lundi 7 mars 2016

The Lego Movie

Directeurs : Phil Lord & Chris Miller
Réalisé en 2014. Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=fZ_JOBCLF-I
Synopsis : l'ordinaire, mais vaillant, Emmett (Chris Pratt) doit trouver en lui le courage de sauver le monde des plans du diabolique Lord Business.


Il est difficile de savoir par où commencer avec The Lego Movie, puisqu’il réussit son pari à tellement de niveaux que chaque aspect du film est digne d’éloges. L’humour? Le visuel? Le thème? Son jeu avec les modèles narratifs? La transcendance de son statut de publicité de 100 minutes? Son appropriation de ce dit statut pour élever son message? Sa subversion de nos attentes formes/fonds? Où devrais-je simplement commencer en soulignant l’évidence : The Lego Movie est une brillante œuvre aux maintes qualités qui démontre autant d’intelligence que de plaisir, utilisant chaque partie de son être pour renforcer son message rassembleur d’honnêteté individuelle, d’originalité et de découverte de soi.

L’aventure débute avec la plus simplette des pages blanches, un personnage innocent au bon cœur qui n’est défini que par son absence de caractéristiques distinctes. Il est souriant, poli, suit les instructions et ne peut vraiment être différencié de tous ses concitoyens avec son visage quelconque. Il est l’ultime archétype du protagoniste fade sur lequel l’audience peut s’apposer. Il est Harry Potter, Luke Skywalker, Frodo/Bilbo, Neo, Peter Parker, Jake Sully (vous souvenez-vous de lui?*), Elliot dans E.T., Bastien de Neverending Story, etc. des personnages qui étaient d’abord principalement défini par ce qui se déroulait autour d’eux que par leurs propres initiatives, des personnes qui vivaient des vies « ordinaires » jusqu’à ce que des circonstances extraordinaires fassent d’eux les protagonistes d’une gigantesque épopée aux enjeux énormes. Les plus érudits d’entre vous mentionnerons le travail du mythologiste Joseph Campbell et il est clair que Lego Movie s’inspire très directement de son héro aux milliers de visages, l’appliquant littéralement ici lorsque personne n’arrive à distinguer le protagoniste de qui que ce soit autour de lui. Par contre, en associant ce modèle établi depuis très longtemps aux pièces de legos qui dépendent elle aussi généralement de plans et en jouant avec ce modèle tout en créant un univers entièrement constitué de pièces imbriquées les unes dans les autres, le film retourne le modèle sur lui-même et offre une œuvre complètement nouvelle.

Lord & Miller déconstruisent littéralement les conventions narratives en faisant de chaque aspect du film un morceau qu’ils peuvent prendre, déplacer, échanger, personnaliser à leur guise afin de construire une histoire qui prend des éléments de la culture populaire qui nous entoure pour construire sa propre version du histoire classique. Ainsi, l’idée du film est originale (Lego n’a aucune mythologie ou narrative quelconque associé à la marque), mais est peuplée de citations directes (Batman, Superman, Han Solo, Dumbledore (Dubbledore?) et beaucoup d’autres font partis de l’aventure à différents degrés d’importance) et indirectes (l’illumination finale d’Emmett évoque inévitablement le climax de Matrix, pour ne mentionner qu’un moment) qui s’ajustent avec le thème du film. Emmett doit apprendre à laisser tomber la rigidité de ton quotidien et utiliser son imagination, mais la pure imagination sans cohésion mène au chaos. Les deux partis doivent ainsi se rejoindre pour vaincre l’ennemi, President/Lord Business, l’Ordre incarné**, en concoctant un plan qui joue avec les attentes préconçues pour s’infiltrer et détruire l’ennemi de l’intérieur.

L’entière thématique du film tourne autour de l’idée fond/forme et des apparences présentées pour dissimulé ou contenir quelque chose d’autre, fonctionnant comme une métaphore d’ensemble pour un film qui apparait comme étant un objet purement commercial, mais qui dissimule une volonté d’aller chercher le cœur de cet antagoniste bureaucratique pour rappeler le simple plaisir du jeu, un aspect de la vie trop souvent oublié. Ainsi, que ce soit au niveau de la structure du scénario, de la commercialisation, des personnages ou de la morale, le film ne fait que présenter des façades qui trompent. De cette façon, il dissimule la noble intention d’aller rejoindre l’esprit joueur enfoui sous toutes les couches de cynisme moderne. Une protection développée après avoir assisté autant à 1000 variantes non-inspirées du « Heroes Journey » qu’aux techniques commerciales qui font que l’on voit maintenant les ficelles du marionnettiste, retirant tous mysticisme aux prestidigitations du conteur (wow, quelle métaphore alambiqué).  

Il serait possible de s’étirer très longuement sur les prouesses narratives et thématiques du film, mais ce serait oublier tout le pur plaisir qui ressort de l’expérience. Chaque plan du film en rempli de gags, autant au niveau des dialogues, des actions des personnages, des décors, des figurants et du langage visuel. Ainsi, le film offre un manège qui ne s’arrête jamais, dans lequel les scènes de poursuites ou de combats sont toutes aussi excitantes que l’exposition de détails sur des personnages. Chaque nouveau développement ou emplacement ouvre encore plus le film (et l’imagination), offrant sans arrêt des scènes qui rivalisent pour « meilleure séquence du film », constituées de gags visuels qui rendent difficile la tâche de faire une liste des 10 meilleurs moments/blagues.

En conclusion, The Lego Movie est un chef d’œuvre contemporain de maitrise de chaque aspect de sa production, du calibre des films d’Edgar Wright ou Wes Anderson (oui oui, je l’ai dit), offrant à ce qui a la forme d’une publicité surproduite le fond d’une œuvre d’art touchante, intelligente et plaisante comme il se retrouve rarement dans le monde du cinéma populaire. Everything is indeed awesome.

*Pas moi, j’ai dû aller IMDB (le verbe) le nom du protagoniste du film ayant rapporté le plus d’argent de tous les films.

**Qui représente aussi l’aspect bureaucrate et économique de la production de ce film 

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