Réalisateur : Yorgos Lanthimos
Synopsis : La vie d'un chirurgien reconnu
s'écroule progressivement lorsqu'il prend sous son aile un jeune garçon avec
une définition malsaine de la justice.
Le cinéma de Yorgos Lanthimos nous désarçonne de tant
de façon qu’il nous met presque au défi d’y prendre plaisir. Avec sa direction
d’acteurs machinale, la brutalité de ses idées et sa caméra qui observe avec
froideur et distance, il y a généralement quelque chose de malsain dans toute
l’entreprise. Réalisateur très minutieux, on sent à travers The Killing of a Sacred Deer qu’il est
ici encore plus en possession de ses moyens. Avec une photo plus libre et
créative et son scénario le plus exigeant, il nous présente son film le plus ambitieux.
C’est avec une fascination morbide que l’on vit la déchéance progressive de
cette famille au cours d’un des films les plus angoissants de l’année.
Aussi audacieux que soit le sens de l’humour du scénario,
la prémisse l’éclipse largement. Il serait grossier (et complexe) de révéler ce
à propos de quoi le film est réellement – d'autant plus que la révélation
n’arrive qu’après une bonne demi-heure, et le moment est si absurde et choquant
qu’il est même difficile de croire ce que l’on vient d’entendre. Comme dans The Lobster et Dogtooth, Lanthimos nous présente un fait ou une réalité
complètement saugrenue et ne se formalise pas de s’assurer que le public le
suive dans ce délire. Personne à l’intérieur de ses univers n’est là pour
questionner ce qui se passe, alors pourquoi devrait-on? Par contre, il prend
ici la peine d’établir le réalisme de son univers avant de révéler ses
véritables intentions, ce qui rend le virage abrupt encore plus choquant.
Jouant une version légèrement modifiée de son
personnage dans The Lobster, Colin
Farrell est impeccable au centre de ce thriller psychologique, en patriarche autour
de qui tout s’effondre. Il arrive à être autoritaire et imposant tout en
gardant toujours cet arrière-fond de lâcheté et d’égocentrisme caractéristique à
cette position de pouvoir plus ou moins méritée. Nicole Kidman conclut une
année déjà impressionnante avec un rôle remarquable dans sa restreinte. Elle
arrive à insuffler de l’émotion et briser l’inhumanité vers laquelle Lanthimos
dirige ses acteurs. Barry Keogan, qui donne plus l’impression d’être une
fabrication de pâte à modeler qu’un être humain, incarne le vilain du grand
écran le plus marquant de l’année – une scène en particulier où il mange des
spaghettis est un classique instantané du cinéma d’horreur.
Ainsi, pour ceux qui trouvaient The Lobster difficile à digérer, The Killing of a Sacred Deer vient surenchérir le malaise avec un
thriller psychologique qui nous hante plusieurs jours après le visionnement. Plus
en contrôle, plus audacieux et avec plus de moyens que jamais, il est fascinant
de voir la suite des choses pour un réalisateur avec une touche aussi unique et
désaxante.
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