Réalisatrice : Greta Gerwig
Synopsis : Christine "Lady Bird"
McPherson doit survivre une dernière année de secondaire dans sa ville natale
avant de pouvoir quitter pour les études supérieures, idéalement sur la côte
est.
Un des gestes cinématographiques les plus
féministes que l’un puisse faire est de peindre avec empathie le portrait d’une
femme imparfaite. Le déséquilibre sexiste au cinéma vient, entre autres, de
cette habitude de présenter les femmes comme n’existant que dans les
périphéries des histoires des hommes, comme des mères, femmes ou objets de
désirs. Elles sont des fonctions plus que des individus. Résultant de cette
habitude vient donc le problème qu’elles sont rarement nuancées. Elles seront
révérées et adorées pour leur perfection ou démonisées pour leurs failles, ce qui
ne laisse aucune place pour la femme réelle, celle qui est une personne avec
des défauts ET des qualités. Présenté de cette façon, il semble ridicule que ce
portrait nuancé soit une étape à franchir et non la norme, mais c’est à ce
point que nous en sommes. Lady Bird, protagoniste titulaire du film éponyme,
est une telle icône, définie autant par ses qualités et ses défauts, au sein
d’un excellent film remarquable pour son charme et son authenticité.
Que Lady Bird, réalisé et
scénarisé par Greta Gerwig, propose un regard aussi nuancé n’est pas si
surprenant considérant la présence au cinéma de Gerwig comme actrice (Frances
Ha, Mistress America, 20th Century Women), qui se spécialise
dans ce genre de rôle. Avec ce scénario autobiographique, elle confirme qu'une
expérience de vie, même la plus spécifique, peut devenir universelle, lorsque
présentée avec réalisme et intelligence. À travers cette dernière année que
passe Christine/Lady Bird dans sa ville natale de Sacramento, il est facile d’y
voir le reflet de notre propre adolescence, période confuse, de changements et
de développements physiques, qui ne se traduisent pas nécessairement au niveau
de l’intellect. C’est cette période où tout est gris, où on développe une
autonomie nettement supérieure à l’enfance, sans avoir la liberté et le bagage
d’un adulte. Lady Bird, ambitieuse, curieuse et affamée, se lance dans la vie
avec espoir et entrain, sans pour autant avoir la rigueur, la patience ou
l’énergie de faire suivi sur ces ambitions.
Toute la complexité et le chaos de cette
période sont représentés avec authenticité grâce un montage et un scénario qui
arrive à peine à suivre l’attention éclectique de sa protagoniste. Les éléments
vont et viennent dans son entourage sans toujours avoir de conclusions satisfaisantes
et passent de « chose la plus importante » à « oublié » au
gré des humeurs d’une adolescente qui se cherche. Ce passage à l’âge adulte est
aussi défini par des frictions avec les parents, envers qui il est facile
d’être ingrat, inconscient du réel travail quotidien qu’ils mettent dans un
environnement que l’on tient pour acquis. Cette dynamique est un des éléments
les plus poignants du film, avec les performances pleines d’humanité de Laurie
Metcalf et Tracy Letts qui, en marge de l’histoire de Lady Bird, font de leur
mieux pour offrir à leurs enfants un milieu sain et stable, que leur fille ne
peut s’empêcher de dénigrer. Sans être les centres d’attentions, ils sont part
intégrante du récit de Lady Bird, avec leurs frustrations et leurs affections
envers la protagoniste qui servent à en souligner ses traits de caractère les
plus définitifs. Que l’on puisse autant se reconnaitre dans les parents que les
adolescents est une des marques de la grande maturité de ce film.
L’auto-baptisée Lady Bird est interprétée
par la toujours talentueuse Saoirse Ronan, qui offre ici une des grandes
performances de sa jeune carrière (ne jamais oublier Hanna!) Elle
informe son jeu de cette panoplie de paradoxe qui définit l’adolescent; elle
est à la fois menée par ses sentiments et brutalement inconsciente de ce
qu’elle désire vraiment, intrépide et fonceuse, mais manque de confiance en
elle, nous assure avoir compris un monde qui pourtant la confond et la submerge
constamment et ne peut attendre de s’échapper d'un environnement dont elle
dépend clairement. L’adolescent est un être à la fois complexe et simple malgré
lui et Ronan incarne le tout avec autant de justesse que d’aisance qu'il faut
le voir pour le croire.
Le passage à l’âge adulte est le sujet
d’un si grand nombre de récits qu’on croirait en avoir fait le tour, et
pourtant! Tous vivent chacun leur période de transition individuelle en
cherchant l’intimité. C’est lorsque quelqu’un a le courage de mettre sur grand
écran cette période peu glorieuse d’une vie avec sincérité qu’on obtient une
capsule temporelle à laquelle tant peuvent s’identifier sans pour autant avoir
vécu les détails spécifiques. Greta Gerwig fait tout cela, et même plus, avec
son premier effort de réalisation - un accomplissement qui, dans un monde juste
et sensé, devrait lui ouvrir beaucoup de portes.
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