dimanche 1 novembre 2015

Victoria

Directeur : Sebastian Schipper
Réalisé en 2015. Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=Kp8wcV3GjW0
Synopsis : La fin de soirée de Victoria (Laia Costa) déboule de plus en plus lorsqu'elle rencontre un groupe de garçons qui l’entraînent dans des embrouilles.



L’aspect le plus étonnant du plan-séquence (ou plutôt « film-séquence » selon Jean-Marie Lanlo) de Victoria est sa modestie. Tourné un long-métrage de 2h18 en une seule prise est un accomplissement en soi, impliquer des déplacements en vélo et voiture, une quinzaine de lieux et des échanges de coups de feu ne fait que gonfler le défi. Par contre, avec une caméra si proche de des comédiens et une approche si naturelle, on oublie rapidement l’aspect technique pour être enveloppé dans l’histoire.

Cet unique plan se concentre sur Victoria (Laia Costa) et la soirée la plus mouvementée de son existence. Cette jeune pianiste espagnole a passé plus de la moitié de sa vie à pratiquer un instrument qui se révèle aujourd’hui avoir été une perte de temps. En venant compléter sa formation à Berlin, elle espère passer à un nouveau chapitre de sa vie et commencer à réellement vivre. Ainsi, elle suit dans leurs divers mauvais coups une bande de garçons à travers la ville et les choses ne peuvent que débouler.

Dans ce groupe se retrouve Sonne (Frederick Lau), le premier qui l’a abordée et celui avec qui un petit quelque chose se développe visiblement. La première partie du film est standard et semble miser sur un concept technique impressionnant pour raconter une simple histoire de jeunes pleins d’alcool qui se promènent dans les rues de Berlin. C’est lors d’une scène intime où Victoria montre ses talents au piano que le film devient quelque chose d’autres entièrement. Les personnages et leur relation se solidifient et le spectateur est accroché, attaché à ces jeunes, peu importe ce qui va suivre.

Cette unique prise se fait oublier, mais elle garde très bien le fil d’une soirée un peu intoxiquée qui n’arrête jamais et donne une certaine urgence à tout ce qui se passe, que ce soit une simple conversation ou une évasion des forces de l’ordre. Sans coupe, il n’y a pas de répit possible et les événements se succèdent sans relâche, ne laissant pas de place aux doutes ou arrière-pensées.

Avoir comme second fil conducteur l’incroyablement talentueuse Laia Costa aide aussi énormément à embarquer dans ce récit, qui ne peut compter sur aucune magie du cinéma pour augmenter sa performance (ses larmes sont vraies) et aucune pause entre chaque moment difficile. Elle réussit à construire un individu qui existe sans problème en dehors de ce plan et auquel on s’attache rapidement. Sa relation avec Sonne est crédible et adorable, rajoutant la tension dramatique essentielle aux prouesses techniques.

Malgré quelques longueurs, Victoria nous enveloppe entièrement dans son aventure nocturne, que ce soit avec le jeu de ses acteurs naturel et complet, son unique prise ou sa production courageuse. Cette prise, qui remet en question toute notion de temporalité au cinéma, trop habitué aux angles morts que sont les coupes, fera beaucoup parlée, mais il ne faut jamais perdre de vue que ce sont les personnages solides qui font fonctionner cette entreprise. 

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