mardi 14 octobre 2014

Mommy

Director : Xavier Dolan
Réalisé en 2014. Avec : Anne Dorval (Die), Antoine-Olivier Pilon (Steve) et Suzanne Clément (Kyla).


Le défi de raconter une histoire centrée sur des gens qui ont des troubles de comportements est énorme. L’empathie est plus difficile à développer pour une personne qui réagit de façon aussi extrême et qui à certains moments semble perdre la raison. Par contre, si le film pousse trop dans l’autre direction, il peut rapidement tomber dans la manipulation facile et surtout l’exploitation. Mommy navigue incroyablement cette ligne entre l’extrême et l’humain, créant une dynamique centrale entre trois individus ancrée dans une humanité qui, quoi que extraordinaire, reste toujours accessible à l’empathie. Le plus récent film de Xavier Dolan documente l’incroyable lutte de simples humains dans une structure en place qui est toute sauf.


Diane « Die » Després est une mère monoparentale qui mérite le qualificatif de guerrière. Son fils est le genre de personne qui respire toute l’air dans une pièce et la dynamique familiale (qui inclut leur voisine) est centrale, mais ne vous trompez pas, Mommy est l’histoire de Die. Cette féroce survivante est interprétée par Anne Dorval et il est impossible de continuer de parler du film sans s’arrêter pour parler cette performance. Pour ce rôle, Dorval a décidé d’évoquer chaque once de jeu qu’elle pouvait sortir de ses viscères, créant une performance cru et vrai qui mélange une Plastique de Mean Girls avec le savoir-faire de Nathalie Parent (Les Parent), l’instinct de survie d’Ellen Ripley et l’amour inconditionnel d’Anne Dorval la mère. Qu’elle veuille calmer son fils avec des paroles attendrissantes ou le sermonner, elle reste toujours ancrée dans une honnêteté qui, subtilement, fait de cette performance une des plus impressionnantes qu’il m’ait été donné de voir au grand écran cette année. L'ensemble du film est très bien joué (en plus de Patrick Huard qui apparaît pour un petit rôle très intéressant), mais pour mon argent, c'est Anne Dorval qui ressort grande victorieuse.


Il est évident, lors de l’écoute de Mommy, que Xavier Dolan n’est pas terriblement épris d’amour pour les institutions et structures en place. Les présentants toujours comme étant inhumaines, isolantes, endommagées ou tout simplement bonne à rien. Ce sont elles qui, au final, empêchent les personnages d’être vraiment heureux. Le système de justice ou de santé ne font que quelques apparitions, mais sont toujours présents sous forme d’énormes bandes noires sur les côtés de l’écran qui laissent très peu de place aux individus et les étouffent constamment. L’idée de présenter un film avec ce format si particulier (1 : 1) est un pari risqué, mais réussit dans ce cas-ci. Le jeu des cadrages permet de réellement visualiser à quel point il est facile de s’habituer aux contraintes lorsqu’on ne connait que cela. Les personnages sont capables de vivre dans des circonstances difficiles puisqu’ils n’ont jamais connus le véritable bonheur de la liberté. Lorsqu’ils goûtent à un éphémère moment de soulagement, ils sont libérés et l’audience peut enfin prendre une grande respiration. De plus, lorsqu’il est nécessaire d’y retourner, que la réalité ramène les personnages au pas, l’encombrant environnement est encore plus étouffant.


Le film est très sincère. Que ce soit dans ses interactions de personnages, il y a très peu de non-dit et de cachettes puisque la psyché des protagonistes fait qu’ils sont honnêtes dans leurs dynamiques ou avec eux-mêmes. Le très peu de choses qui sont cachés portent lourd sur les épaules des personnages, que ce soit une tragédie familiale ou un incident domestique. Comme un autre film centré sur une relation interpersonnel de l’an dernier, La vie d’Adèle, chaque fois que quelqu'un exprime ce qu’il a sur le cœur, c’est un grand moment et toute tourne autour de cette honnêteté émotionnelle. Cette intégrité traverse tous le spectre, ce qui fait qu’il y a autant d’intensité dans les moments lourds et dramatiques que lorsqu'ils sont léger et heureux (j’ai presque versé une larme à l’impromptu danse sur On ne change pas de « notre trésor national »). C’est cette honnêteté qui fait fonctionner ces moments qui tomberaient sinon dans l’exploitation. Comme l’a souligné ma copine, c’est un accomplissement lorsqu'un film nous sert un montage accompagné de Wonderwall et que nous ne sommes pas en territoire ultra-kitsch.


En conclusion, Mommy est un film vrai et humain. Ce sont deux adjectifs qui semblent ridicules puisque si simple, mais qui se retrouvent si rarement dans notre paysage cinématographique qu’ils font manifestement réagir les foules lorsqu’ils sont présents et surtout, très honnêtes. De plus, tout est au service de cette émotivité, ce qui la rend encore plus poignante et mémorable.

MUK

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