Director : Xavier Dolan
Réalisé en 2014. Avec : Anne Dorval (Die), Antoine-Olivier Pilon (Steve) et Suzanne Clément (Kyla).
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=Q9LVLCYvqSI
Le défi de raconter une histoire
centrée sur des gens qui ont des troubles de comportements est énorme. L’empathie
est plus difficile à développer pour une personne qui réagit de façon aussi
extrême et qui à certains moments semble perdre la raison. Par contre, si le
film pousse trop dans l’autre direction, il peut rapidement tomber dans la
manipulation facile et surtout l’exploitation. Mommy navigue incroyablement cette ligne entre l’extrême et l’humain,
créant une dynamique centrale entre trois individus ancrée dans une humanité
qui, quoi que extraordinaire, reste toujours accessible à l’empathie. Le plus
récent film de Xavier Dolan documente l’incroyable lutte de simples humains
dans une structure en place qui est toute sauf.
Diane « Die » Després
est une mère monoparentale qui mérite le qualificatif de guerrière. Son fils
est le genre de personne qui respire toute l’air dans une pièce et la dynamique
familiale (qui inclut leur voisine) est centrale, mais ne vous trompez pas, Mommy est l’histoire de Die. Cette
féroce survivante est interprétée par Anne Dorval et il est impossible de
continuer de parler du film sans s’arrêter pour parler cette performance. Pour ce
rôle, Dorval a décidé d’évoquer chaque once de jeu qu’elle pouvait sortir de
ses viscères, créant une performance cru et vrai qui mélange une Plastique de Mean Girls avec le savoir-faire de
Nathalie Parent (Les Parent), l’instinct
de survie d’Ellen Ripley et l’amour inconditionnel d’Anne Dorval la mère. Qu’elle
veuille calmer son fils avec des paroles attendrissantes ou le sermonner, elle
reste toujours ancrée dans une honnêteté qui, subtilement, fait de cette
performance une des plus impressionnantes qu’il m’ait été donné de voir au
grand écran cette année. L'ensemble du film est très bien joué (en plus de Patrick Huard qui apparaît pour un petit rôle très intéressant), mais pour mon argent, c'est Anne Dorval qui ressort grande victorieuse.
Il est évident, lors de l’écoute
de Mommy, que Xavier Dolan n’est pas
terriblement épris d’amour pour les institutions et structures en place. Les présentants toujours comme étant inhumaines, isolantes, endommagées ou tout simplement
bonne à rien. Ce sont elles qui, au final, empêchent les personnages d’être
vraiment heureux. Le système de justice ou de santé ne font que quelques
apparitions, mais sont toujours présents sous forme d’énormes bandes noires sur
les côtés de l’écran qui laissent très peu de place aux individus et les étouffent
constamment. L’idée de présenter un film avec ce format si particulier (1 :
1) est un pari risqué, mais réussit dans ce cas-ci. Le jeu des cadrages permet
de réellement visualiser à quel point il est facile de s’habituer aux
contraintes lorsqu’on ne connait que cela. Les personnages sont capables de
vivre dans des circonstances difficiles puisqu’ils n’ont jamais connus le
véritable bonheur de la liberté. Lorsqu’ils goûtent à un éphémère moment de soulagement,
ils sont libérés et l’audience peut enfin prendre une grande respiration. De
plus, lorsqu’il est nécessaire d’y retourner, que la réalité ramène les
personnages au pas, l’encombrant environnement est encore plus étouffant.
Le film est très sincère. Que ce
soit dans ses interactions de personnages, il y a très peu de non-dit et de
cachettes puisque la psyché des protagonistes fait qu’ils sont honnêtes dans
leurs dynamiques ou avec eux-mêmes. Le très peu de choses qui sont cachés
portent lourd sur les épaules des personnages, que ce soit une tragédie familiale
ou un incident domestique. Comme un autre film centré sur une relation interpersonnel
de l’an dernier, La vie d’Adèle,
chaque fois que quelqu'un exprime ce qu’il a sur le cœur, c’est un grand moment
et toute tourne autour de cette honnêteté émotionnelle. Cette intégrité traverse
tous le spectre, ce qui fait qu’il y a autant d’intensité dans les moments
lourds et dramatiques que lorsqu'ils sont léger et heureux (j’ai presque versé
une larme à l’impromptu danse sur On ne
change pas de « notre trésor national »). C’est cette honnêteté
qui fait fonctionner ces moments qui tomberaient sinon dans l’exploitation.
Comme l’a souligné ma copine, c’est un accomplissement lorsqu'un film nous sert
un montage accompagné de Wonderwall
et que nous ne sommes pas en territoire ultra-kitsch.
En conclusion, Mommy est un film vrai et humain. Ce
sont deux adjectifs qui semblent ridicules puisque si simple, mais qui se
retrouvent si rarement dans notre paysage cinématographique qu’ils font
manifestement réagir les foules lorsqu’ils sont présents et surtout, très
honnêtes. De plus, tout est au service de cette émotivité, ce qui la rend
encore plus poignante et mémorable.
MUK
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