Directeurs : Phil Lord & Chris Miller
Réalisé en 2014. Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=fZ_JOBCLF-I
Synopsis : l'ordinaire, mais vaillant, Emmett (Chris Pratt) doit trouver en lui le courage de sauver le monde des plans du diabolique Lord Business.
Il
est difficile de savoir par où commencer avec The Lego Movie, puisqu’il réussit son pari à tellement de niveaux
que chaque aspect du film est digne d’éloges. L’humour? Le visuel? Le thème?
Son jeu avec les modèles narratifs? La transcendance de son statut de publicité
de 100 minutes? Son appropriation de ce dit statut pour élever son message? Sa
subversion de nos attentes formes/fonds? Où devrais-je simplement commencer en
soulignant l’évidence : The Lego
Movie est une brillante œuvre aux maintes qualités qui démontre autant
d’intelligence que de plaisir, utilisant chaque partie de son être pour
renforcer son message rassembleur d’honnêteté individuelle, d’originalité et de
découverte de soi.
L’aventure
débute avec la plus simplette des pages blanches, un personnage innocent au bon
cœur qui n’est défini que par son absence de caractéristiques distinctes. Il
est souriant, poli, suit les instructions et ne peut vraiment être différencié
de tous ses concitoyens avec son visage quelconque. Il est l’ultime archétype
du protagoniste fade sur lequel l’audience peut s’apposer. Il est Harry Potter,
Luke Skywalker, Frodo/Bilbo, Neo, Peter Parker, Jake Sully (vous souvenez-vous
de lui?*), Elliot dans E.T., Bastien
de Neverending Story, etc. des
personnages qui étaient d’abord principalement défini par ce qui se déroulait
autour d’eux que par leurs propres initiatives, des personnes qui vivaient des
vies « ordinaires » jusqu’à ce que des circonstances extraordinaires
fassent d’eux les protagonistes d’une gigantesque épopée aux enjeux énormes.
Les plus érudits d’entre vous mentionnerons le travail du mythologiste Joseph
Campbell et il est clair que Lego Movie
s’inspire très directement de son héro aux milliers de visages, l’appliquant
littéralement ici lorsque personne n’arrive à distinguer le protagoniste de qui
que ce soit autour de lui. Par contre, en associant ce modèle établi depuis
très longtemps aux pièces de legos qui dépendent elle aussi généralement de
plans et en jouant avec ce modèle tout en créant un univers entièrement
constitué de pièces imbriquées les unes dans les autres, le film retourne le
modèle sur lui-même et offre une œuvre complètement nouvelle.
Lord
& Miller déconstruisent littéralement les conventions narratives en faisant
de chaque aspect du film un morceau qu’ils peuvent prendre, déplacer, échanger,
personnaliser à leur guise afin de construire une histoire qui prend des
éléments de la culture populaire qui nous entoure pour construire sa propre
version du histoire classique. Ainsi, l’idée du film est originale (Lego n’a
aucune mythologie ou narrative quelconque associé à la marque), mais est
peuplée de citations directes (Batman, Superman, Han Solo, Dumbledore
(Dubbledore?) et beaucoup d’autres font partis de l’aventure à différents
degrés d’importance) et indirectes (l’illumination finale d’Emmett évoque
inévitablement le climax de Matrix,
pour ne mentionner qu’un moment) qui s’ajustent avec le thème du film. Emmett
doit apprendre à laisser tomber la rigidité de ton quotidien et utiliser son
imagination, mais la pure imagination sans cohésion mène au chaos. Les deux
partis doivent ainsi se rejoindre pour vaincre l’ennemi, President/Lord
Business, l’Ordre incarné**, en concoctant un plan qui joue avec les attentes préconçues
pour s’infiltrer et détruire l’ennemi de l’intérieur.
L’entière
thématique du film tourne autour de l’idée fond/forme et des apparences
présentées pour dissimulé ou contenir quelque chose d’autre, fonctionnant comme
une métaphore d’ensemble pour un film qui apparait comme étant un objet
purement commercial, mais qui dissimule une volonté d’aller chercher le cœur de
cet antagoniste bureaucratique pour rappeler le simple plaisir du jeu, un
aspect de la vie trop souvent oublié. Ainsi, que ce soit au niveau de la
structure du scénario, de la commercialisation, des personnages ou de la
morale, le film ne fait que présenter des façades qui trompent. De cette façon,
il dissimule la noble intention d’aller rejoindre l’esprit joueur enfoui sous toutes
les couches de cynisme moderne. Une protection développée après avoir assisté autant
à 1000 variantes non-inspirées du « Heroes Journey » qu’aux
techniques commerciales qui font que l’on voit maintenant les ficelles du
marionnettiste, retirant tous mysticisme aux prestidigitations du conteur (wow,
quelle métaphore alambiqué).
Il
serait possible de s’étirer très longuement sur les prouesses narratives et
thématiques du film, mais ce serait oublier tout le pur plaisir qui ressort de
l’expérience. Chaque plan du film en rempli de gags, autant au niveau des
dialogues, des actions des personnages, des décors, des figurants et du langage
visuel. Ainsi, le film offre un manège qui ne s’arrête jamais, dans lequel les
scènes de poursuites ou de combats sont toutes aussi excitantes que l’exposition
de détails sur des personnages. Chaque nouveau développement ou emplacement
ouvre encore plus le film (et l’imagination), offrant sans arrêt des scènes qui
rivalisent pour « meilleure séquence du film », constituées de gags
visuels qui rendent difficile la tâche de faire une liste des 10 meilleurs
moments/blagues.
En
conclusion, The Lego Movie est un
chef d’œuvre contemporain de maitrise de chaque aspect de sa production, du
calibre des films d’Edgar Wright ou Wes Anderson (oui oui, je l’ai dit),
offrant à ce qui a la forme d’une publicité surproduite le fond d’une œuvre
d’art touchante, intelligente et plaisante comme il se retrouve rarement dans
le monde du cinéma populaire. Everything is indeed awesome.
*Pas
moi, j’ai dû aller IMDB (le verbe) le nom du protagoniste du film ayant
rapporté le plus d’argent de tous les films.
**Qui
représente aussi l’aspect bureaucrate et économique de la production de ce film
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