dimanche 19 novembre 2017

The Killing of a Sacred Deer

Réalisateur : Yorgos Lanthimos
Synopsis : La vie d'un chirurgien reconnu s'écroule progressivement lorsqu'il prend sous son aile un jeune garçon avec une définition malsaine de la justice.


Le cinéma de Yorgos Lanthimos nous désarçonne de tant de façon qu’il nous met presque au défi d’y prendre plaisir. Avec sa direction d’acteurs machinale, la brutalité de ses idées et sa caméra qui observe avec froideur et distance, il y a généralement quelque chose de malsain dans toute l’entreprise. Réalisateur très minutieux, on sent à travers The Killing of a Sacred Deer qu’il est ici encore plus en possession de ses moyens. Avec une photo plus libre et créative et son scénario le plus exigeant, il nous présente son film le plus ambitieux. C’est avec une fascination morbide que l’on vit la déchéance progressive de cette famille au cours d’un des films les plus angoissants de l’année.

Par contre, fidèle à la filmographie du réalisateur, tout n’est pas qu’horreur et anxiété. L’humour étant un réflexe qui découle de la surprise et de cette incapacité à savoir comment réagir, on se surprend à rigoler (jaune) devant le malaise avec lequel Lanthimos orchestre ses scènes. La combinaison d’énormités ou d’absurdités qui sont déclarées à la livraison de marbre des acteurs crée une telle déconnexion que l’on ne peut s’empêcher de rire pour digérer du mieux que l’on peut le malaise.

Aussi audacieux que soit le sens de l’humour du scénario, la prémisse l’éclipse largement. Il serait grossier (et complexe) de révéler ce à propos de quoi le film est réellement – d'autant plus que la révélation n’arrive qu’après une bonne demi-heure, et le moment est si absurde et choquant qu’il est même difficile de croire ce que l’on vient d’entendre. Comme dans The Lobster et Dogtooth, Lanthimos nous présente un fait ou une réalité complètement saugrenue et ne se formalise pas de s’assurer que le public le suive dans ce délire. Personne à l’intérieur de ses univers n’est là pour questionner ce qui se passe, alors pourquoi devrait-on? Par contre, il prend ici la peine d’établir le réalisme de son univers avant de révéler ses véritables intentions, ce qui rend le virage abrupt encore plus choquant.

Jouant une version légèrement modifiée de son personnage dans The Lobster, Colin Farrell est impeccable au centre de ce thriller psychologique, en patriarche autour de qui tout s’effondre. Il arrive à être autoritaire et imposant tout en gardant toujours cet arrière-fond de lâcheté et d’égocentrisme caractéristique à cette position de pouvoir plus ou moins méritée. Nicole Kidman conclut une année déjà impressionnante avec un rôle remarquable dans sa restreinte. Elle arrive à insuffler de l’émotion et briser l’inhumanité vers laquelle Lanthimos dirige ses acteurs. Barry Keogan, qui donne plus l’impression d’être une fabrication de pâte à modeler qu’un être humain, incarne le vilain du grand écran le plus marquant de l’année – une scène en particulier où il mange des spaghettis est un classique instantané du cinéma d’horreur.

Ainsi, pour ceux qui trouvaient The Lobster difficile à digérer, The Killing of a Sacred Deer vient surenchérir le malaise avec un thriller psychologique qui nous hante plusieurs jours après le visionnement. Plus en contrôle, plus audacieux et avec plus de moyens que jamais, il est fascinant de voir la suite des choses pour un réalisateur avec une touche aussi unique et désaxante.

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