mercredi 8 février 2017

Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau

Directeurs : Mathieu Denis et Simon Lavoie
Synopsis : Quatre militants tentent, tant bien que mal, d'attiser les flammes de la révolution au Québec, qui se sont éteintes depuis la fin du Printemps Érable de 2012.


Le cinéma québécois en 2017 nous traite assez bien jusqu’à présent. Avec le succès bien mérité de Nelly et les plus petits films qui osent (Maudite Poutine, Cyclotron, Mes nuits feront échos), l’année s’annonce déjà mieux que 2016 et nous ne sommes qu’en février. C’est dans ce contexte qu’arrive Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau. Le film de Mathieu Denis et Simon Lavoie est adéquatement représenté par son titre : peu orthodoxe, immense, ambitieux, qui a quelque chose à dire et on ne peut s’empêcher d’en avoir notre opinion.

Ceux qui font les révolutions sont ici quatre jeunes qui ont vécus le printemps érables de 2012 à fond et qui ont de la difficulté à vivre avec l’essoufflement du mouvement et le peu d’impact concret qui y a enchainé. Chacun pour une raison différente, ils sont séparés de la vie qu’ils connaissaient auparavant. Sans maison et sans famille, ils se retrouvent les quatre dans un appartement barricadé, à essayer de réactiver le mouvement révolutionnaire qui était si prometteur il y a quatre ans.

Les ambitions et idéaux de chacun divergent et s’entrechoquent, mais les quatre partagent un mal-être généralisé qui les empêchent de ressentir quoi que ce soit autre qu’une colère  trop puissante pour toujours être justifiée ou rationnelle. On sent que le film aime ses personnages autant qu’il les critique, qu’il a autant d’empathie que de frustration à leur égard et cet équilibre est un acte assez impressionnant à accomplir.

Il n’y a pas de façon de passer à côté : Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau est un film gigantesque. Autant essai que film narratif, il combine à son cinéma poésie, littérature, danse et musique dans une œuvre qui semble trop grande pour n’être qu’un film. Des changements de cadres au matériel d’archives, il utilise tous les outils dans son arsenal pour construire l’un des films les plus éloquents et préoccupés du cinéma québécois moderne. L’ambition étant aussi immense, ce serait un mensonge que de dire qu’il ne s’enfarge pas ici et là, mais la complexité de l’œuvre rattrape les quelques dérapages.

Les thèmes explorés sont trop nombreux ou complexes pour que je prétende les avoir tous saisis au premier visionnement et c’est tout à son honneur. C’est un film qui mérite digestion et discussions et c’est le mieux que l’on puisse espérer d’un film qui touche à des sujets aussi pertinents et d’actualité. Dans l’ensemble, il parle de rapports générationnels complexes et tendus et, sans être investi dans les spécificités du combat étudiant de 2012, il y a un point plus universel dans le rapport entre une génération qui lègue une société à l’autre et la transition rocailleuse qui s’ensuit.

Le film ne plaira pas à tous et c’est bien correct, il est loin d’être accessible et les idées mises de l'avant peuvent porter à controverse et sont assez ouvertes à interprétation. Il faut tout de même ajuster ses attentes en allant voir ce film, qui met en images certaines notions théoriques et ne se préoccupe pas toujours avec le réalisme de son récit. Avec le sujet abordé, la théorie mise de l’avant et la durée de trois heures, avec un entracte/pause au milieu, je ne peux m’empêcher de penser à un cours post-secondaire, soyez-en prévenu. Malgré le côté théorique et plus abstrait, il y a une atmosphère lourde et une passion incandescente qui se dégage de ce film avec plein d’idées et de préoccupations et c'est ce qui laisse sa trace plus que tout le reste.

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