouer lamentablement à chaque fois qu’il attrape un sabre laser, laissant la
place à une femme.
-Rey est une jeune fille autonome et débrouillarde qui
n’a jamais eu aucune opportunité dans la vie. Elle est coincée sur une planète
de sables et mène une vie ennuyeuse, n’aspirant pas vraiment à quelque chose de
mieux, puisqu’elle ne connait rien de mieux. La Force et les Jedis sont des
mythes pour elle, des légendes qu’elle vénère, mais auquel elle n’a jamais
aspirée (n’ayant aucun modèle féminin).
On lui offre de s’en sortir, mais sa vision limitée du
monde la ramène mentalement vers Jakku (d’abord et brièvement). Au final, lorsqu’on
lui présente cette opportunité de grandir, d’obtenir son plein potentiel, elle
le saisit rapidement à deux mains. Du début à la fin elle fracture sans arrêt
les clichés narratifs de la demoiselle en détresse.
Ainsi, elle offre un modèle fort et excitant pour
toutes les filles qui n’avaient pas, comme elle, ce même modèle dans un quasi-désert
(Jakku) culturel d’icônes féminins (peuplé entre-autre de Princess Leia). Han
Solo apparait à Rey comme cette dernière (et le film) apparait aux jeunes
spectatrices, venant offrir l’aventure et valider leur place dans cette
aventure.
-Kylo Ren n’est que déchirement et insécurités
identitaires. Il devrait être le descendant logique des héros : fils de
Leia et Han Solo, entrainé par Luke, il a tout du nouveau protagoniste qui
devrait venir guider cette nouvelle franchise. En tant que seul homme blanc des
nouveaux personnages, ses opportunités lui furent offertes sur un plateau
d’argent et pourtant il n’est que potentiel gâché.
Ce jeune adolescent en colère se tourne vers le côté
obscur comme forme de rébellion contre ses parents et fait de son grand-père une
idole. Ses actions sont guidées par sa volonté de s’ajuster au modèle
préétablie par son ancêtre, un modèle avec lequel il a des difficultés. Il
est anxieux d’être à la hauteur de ce qui le précède et c’est cette angoisse
qui mine énormément de ses actions.
Que ce soit quand il éclate de colère contre ses
objets inanimés ou tente en vain de sonder l’esprit de Rey, Adam Driver vend
toute la tension intérieure de ce personnage, un des plus grandes réussites de
cette nouvelle franchise. La tension au cœur de ce personnage est à propos d’héritage
et de sa place dans la continuité des choses, un parallèle évident avec le film
lui-même.
Ainsi, à travers ces nouveaux icônes, où se situe le
nouveau Star Wars? (je parle ici
autant du septième long-métrage de la franchise que de la place que Disney veut
donner à cette dite franchise) Seuls les prochains films pourront répondre à
cette question, mais Rey semble le choix logique pour l’instant, quoi qu’un peu
des trois personnages s’appliquent ici. La possible rédemption de Kylo Ren
(surtout après l’acte horrible qu’il commet ici) viendrait boucler, en 9e
film, la réconciliation que Star Wars est pour tous.
Le monde dans lequel nous vivons en ce moment est un
où les blockbusters qui mettent en vedette un personnage féminin sont
automatiquement étiquetés pour un public féminin, que ce soit Hunger Games ou toute la poignée de
franchises pour jeunes adultes (Divergent,
Mortal Instruments, etc.) qui
arrivent dans le seuil de Twilight.
Disney ont pris une franchise qui occupait jusqu’à ce jour une place « pour
garçon » dans notre culture (paraphrase du réalisateur de l’épisode 7
lui-même) pour subtilement lui assigner une protagoniste jedi, la première et
plus importante de toute la franchise à ce jour. Rey vient donc fracturer ce
paradigme de « film avec fille = pour fille ».
La leçon que je retiens de Star Wars : The Force Awakens est que Disney est
conscient que, pour avoir la place culturelle qu’il convoite, en 2015, il est
important de rompre les schèmes déjà établis et d’offrir à tous des icônes
excellents. De ce côté ils réussissent avec succès et il est difficile de ne
pas imaginer un public enthousiaste de découvrir la suite des aventures de
cette nouvelle génération de héros qui vont définir notre conversation de
masse.
Donc, malgré tous les problèmes du film et les raccourcis scénaristiques
(et ils sont nombreux), il est dur de nier l’importance de ce qui est accompli
ici, venant chercher beaucoup de bonne volonté de ma part. Le grand fan de la
forme narrative à long terme en moi est excité de passer un grand nombre d’heures
potentielles en compagnies de gens excitants et intéressants qui illustrent un
changement pour le mieux dans notre paysage culturel.
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