dimanche 20 décembre 2015

Carol

Directeur : Todd Haynes
Réalisé en 2015. Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=EH3zcuRQXNo
Synopsis : Dans les années 50, une employée de magasin de jouet (Rooney Mara) entre en relation avec une femme riche et distinguée (Cate Blanchett) en processus de divorce.


Le danger des films d’époques qui adressent la question des tensions sociales (homosexualité, droit des femmes, des personnes de couleurs, etc.) est de tomber dans la facilité bonbon qui souligne à quel point nous sommes aujourd’hui si tolérant et ouvert d’esprit. On montre à un public une certaine horreur (la déshumanisation systématique), pour qu’ensuite on retire toute proximité au problème en rassurant l’audience contemporaine qu’ils n’ont pas à s’en faire et que ce sont choses du passé (ce qui est plus souvent qu’autrement un mensonge). On flatte dans le sens du poil en ignorant la réalité.

Carol règle ce problème en usant de subtilité et de tact. Le stigma est présent, mais se fait à peine plus sentir que dans La vie d’Adèle, qui lui se déroule dans notre monde moderne. En gardant en tête avant tout son couple central, il peut faire ressortir autant les bons côtés que les mauvais de cet amour « interdit ». Leur vie n’est pas que misère et désespoir, mais la société impose certains sacrifices pour être heureux, n’ayant jamais droit au bonheur, droit inné de n’importe quel citoyen hétérosexuel.

Même si nous sommes dans un contexte d’amour qui ne s’ajuste pas aux contextes hétéro-normatifs, le cœur de l’histoire de repose d’abord et avant tout au sein de cette relation entre deux individus. Carol est un film d’amour, une valse gracieuse à deux qui se danse surtout en regards et en non-dits. C’est à travers une cinématographie hypnotisante que Haynes nous intègre dans cette relation, annexant nos regards à ceux de ses protagonistes pour faire ressentir chaque moment, ses allures et ses textures.

Malheureusement, l’esthétique impeccable du film n’est pas aussi invitante que l’on espérerait. Cette grâce donne un côté distancé au film, quelque chose de soigné, qui donne l’impression d’arriver dans une maison de gens très fortunés et bien ordonnés qui rend malaisé de s’asseoir sur un divan de peur de froisser un coussin, un endroit où éternuer semble déplacé. Heureusement, lorsque la relation explose à travers une détente bienvenue et que le contrôle de la titulaire Carol sur l’intrigue lui échappe, on peut peu à peu se permettre de s’étendre et mettre nos pieds sur le pouf.

La grâce de la photo n’a d’égale que celle de Cate Blanchett, qui commande ce film avec une maitrise qui pourrait envouter la plus fidèle des hétéros. Il n’est jamais surprenant que la Therese de Rooney Mara se laisse charmée par cette grande dame riche qui représente la promesse de tout ce qui manque à son existence. Aussi grandiose que Blanchett soit, c’est la performance de Mara qui m’a le plus séduit, avec ses sourires timides et son jeu dédramatisé qui transmet une évolution impressionnante et des nuances délicates.

Malgré un léger chevauchement thématique avec Far from Heaven, son précédent film sur les problèmes interpersonnels liés à des stigmas sociaux, Todd Haynes livre un produit somptueux. Le visuel immaculé garde à distance, mais la caméra observe d’une façon à ce que notre œil soit constamment occupé et titillé. De plus, le duo d’actrices amène toute l’humanité nécessaire au film et leurs jeux de regards nous laissent sur un plan final qui résonne dans l’esprit longtemps après être sorti de la salle.

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